Question de Mme BONNEFOY Nicole (Charente - SER) publiée le 14/07/2022

Mme Nicole Bonnefoy attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur la décision du Conseil d'État rendue le lundi 26 juillet 2021, demandant au Gouvernement de renforcer sous six mois la réglementation encadrant l'épandage des pesticides pour mieux protéger la population.

En effet, après plusieurs mois de polémiques, le Gouvernement avait fixé en décembre 2019 les distances minimales à respecter entre les zones d'épandage de produits phytosanitaires et les habitations : cinq mètres pour les cultures dites basses comme les légumes et céréales, et dix mètres pour les cultures hautes, fruitiers ou vignes.

Le décret prévoyait également des dérogations ramenant ces distances respectivement à trois et cinq mètres, dans le cadre de chartes d'engagement départementales proposées par les utilisateurs de produits phytosanitaires et validées par les préfets après avoir été soumises à concertation publique.

Depuis plusieurs mois, ces distances minimales et les conditions d'élaboration des chartes ont été contestées devant le Conseil d'État par des associations, communes et agriculteurs bio qui les jugeaient insuffisamment protectrices et par des agriculteurs et une chambre d'agriculture qui les considéraient excessives.

Dans sa décision du 26 juillet 2021, le Conseil d'État indique que l'agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) « recommande une distance minimale de 10 mètres entre les habitations et les zones d'épandage de tout produit classé cancérogène, mutagène ou toxique, sans distinguer si leurs effets sont avérés, présumés ou seulement suspectés ». Le conseil d'État juge que ces distances minimales, même pour des produits dont la toxicité n'est que suspectée, qui ont été fixées à cinq mètres pour les cultures basses comme les légumes ou les céréales, sont insuffisantes. Il demande également au Gouvernement de « prévoir des mesures de protection pour les personnes travaillant à proximité d'une zone d'utilisation de pesticides, ce que la réglementation en vigueur ne fait pas ». Il estime que « les chartes d'engagements d'utilisation doivent prévoir l'information des résidents et des personnes présentes à proximité des zones d'épandage en amont de l'utilisation des pesticides ». Il annule par ailleurs les conditions d'élaboration des chartes et leur approbation par le préfet « car celles-ci ne pouvaient être définies par un décret, mais uniquement par la loi » conformément à une décision du Conseil constitutionnel rendue en mars 2021. Le Conseil d'État donne six mois au Gouvernement pour revoir sa copie.

Par conséquent, elle lui demande quelles sont les mesures envisagées par le Gouvernement pour remédier à cette situation.

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Réponse du Ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire publiée le 11/01/2024

L'arrêté du 4 mai 2017 relatif à la mise sur le marché et à l'utilisation des produits phytopharmaceutiques et de leurs adjuvants a été modifié par l'ajout de l'article 14-1-1, à la suite de la publication de l'arrêté du 14 février 2023 relatif aux mesures de protection des personnes lors de l'utilisation de certains produits phytopharmaceutiques. Celui-ci dispose que « en l'absence de distance de sécurité spécifique fixée par l'autorisation de mise sur le marché du produit concerné, une distance de sécurité minimale de 10 mètres, qui ne peut être réduite en application de l'article 14-2, est applicable aux traitements des parties aériennes des plantes réalisés à proximité des lieux mentionnés à l'article L. 253-7-1 et au III de l'article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime ainsi que des lieux accueillant des travailleurs présents de façon régulière à proximité de ces traitements pour les usages des produits phytopharmaceutiques mentionnés à l'annexe 5 ». En application de cet article, le ministère chargé de l'agriculture a publié la liste des usages des produits phytopharmaceutiques mentionnés à l'article 14-1-1. Ladite liste recense un ensemble d'usages de produits suspectés d'être cancérogènes, mutagènes ou reprotoxiques, pour lesquels une distance de sécurité minimale de 10 mètres s'applique. Elle est consultable au sein du Bulletin officiel du ministère chargé de l'agriculture. Par ailleurs, l'arrêté du 25 janvier 2022 relatif aux mesures de protection des personnes lors de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques a complété les dispositions de l'arrêté du 4 mai 2017, visant la protection des riverains et personnes présentes applicables depuis le 1er janvier 2020, en subordonnant l'utilisation des produits phytopharmaceutiques dans les lieux accueillant des travailleurs présents de façon régulière aux mêmes mesures de protection. Enfin, le décret n° 2022-62 du 25 janvier 2022 relatif aux mesures de protection des personnes lors de l'utilisation de produits phytopharmaceutiques à proximité des zones d'habitation a rendu obligatoires les modalités d'information des résidents et des personnes présentes préalables à l'utilisation des produits. Conformément à l'injonction du Conseil d'État du 26 juillet 2021, ce décret a également modifié la procédure d'approbation des chartes qui doivent faire l'objet d'une consultation du public conduite par le préfet et de nouvelles chartes ont, depuis, fait l'objet d'une approbation conformément à cette procédure. Saisi d'une procédure d'exécution juridictionnelle, le Conseil d'État a jugé, le 4 décembre 2023, que la décision du 26 juillet 2021 devait être regardée comme ayant été exécutée. Par une décision du même jour, le Conseil d'État a rejeté les quatre recours en annulation qui avaient été introduits contre le décret n° 2022-62 du 25 janvier 2022, l'arrêté du 25 janvier 2022 et l'arrêté du 14 février 2023, confirmant la légalité des dispositions réglementaires adoptées.

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