Question de M. CARDON Rémi (Somme - SER) publiée le 14/07/2022

M. Rémi Cardon attire l'attention de M. le ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées. Une critique régulièrement adressée à la statistique publique porte sur la difficulté à connaître le nombre de personnes handicapées en France.

L'institut national de la statistique et des études économiques (Insee) et la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees) disent vouloir éviter de privilégier l'une d'entre elle en faisant une définition « officielle » et répondent toujours de façon plurielle à la question du dénombrement des personnes handicapées.

Ainsi, une acceptation large consiste par exemple à dénombrer toutes les personnes qui déclarent de fortes difficultés ou une impossibilité dans l'une au moins des dimensions fonctionnelles (voir, entendre, se déplacer, etc.) : selon cette acceptation, la France compte 4,8 millions de personnes handicapées de 16 à 59 ans et 5,4 millions de 60 ans et plus, d'après l'enquête handicap-santé de 2008-2009 (hors personnes vivant en institution).

Selon une acceptation plus restreinte encore, correspondant au fait de se déclarer fortement limité dans les activités de la vie quotidienne, ces effectifs sont respectivement de 2,1 et 2,7 millions de personnes.

Enfin, si l'on raisonne en termes de reconnaissance administrative d'un handicap, d'une invalidité ou d'une perte d'autonomie, la France comptait en 2008-2009 2,5 millions de personnes handicapées de 16 à 59 ans, et 1,3 millions de 60 ans et plus.

Pourtant, le chiffre de 13 millions est largement partagé dans les matériaux de documentation des ministères, des associations et acteurs du handicap en France, comme étant le chiffre repère. Il a été évoqué par la Première ministre lors de son discours de politique générale.

Aussi ces rapports, à croiser et à assimiler sans possibilité de pouvoir les vulgariser et n'étant pas tous accessibles au plus grand nombre, favorisent des politiques publiques peu cohérentes et efficientes et ne permettent pas d'appréhender les réalités nécessaires à leur bon déroulé au demeurant.

Il lui demande donc la mise en place de statistiques opérantes en lien avec l'Insee pour pouvoir enfin avoir des éléments chiffrés sur laquelle les politiques publiques du handicap pourraient se baser.

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Transmise au Ministère auprès du ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées, chargé des personnes handicapées


Réponse du Ministère auprès du ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées, chargé des personnes handicapées publiée le 03/11/2022

Pour pouvoir établir des statistiques reconnues et acceptées de tous sur un sujet, il est nécessaire de se doter d'une définition communément partagée. En France, il existe une définition légale du handicap depuis la loi du 11 février 2005, proche de la définition de la Convention internationale relative aux droits des personnes handicapées, et inspirée de la classification internationale du fonctionnement, du handicap et de la santé (CIF) : « Constitue un handicap, au sens de la […] loi, toute limitation d'activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d'une altération substantielle, durable ou définitive d'une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d'un polyhandicap ou d'un trouble de santé invalidant ». Il s'agit donc d'une définition portant à la fois sur les causes (problèmes de santé, limitations des fonctions) et les conséquences (restrictions de participation), et qui plus est, contextualisée dans un environnement donné. Cette définition, qui ne fournit aucune condition sur l'âge des personnes, s'applique aussi bien aux enfants, aux adultes en âge de travailler qu'aux personnes âgées. Elle couvre donc non seulement les situations que l'on associe habituellement au handicap proprement dit, mais aussi celles que l'on associe plutôt à l'invalidité ou la perte d'autonomie des seniors. De par la combinaison de facteurs tels que des causes de handicap et des conséquences en termes de restrictions de participation dans un environnement donné, il peut y avoir plusieurs approches pour dénombrer la population en situation de handicap, comme en témoignent les données citées dans la question écrite. C'est l'objectif des grandes enquêtes décennales sur le handicap et la dépendance. Ces indicateurs complémentaires apportent chacun une information sur les besoins en termes de politiques publiques. Sur la période 2021-2024, la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES) réalise une nouvelle édition de ces enquêtes, les enquêtes sur l'Autonomie. Une fois terminées, ces enquêtes feront l'objet de publications à large diffusion, dont l'objectif est d'actualiser les estimations datant de 2008-2009, et d'expliquer les différents décomptes. De plus, le nouveau dispositif est plus large que les précédents, et les populations résidant dans des établissements tels que les établissements de santé mentale, les établissements de protection de l'enfance ou les prisons seront aussi interrogées. Si ces enquêtes statistiques permettent une vision très complète des conditions de vie des personnes handicapées, elles ont un coût très élevé (le budget total du dispositif d'enquêtes autonomie est par exemple de l'ordre de 10 millions d'euros). Par conséquent, de telles enquêtes ne peuvent être réalisées que de façon ponctuelle. Sans être aussi complètes dans leur approche du handicap, d'autres enquêtes statistiques prévoient également un repérage des personnes handicapées et permettent donc un suivi plus régulier de leurs conditions de vie. L'identification des personnes handicapées y est réalisée grâce à une question harmonisée au niveau européen, et correspond au 2ème indicateur évoqué dans la question écrite. Cette diffusion fait écho à l'approche transversale portée par le comité interministériel du handicap : de la même manière que le handicap ne doit pas seulement être l'objet d'une politique dédiée, mais au contraire un angle d'attention dans l'ensemble des politiques publiques, le suivi statistique du handicap ne s'arrête pas à des enquêtes dédiées mais doit être permis et enrichi par l'ensemble des enquêtes statistiques. Enfin, les données administratives permettent elles aussi d'avoir des informations plus régulières sur les bénéficiaires de prestations ou de reconnaissances administratives liées au handicap et à la perte d'autonomie. Dans ce contexte d'un grand nombre de données possibles, l'enjeu de diffusion de données sur le handicap cohérentes, régulières et relativement aisées à expliquer est bien identifié par le Service statistique public (SSP), dont l'institut national de la statistique et des études économiques et la DREES font partie. Ainsi, le Conseil national de l'information statistique (CNIS) a demandé au SSP, dans son programme de moyen terme 2019-2023, de poursuivre les efforts dans ce domaine. En 2020, la DREES a mis en place un groupe des producteurs de données statistiques sur le handicap et l'autonomie, auquel participent les services du SSP ainsi que des caisses de sécurité sociale, des opérateurs de l'État, des organismes de recherche. Les travaux de ce groupe doivent permettre d'homogénéiser les notions et définitions en établissant une doctrine partagée là où des différences sont encore observées. Ils doivent également prévoir une communication synthétique et cohérente sur le système d'observation dans son ensemble. Fin 2022, ce groupe présentera au CNIS son plan d'action pour atteindre ces objectifs.

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