Question de M. MASSON Jean Louis (Moselle - NI) publiée le 28/07/2022

Sa question écrite du 18 novembre 2021 n'ayant pas obtenu de réponse sous la précédente législature, M. Jean Louis Masson attire à nouveau l'attention de M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires sur le fait que les conseils municipaux, départementaux et régionaux doivent adopter un règlement intérieur régissant le fonctionnement des séances. Il lui demande si le règlement intérieur peut fixer des contraintes vestimentaires ou autres interdisant par exemple, la marque d'une appartenance politique ou religieuse ou associative.

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Transmise au Ministère auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des collectivités territoriales et de la ruralité


Réponse du Ministère auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des collectivités territoriales et de la ruralité publiée le 24/08/2023

Le règlement intérieur, comme le prévoit l'article L. 2121-8 du code général des collectivités territoriales (CGCT), est fixé par le conseil municipal « dans les six mois qui suivent son installation. Le règlement intérieur précédemment adopté continue à s'appliquer jusqu'à l'établissement du nouveau règlement. ». Pour ce qui concerne les conseils départementaux (article L. 3121-8 du CGCT) et régionaux (article L. 4132-6 du CGCT), le règlement est adopté dans les trois mois suivant leur renouvellement. Le règlement intérieur ne peut porter que sur des matières relevant du fonctionnement interne de l'organe délibérant (CE, 28 janv. 1987, Riehl, n° 83097 ; CE, 18 nov. 1987, Marcy, n° 75312). De plus, il ne peut déroger aux procédures définies par la loi (CE ass., 30 mars 1966, Élection d'un vice-président du conseil général du Loiret, Lebon 248). En l'occurrence, il ne saurait porter atteinte aux droits des élus (CAA Bordeaux, 3 mai 2011, Communed'Espalion, n° 10BX02707). Parmi les droits des élus figure la liberté d'expression (CE, 22 mai 1987, Tête, n° 70085 ; CE, 28 janv. 2004, Commune du Pertuis, n° 256544). À cet égard, le guide « Laïcité et collectivités locales » de l'Observatoire de la laïcité rappelait en 2019 que « Si le principe de neutralité du service public fait obstacle à ce que des agents ou des salariés exécutant une mission de service public manifestent leurs croyances religieuses, ni la jurisprudence, ni la loi n'étend aux élus cette interdiction ». La liberté d'expression, également protégée au niveau supranational par la Cour européenne des droits de l'Homme, ne peut se voir imposer que des limites très strictes et des restrictions dites « légitimes » (CEDH, 12 avril 2012, De Lesquen du Plessis-Casco c/ France, req. n° 54216/09). En outre, l'exercice de la liberté d'expression ne doit pas troubler l'ordre public, dont le respect est assuré par le président de l'assemblée délibérante exerçant ses pouvoirs de police. En effet, en application de l'article L. 2121-16 du CGCT, « Le maire a seul la police de l'assemblée. Il peut faire expulser de l'auditoire ou arrêter tout individu qui trouble l'ordre. En cas de crime ou de délit, il en dresse un procès-verbal et le procureur de la République en est immédiatement saisi. ». Cette disposition s'applique également au président du conseil départemental (article L. 3121-12 du CGCT) et au président du conseil régional (article L. 4132-11 du CGCT). A ce titre, la chambre criminelle de la Cour de cassation a établi que la privation de la parole d'une conseillère d'opposition par le maire, du seul fait qu'elle arborait un insigne symbolisant son appartenance à la religion chrétienne (en l'espèce une croix), ne s'appuyait sur aucune base légale. Dans cette affaire, le maire a été déclaré coupable de refus du bénéfice d'un droit par chargé de mission de service public (CCas Crim., 1er septembre 2010, commune de Montreuil, n° 10-80.584). En effet, « aucune disposition législative, nécessaire en vertu de l'article 9 de la Convention européenne des droits de l'homme, pour que des restrictions soient apportées à la liberté de manifester sa religion ou ses convictions, ne permet au maire d'une commune, dans le cadre des réunions du conseil municipal, lieu de débats et de confrontations d'idées, d'interdire aux élus de manifester publiquement, notamment par le port d'un insigne, leur appartenance religieuse (…) ». Par ailleurs, le Conseil d'État a jugé que « la présence d'une candidate voilée sur une liste électorale n'est pas contraire à la liberté de conscience, à l'égalité des droits et au droit à la sûreté, au principe de laïcité, à la loi sur la séparation des Églises et de l'État et n'est donc pas de nature à faire obstacle à l'enregistrement de la liste en préfecture » (CE, 3 déc. 2010, Association Arab Women's Solidarity, n° 337079.) En conséquence, l'interdiction par le règlement intérieur d'une collectivité territoriale de l'utilisation de vêtements, d'objets ou de signes ayant un caractère politique, religieux ou associatif peut porter atteinte à la liberté d'expression des élus si cette interdiction n'est ni limitée, ni circonstanciée et n'explicite pas en quoi cette utilisation est susceptible de troubler le bon ordre des séances.

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