Question de M. DÉTRAIGNE Yves (Marne - UC) publiée le 21/07/2022

M. Yves Détraigne souhaite appeler l'attention de Mme la ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur la nécessité de sensibiliser l'ensemble des dirigeants mondiaux à se saisir du sort des femmes dans les conflits…
Sur tous les terrains de guerre ou de crise, les droits des femmes sont les premiers bafoués. Elles sont les premières exposées aux violences (viols et violences sexuelles, trafic, exploitation) et ont un accès très limité aux services de santé et de soin, en particulier sexuels et reproductifs. Elles restent encore très peu associées aux négociations et aux prises de décisions concernant la résolution des conflits, la reconstruction ou même l'aide humanitaire, en dépit des engagements pris par les états au titre des résolutions « Femmes, Paix et Sécurité » des Nations unies.
En Afghanistan, les Talibans ont progressivement restreint puis annihilé les libertés et les droits des femmes, évincées de l'espace public. En Ukraine, les témoignages de viols et de violences sexuelles commis par les troupes russes se multiplient tandis que plusieurs institutions internationales ont mis en garde contre les risques de traite des êtres humains et de proxénétisme pour les 7 millions de personnes ayant fui le pays, dont 90 % de femmes et d'enfants. Bien d'autres crises encore illustrent également le recul des droits des femmes et l'utilisation du corps des femmes comme champ de bataille, qu'il s'agisse des viols et tortures commis massivement depuis 25 ans par les différentes milices dans l'est du Congo, du martyre des femmes yézidies en Irak ou des témoignages de sévices contre les femmes ouïghoures.
Ces guerres et ces crises - et leurs conséquences dévastatrices sur les femmes, sur leur corps, sur leurs droits - témoignent de l'urgence d'intégrer dans chacune des dimensions de la politique étrangère (politique, économique, militaire, humanitaire etc) la défense de l'égalité et des droits des femmes. La France s'y est engagée depuis 2018, à la suite de la Suède et du Canada et a publié une stratégie internationale pour l'égalité entre les femmes et les hommes. Elle a également adhéré en juillet 2021 au Pacte sur les femmes, la paix et la sécurité et a adopté un plan national d'action pour la mise en œuvre des résolutions « Femmes, paix et sécurité » du conseil de sécurité des Nations unies.
Dans un contexte si fortement marqué par les crises ukrainienne et afghane, il lui demande, d'une part, de réaffirmer l'engagement de la France en faveur des résolutions « Femmes, Paix et Sécurité » et, d'autre part, d'encourager les dirigeants mondiaux à se saisir du sort des femmes dans les conflits.

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Réponse du Ministère de l'Europe et des affaires étrangères publiée le 29/12/2022

