Question de M. de NICOLAY Louis-Jean (Sarthe - Les Républicains) publiée le 21/07/2022

M. Louis-Jean de Nicolaÿ interroge M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires sur la gestion des cormorans devenue problématique pour plusieurs secteurs.
Depuis plusieurs années, la gestion des cormorans se fait au mépris de la biodiversité aquatique qu'elle soit ordinaire ou exceptionnelle. Cette gestion est aussi purement et simplement illisible dès lors qu'elle ne fait plus l'objet d'un suivi national par les parties prenantes.
Malgré les dérogations qui existent à l'interdiction de destruction des spécimens pour prévenir des dommages importants aux piscicultures et aux cours d'eau, ou les risques présentés par la prédation du grand cormoran pour les espèces de poissons protégées, il semble que le problème persiste : d'une part, cette population continue de prospérer au mépris de la biodiversité aquatique, d'autre part, les quotas de prélèvements fixés par des arrêtés locaux sont déférés et très souvent annulés par la justice pour insuffisance de motivation.
Cette situation n'est plus tenable notamment pour le peuplement piscicole déjà largement affecté par d'autres pressions de toute nature.
C'est la raison pour laquelle il lui demande quelles mesures compte mettre en œuvre le Gouvernement pour enrayer de manière efficace la prolifération devenue problématique de cette espèce qui a bénéficié ces dernières années et nous le constatons, d'une protection particulièrement vigoureuse.
Il lui demande également si la mise en place d'un groupe de travail au sein de l'office français de la biodiversité (OFB) qui assurerait un suivi de gestion de cette espèce de même qu'une étude d'impact et de suivi sur le peuplement piscicole est envisageable.
Enfin, il souhaite savoir comment il compte renforcer la sécurisation juridique des arrêtés départementaux de régulation de l'espèce, trop largement et régulièrement annulés.

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Transmise au Secrétariat d'État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de l'écologie


Réponse du Secrétariat d'État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de l'écologie publiée le 17/11/2022

Le grand cormoran figure sur la liste des oiseaux protégés au niveau national et bénéficie également d'une protection européenne au titre de la Directive 2009/147/CE du 30 novembre 2009 relative à la conservation des oiseaux sauvages. Il s'agit d'un oiseau piscivore autochtone en Europe, dont la sous-espèce autorisée à la destruction est inféodée aux eaux douces, et dont l'aire de répartition s'était progressivement réduite en raison des tirs importants dont il faisait l'objet, jusqu'à ce qu'il soit protégé dans les années 1970. Le nombre moyen de grands cormorans hivernants a certes augmenté depuis que l'espèce est protégée, mais il se trouvait lors des premiers comptages nationaux menés dans les années 1980 à des niveaux extrêmement bas. En outre, ce chiffre est relativement stable depuis 2013, oscillant autour de 100 000 individus présents. Afin de contrôler ses impacts sur la pisciculture et sur les espèces de poisson protégées, un système dérogatoire à la protection stricte permet de mener des opérations de destruction si les conditions de la dérogation sont réunies. Il convient à la fois de ne pas nuire à l'état de conservation de l'espèce, mais également de démontrer qu'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante et que le motif est justifié (en l'occurrence jusqu'alors pour prévenir les dommages aux piscicultures et dans l'intérêt de la protection de la faune et de la flore sauvages et de la conservation des habitats naturels). L'arrêté ministériel cadre du 26 novembre 2010 fixe ainsi les conditions et limites dans lesquelles les dérogations aux interdictions de destruction peuvent être accordées. Il est complété par un arrêté pris tous les 3 ans, qui fixe les quotas départementaux dans les limites desquelles les dérogations peuvent être accordées.  L'élaboration de l'arrêté triennal 2022/2025 est intervenue dans le contexte particulier d'annulation d'arrêtés préfectoraux relatifs aux dérogations sur les cours d'eau et plans d'eau, suite à diverses requêtes déposées ces dernières années. A ce jour, 15 arrêtés ont été annulés et 5 contentieux sont en attente de jugement. Les décisions des tribunaux administratifs font état de motivations insuffisantes des arrêtés car ils ne justifient pas de la présence dans les cours d'eau d'espèces de poissons menacées, de l'impact du grand cormoran sur les espèces protégées, ni de la mise en œuvre de solutions alternatives ; aussi les conditions de dérogation ne sont pas remplies. En conséquence, lors des travaux préparatoires à l'élaboration de l'arrêté, des réflexions ont été engagées avec l'ensemble des partenaires concernés par le grand cormoran (représentants des pisciculteurs et pêcheurs, associations de protection de la nature, experts, administration) afin de permettre la sécurisation des actes juridiques et d'éviter que les futurs arrêtés préfectoraux ne soient à nouveau annulés. Au terme de la période de consultation, il a été décidé de ne pas établir dans l'arrêté 2022/2025 de plafonds pour les cours d'eau et plans d'eau et de n'y rendre aucune dérogation possible. En effet, en l'état, les éléments disponibles ne permettent pas de justifier de l'impact du grand cormoran sur les espèces piscicoles menacées et de remplir les conditions de dérogation. L'arrêté du 19 septembre 2022 permet donc que les dérogations soient accordées pour protéger les seules piscicultures, dans 58 départements, avec un plafond annuel de 27 892 individus autorisés à la destruction soit un nombre total d'individus autorisés à la destruction correspondant à plus de 24 % de la population hivernante recensée en janvier 2021. Si des études robustes étaient produites localement et démontraient l'impact du grand cormoran sur l'état de conservation des espèces de poissons menacées, l'arrêté 2022/2025 pourra être complété, dans la période triennale, afin de mettre en place des plafonds sur les cours d'eau et plans d'eau concernés dans les départements. Des discussions sont ainsi en cours entre mes services et la FNPF afin de construire un protocole solide et de définir des sites pilotes pour le mettre en œuvre. Les travaux ont notamment identifié quatre départements dans lesquels nous engageons d'ores et déjà les travaux pour documenter les impacts sur la faune aquatique. Plus généralement, le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires est pleinement engagé dans le maintien et la restauration de l'état écologique des écosystèmes aquatiques. En effet, au-delà de la prédation exercée par le grand cormoran sur les espèces piscicoles, d'autres enjeux d'importance, tels que la lutte contre les pollutions et les espèces exotiques envahissantes, sont l'objet de toute l'attention du ministère.

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