Question de Mme VARAILLAS Marie-Claude (Dordogne - CRCE) publiée le 14/07/2022

Mme Marie-Claude Varaillas attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur la spéculation sur les matières premières agricoles dans un contexte d'inflation et d'aggravation de l'offre internationale due à la guerre en Ukraine.

L'inflation, notamment des matières premières agricoles mais aussi de l'énergie, qui précédait l'invasion russe, avait déjà fortement pesé sur les négociations entre producteurs, industriels et transformateurs, et s'était traduite par une augmentation des prix des produits alimentaires de 3 %, une première depuis huit ans. En conséquence, le Premier ministre a actionné le 16 mars 2022 les « clauses de renégociations » prévue par la loi n° 2021-1357 du 18 octobre 2021 visant à protéger la rémunération des agriculteurs.

Si des ajustements en matière de prix sont effectivement nécessaires, l'Ukraine et la Russie étant deux des principaux producteurs de matières premières agricoles, la guerre a provoqué une déstabilisation du marché international de celles-ci qui s'ajoute à l'inflation existante. Une spéculation se met déjà en place sur le blé Ukrainien et Russe non encore sorti de terre, sur des céréales non encore plantées. Ce dérèglement des prix à l'export est de nature à tirer les prix domestiques à la hausse, en agitant le spectre d'une pénurie, alors qu'elle concerne principalement, pour la France, des marchés d'exportations. Cette spéculation s'ajoute à la hausse des prix de l'énergie et du coût des engrais.

C'est pourquoi elle lui demande la mise en place d'un encadrement des prix des matières premières agricoles, d'une interdiction de spéculer sur ces mêmes céréales et un strict encadrement de la méthanisation avec interdiction d'utiliser la matière noble. Elle lui demande également quelles actions le Gouvernement prévoit au niveau communautaire afin que des mesures soient prises pour protéger agriculteurs et consommateurs européens, et celles que le Gouvernement compte mettre en place pour éviter que les éleveurs et consommateurs français payent les prix des sanctions imposées à la Russie.

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Réponse du Ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire publiée le 22/09/2022

Annoncée en 2021, la hausse mondiale du prix des céréales a été accélérée par le conflit en Ukraine. En janvier 2022, le prix du blé meunier franco à bord (fob) Rouen avait atteint 280 euros (€) par tonne en moyenne mensuelle, soit une hausse de 20 % sur un an. Il a quasiment doublé début mars 2022 pour osciller aux alentours de 400 € par tonne jusqu'à fin mai 2022, avec un pic à 440 € par tonne mi-mai, en hausse de près de 80 % en un an. Depuis, il est progressivement redescendu aux alentours de 340 € par tonne, soit 65 % au-dessus des cours de juillet 2021, tout en gardant une très forte volatilité. Le maïs a suivi une tendance similaire, en passant de 260 € par tonne fob Moselle en janvier 2022 à plus de 420 euros par tonne début mars pour redescendre aux alentours de 320 € par tonne à l'été 2022. Les variations de cours en France sont comparables à ceux observés sur les marchés mondiaux. Les autres céréales, à l'exception du riz, et les principaux oléagineux, colza, tournesol et soja, ont suivi des mouvements analogues. Depuis le début de la guerre en Ukraine, les variations des cours des céréales et des oléagineux traduisent une forte incertitude sur les marchés de ces produits, dans un contexte d'équilibre global offre-demande qui reste tendu par des récoltes (ou des perspectives de récoltes) moyennes et une demande toujours très soutenue. S'ils atteignent les plus hauts niveaux historiques, les cours de ces matières premières agricoles ne résultent donc pas d'une action purement spéculative que mèneraient certains acteurs, mais de l'équilibre global des marchés et du contexte économique incertain, que renforce le conflit en Ukraine. Les marchés à terme permettent aux opérateurs physiques, comme les négociants en céréales ou les industriels de leur transformation, de vendre ou d'acheter les marchandises en limitant les risques de variations de cours. Ils ont un rôle important pour le bon fonctionnement des marchés, car ils favorisent la liquidité, permettant l'exécution d'ordres de grande taille avec un minimum de fluctuations de cours. Le fonctionnement des grands marchés à terme des matières premières, agricoles comme le Chicago Mercantile Exchange aux États-Unis ou Euronext en Europe, est régi par des réglementations strictes destinées à aligner en tendance la réalité du marché physique et les positions financières des acteurs, en permettant ainsi d'éviter les défauts des opérateurs et le développement de bulles spéculatives. Les opérateurs comme Euronext appliquent cette règlementation en France sous le contrôle de l'autorité des marchés financiers. La responsabilité de ces acteurs est bien d'empêcher l'installation d'une bulle spéculative sur les prix des céréales qui menacerait la sécurité alimentaire des pays dépendants d'importations de céréales et contribuerait à alimenter l'inflation en France et en Europe. Les principaux moteurs de l'inflation qui a débuté dès 2021 sont les prix des énergies au sens large, avec des répercussions sur de nombreux secteurs, et ceux de l'alimentation, exacerbés par le déficit d'offre de gaz naturel et de matières premières agricoles lié à l'invasion de l'Ukraine par la Russie. Face à l'inflation, le Gouvernement a pris des mesures massives, aux effets concrets : mise en place d'un bouclier tarifaire (gaz et électricité) dès octobre 2021 prolongé jusqu'à fin 2022, remise carburants de 15 centimes puis portée à 30 centimes depuis le 1er septembre 2022, plafonnement de la hausse des loyers à 3,5 % sur un an, suppression de la contribution à l'audiovisuel public, qui concerne tous les consommateurs et citoyens. D'autres mesures ont été adoptées en faveur des plus vulnérables : aide exceptionnelle de rentrée en faveur des foyers et étudiants les plus précaires, revalorisation du chèque énergie, revalorisation de 4 % au 1er juillet 2022 des prestations sociales et des pensions de retraite, déconjugalisation de l'allocation adulte handicapée. Des mesures ont également été adoptées en faveur de tous les salariés afin de maintenir leur pouvoir d'achat : déblocage de la participation ou l'intéressement salarial, possibilité de rachat des jours de réduction du temps de travail, revalorisation du point d'indice de la fonction publique. Pour accompagner les entreprises, le Gouvernement a présenté en mars 2022, le plan de résilience économique et sociale qui comporte de nombreuses mesures, comme les aides ciblées pour les entreprises grosses consommatrices de gaz ou d'électricité ou les mesures générales pour soutenir le financement et la trésorerie des entreprises avec les prêts garantis par l'État, l'activité partielle de longue durée et l'aménagement des délais de paiement des obligations sociales et fiscales. Le secteur de l'agriculture et l'agro-alimentaire bénéficie de toutes ces mesures, mais aussi de mesures spécifiques destinées à assurer pour le long terme la souveraineté alimentaire, comme le soutien spécifique apporté aux filières d'élevage au travers de l'aide à l'alimentation animale. La bonne application de la loi du 18 octobre 2021 visant à protéger la rémunération des agriculteurs, dite loi EGALIM 2, est également suivie de manière attentive par les services du ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire et par ceux du ministère de l'économie, des finances et de souveraineté industrielle et numérique. La loi entrera pleinement en vigueur au 1er janvier 2023. Grâce à cet ensemble de mesures, la France a actuellement la plus faible inflation de la zone euro. À plus long terme, le plan France 2030 a pour objectif de réduire la dépendance de l'économie française aux chocs externes, en favorisant la relocalisation des activités et des entreprises sur le territoire national, et en soutenant le développement de technologies disruptives qui permettront de réduire les dépendances aux produits et services extérieurs.

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