La France mène une diplomatie féministe, qui a été mise en place en 2019 et associe tous les ministères. Elle est notamment engagée pour la protection des femmes dans les conflits et pour leur participation à la recherche et la conclusion de solutions pour la paix. La France soutient ainsi la mise en œuvre de toutes les résolutions du Conseil de sécurité pertinentes pour l'Agenda "Femmes, paix et sécurité". Elle a fait de la mise en œuvre effective de cet agenda au Conseil de sécurité et sur le terrain une des priorités de son action. Elle a élaboré son troisième Plan national d'action pour l'agenda "Femmes, paix et sécurité", qui concerne la période 2021-2025 et tous les piliers de l'agenda. Ce plan repose sur 4 piliers : la participation des femmes à la prévention, à la gestion et au règlement des conflits ; la prévention par la sensibilisation aux enjeux liés à la lutte contre les violences de genre, aux droits des femmes et à l'égalité femmes-hommes ; la protection des femmes et des filles face aux violences sexistes et sexuelles et aux extrémismes violents en situation de conflit et post-conflit et la lutte contre l'impunité ; la promotion de l'agenda. La France agit résolument et concrètement pour mettre en oeuvre ce plan : - elle finance des projets favorisant l'émergence de personnalités de premier plan, actrices du changement. Elle soutient ainsi depuis 2020 les associations agissant pour l'égalité de genre et les droits des femmes et des filles à travers le Fonds de soutien aux organisations féministes, mobilisant 120 millions d'euros sur trois ans. Le fonds soutiendra en 2022 à hauteur de 10 millions d'euros des organisations féministes œuvrant à la mise en œuvre de l'Agenda Femmes, paix et sécurité dans les zones de crises et de conflits dans le Sahel, en Afrique Centrale et au Moyen-Orient. Avec l'initiative Affirmative Finance Action for Women in Africa (AFAWA), la France favorise par ailleurs l'entrepreneuriat des femmes en Afrique. Elle a lancé "l'initiative Marianne pour les défenseurs des droits de l'Homme" le 10 décembre 2021, un programme de soutien de la France aux défenseurs des droits de l'Homme dans le monde, conçu en complément des instruments français et européens existants. La première promotion d'une quinzaine de lauréates accueillies en France et que la Ministre de l'Europe et des affaires étrangères a reçue, est exclusivement féminine ; - face aux violences affectant les femmes et les filles, qu'elle condamne fermement, la France contribue au renforcement du Fonds mondial pour les survivant (e) s de violences sexuelles du Dr Mukwege et de Nadia Murad, qu'elle a contribué à lancer lors du sommet du G7 à Biarritz en 2019. Entre 2020 et 2022, elle a apporté un soutien financier à hauteur de 6,2 millions d'euros au fonds. Du 30 juin au 2 juillet 2021, la France a co-organisé avec le Mexique et accueilli à Paris le Forum Génération Egalité (FGE), en coopération avec ONU Femmes. A cette occasion, plus de 40 milliards de dollars de financements ont été mobilisés et 1000 engagements annoncés pour soutenir un plan mondial d'accélération pour l'égalité entre les femmes et les hommes, dont une coalition d'action dédiée à la lutte contre les violences fondées sur le genre. La promotion active par la France de l'universalisation de la Convention d'Istanbul du Conseil de l'Europe, qui représente l'instrument international le plus abouti en matière de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes et la violence domestique, a également permis sa ratification en 2022 par la Moldavie, le Royaume-Uni et l'Ukraine. La France soutient, en outre, les travaux de la Cour pénale internationale, qui joue un rôle indispensable pour lutter contre les crimes internationaux impliquant des violences sexuelles dans le contexte de conflits armés ; -  la France prend en compte les enjeux d'égalité de genre dans son aide humanitaire et son aide publique au développement. 90 % des projets financés via le fonds Minka de l'Agence française de Développement (AFD) prennent en compte les problématiques de genre (marqueur 1 ou 2 du Comité d'aide au développement de l'OCDE) ; - dans les situations de conflits armés et là où l'Etat de droit est bafoué, la France veille toujours à ce que le rôle et la situation des femmes et des filles soient pleinement pris en compte. La France a sévèrement condamné les exactions commises par les forces armées russes en Ukraine et les violences intolérables perpétrées contre des femmes et des filles ukrainiennes. Elle s'assure que l'aide humanitaire qu'elle apporte au peuple ukrainien contribue à leur protection et à leurs besoins spécifiques. Elle salue le courage des femmes ukrainiennes en première ligne de la réponse humanitaire, politique et militaire en défense de leur pays. S'agissant de l'Afghanistan, à l'initiative de la France, les exigences en matière de droits des femmes figurent parmi les conditions fixées aux Talibans dans la résolution 2593 du Conseil de sécurité des Nations unies, que nous n'avons de cesse de rappeler. Dans ce contexte, aux côtés de l'Union européenne, elle a condamné avec la plus grande fermeté la décision des Talibans d'interdire l'accès à l'école secondaire aux filles afghanes. Malgré l'action de la France, le chemin à parcourir pour que la communauté internationale accomplisse les objectifs de l'Agenda "Femmes, paix et sécurité" reste très long. Vous pouvez compter sur la France pour poursuivre sans relâche son action et son plaidoyer en ce sens.

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