Question de M. BENARROCHE Guy (Bouches-du-Rhône - GEST) publiée le 21/07/2022

M. Guy Benarroche attire l'attention de Mme la ministre de la transition énergétique à propos de la lutte contre les oxydes d'azote émis par le trafic routier et la mise en place de zones à faibles émissions (ZFE) dans les villes de plus de 150 000 habitants.
Comme le Président de la République, candidat à sa réélection, l'avait promis lors du 76e congrès de la fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles, l'État a publié au Journal officiel du 16 avril 2022 l'arrêté ministériel autorisant le biocarburant B100 en crit'Air 1 pour les camions, à la grande satisfaction de certains syndicats de transporteurs routiers. Il note que cet arrêté n'a pas fait l'objet d'une consultation publique préalable.
Avec l'éligibilité des poids lourds roulant en ZFE au B100 à la vignette Crit'Air 1, la demande pour ces véhicules va inévitablement grandir, au détriment de solutions réputées plus propres telles que les camions roulant au biométhane, déjà classés Critair'1.
Des mesures, un temps disponible dans la librairie de l'agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), avaient montré qu'un poids lourd roulant au biodiesel émettait en ville nettement plus d'oxydes d'azote que le même poids lourd utilisant du diesel.
Selon le groupe Avril qui revendique un tiers du marché français et développe l'offre Oléo100 à base de colza exclusivement cultivé sur notre territoire, il y aurait déjà 4 500 moteurs circulant avec ce biodiesel. La société espère atteindre 40 000 d'ici 2025.
Selon le constructeur Renault trucks, plus de 2 000 de ses camions roulent déjà au B100 et, dès cet été, le dispositif B100 exclusif sera proposé sur les véhicules d'occasion Renault trucks.
Selon ses informations, le biodiesel consommé en France est importé pour plus de la moitié. Il est constitué à 75 % à partir de colza, mais aussi de tournesol, de soja et d'huile de palme.
Ce carburant bénéficie d'une fiscalité avantageuse et les professionnels du transport qui se dotent d'un camion B100 exclusif neuf peuvent également bénéficier du sur-amortissement. Selon les modèles, ce sur-amortissement représente entre 40 et 60 % du coût d'acquisition du véhicule (châssis et carrosserie). Cela constituera une gêne à toutes les autres solutions propres.
La lutte contre la pollution de l'air est un enjeu de santé public majeur, on estime que près de 40 000 (d'après Santé publique France) à 100 000 (étude publiée par des chercheurs en santé environnementale de l'université de Harvard) personnes décèdent prématurément chaque année en France à cause de la pollution de l'air. Cette pollution de l'air touche particulièrement les grandes agglomérations françaises et est en grande partie due au transport routier. Le transport routier serait responsable de 63 % des émissions d'oxydes d'azote ou NOx. À eux seuls, les véhicules diesel sont responsables de 90 % des émissions de NOx du transport routier. L'organisation mondiale de la santé (OMS)a récemment révisé ses valeurs guides annuelles pour le NO2 de 40 µg/m3 à 10 µg/m3.
Aussi, il lui demande si le Gouvernement pourrait modifier cet arrêté afin de mieux prendre en considération d'une part, les effets sanitaires que ces véhicules lourds roulant aux biodiesels auront inévitablement sur les habitants des ZFE et d'autre part, les impacts de ces nouvelles mesures sur la cohérence industrielle vis-à-vis des efforts considérables déjà consentis pour le développement d'une offre de véhicules lourds au biométhane, efforts qui risquent d'être annihilés au détriment de l'État et d'une filière industrielle - constructeurs et énergéticiens ayant développé les infrastructures de production des véhicules et d'avitaillement - et qui vont subir d'importants dommages financiers.

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Réponse du Ministère de la transition énergétique publiée le 23/03/2023

Le classement des certificats qualité de l'air (vignette Crit'Air) est fixé par l'arrêté du 21 juin 2016 établissant la nomenclature des véhicules classés en fonction de leur niveau d'émission de polluants atmosphériques en application de l'article R. 318-2 du code de la route. Cet arrêté détaille les modalités de classement des véhicules et les divise en six classes Crit'Air. Le carburant B100 relève de la catégorie des biocarburants, laquelle recouvre tout combustible liquide ou gazeux issu de la matière organique végétale, animale ou usée, destiné à alimenter un moteur thermique. Depuis 2020 pour la palme et 2021 pour le soja, ces matières premières ne bénéficient plus du mécanisme d'incitation à l'incorporation d'énergie renouvelable dans les transports, et sont de fait absentes du biodiesel consommé en France (statistiques accessibles sur https://carbure.beta.gouv.fr/stats) En raison des impacts de ce carburant en matière de pollution atmosphérique avec entre autres des réductions non négligeables des émissions d'hydrocarbure et de monoxyde de carbone par rapport au carburant B7, et des réductions très significatives des émissions d'aldéhydes-cétones (dont les formaldéhydes), les poids lourds, autobus et autocars roulant exclusivement avec du B100 (c'est-à-dire une motorisation incompatible avec d'autres carburants) et répondant à la norme Euro VI (à partir du 1er janvier 2014) sont éligibles à la vignette Crit'Air 1. La décision du Conseil d'État du 25 janvier 2023 a annulé l'arrêté du 11 avril 2022 modifiant l'arrêté du 21 juin 2016. L'État prend acte du jugement du Conseil d'État. L'arrêté du 4 octobre 2022 est quant à lui toujours en vigueur et encadre la situation règlementaire des demandeurs de vignettes Crit'Air. Les poids lourds, autobus et autocars Euro 6 à motorisation exclusive B100 continuent ainsi de se voir délivrer la vignette Crit'Air 1. Il en est de même des véhicules alimentés au gaz. À plus long terme, le règlement européen proposé par la Commission sur les émissions de gaz à effet de serre des Poids Lourds devrait accélérer la transition vers une plus grande électrification des flottes. La transition énergétique implique également un plus grand report modal de la route vers le fluvial ou le ferroviaire, ainsi qu'un développement de la cyclo-logistique notamment dans les agglomérations, ce qui sera également bénéfique pour la qualité de l'air.

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