Question de M. JACQUIN Olivier (Meurthe-et-Moselle - SER) publiée le 28/07/2022

M. Olivier Jacquin attire l'attention de M. le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion relativement au statut des travailleurs des plateformes, particulièrement celui des chauffeurs de « voiture de transport avec chauffeur » (VTC) opérant pour Uber, et les conséquences sur les comptes sociaux.
Les « Uberfiles » révélés par le consortium de journalistes d'investigation dont font partie Le Monde et Radio France ont une nouvelle fois mis en lumière les pratiques délétères de la plateforme Uber envers les chauffeurs qu'elle emploie, les forçant à recourir au statut d'autoentrepreneurs. En parallèle, de nombreuses décisions de justice en France et en Europe reconnaissent que ces chauffeurs sont des « indépendants fictifs » (Cour de cassation, 4 mars 2020) ; par ailleurs, Uber a signé un accord pour salarier ses chauffeurs en Suisse. Il plaide depuis plusieurs années, avec les parlementaires socialistes, pour la reconnaissance d'une présomption de salariat et d'un renversement de la charge de la preuve en matière de requalification, ce que le gouvernement précédent n'a eu de cesse de rejeter. C'est pourtant la direction que prennent aujourd'hui le Parlement européen (rapport intitulé « Conditions de travail, droits et protection sociale justes pour les travailleurs de plateformes - nouvelles formes d'emploi liées au développement numérique ») et la Commission européenne à travers le projet de directive relative à l'amélioration des conditions de travail dans le cadre du travail via une plateforme, porté par le commissaire européen responsable de l'emploi et des droits sociaux, en cours d'examen.
En plus des protections sociales basiques et nécessaires que cela apporterait aux chauffeurs, le salariat permettrait aux comptes sociaux d'être alimentés par de nouvelles cotisations, apportant une réponse partielle à l'inquiétude du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, qui déclarait il y a quelques jours que « la cote d'alerte sur les finances publiques » avait été atteinte.
Il l'invite donc à revoir la doctrine du Gouvernement au niveau national et européen afin de ne pas faire entrave à l'introduction de la présomption de salariat et d'ores et déjà à saisir d'urgence l'inspection du travail et tout service de son ministère pour contraindre Uber à s'acquitter de ses obligations en matière sociale.

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Réponse du Ministère du travail, du plein emploi et de l'insertion publiée le 17/11/2022

Depuis 2016 un cadre juridique spécifique a été mis en place, afin d'accompagner le développement du travail via les plateformes numériques, tout en garantissant des droits et protections au bénéfice des travailleurs indépendants des plateformes. Le Gouvernement a fait le choix de fonder l'ensemble de ces droits et garanties sur la notion de « responsabilité sociale », qui s'applique aux plateformes qui déterminent les caractéristiques de la prestation de service fournie ou du bien vendu et fixe son prix. En vertu de cette responsabilité sociale, les travailleurs indépendants qui prestent auprès de ces plateformes bénéficient de droits renforcés, en matière notamment de protection sociale et d'accès à la formation professionnelle. Ils peuvent également constituer des syndicats, y adhérer, et mener des actions concertées de refus de prestation, sans encourir de représailles de la part des plateformes pour avoir exercé ces droits. Les plateformes de la mobilité (VTC, livraison) exerçant une responsabilité sociale sont désormais tenues de communiquer la distance, le prix minimal garanti et la destination à chaque proposition de prestation soumise à un travailleur. De manière plus générale, la loi prohibe les pratiques ayant pour effet de limiter l'indépendance effective des travailleurs, et oblige les plateformes de la mobilité à davantage de transparence. A ce titre, elles doivent publier chaque année sur leur site internet une série d'indicateurs relatifs à la durée et au revenu d'activité de leurs travailleurs indépendants. Par ailleurs, ce cadre juridique a permis d'assurer, de manière inédite, une représentation et un dialogue social entre les plateformes de la mobilité et les organisations de travailleurs indépendants (environ 120 000 travailleurs dans les secteurs de la conduite de véhicules de transport avec chauffeur et de la livraison de marchandises par véhicules de deux ou trois roues, motorisés ou non). A ce titre, une élection nationale a été organisée en mai 2022 par l'Autorité des relations sociales de plateformes d'emploi, avec pour finalité d'instaurer une représentation collective des travailleurs indépendants de plateformes de la mobilité. Ces représentants ont été désignés et des négociations entre les organisations représentatives ont débuté pour permettre de faire émerger un socle de droits nouveaux, conjuguant les enjeux économiques et organisationnels de ces secteurs de l'économie et l'exigence de protection sociale. Des accords de secteur pourront ainsi être négociés, adoptés et le cas échéant rendus obligatoires à l'ensemble des plateformes du secteur de la mobilité. Il s'agit d'une évolution sans précédent au bénéfice de travailleurs indépendants, qui a abouti à un renforcement de leurs droits tout en préservant leur statut et leur autonomie. Enfin, le Gouvernement partage pleinement les objectifs de protection des travailleurs des plateformes, présentés en décembre 2021 par la Commission européenne dans une série de mesures visant à améliorer leurs conditions de travail. Il convient à ce titre de souligner que le système juridique français permet déjà d'assurer la correcte détermination du statut des travailleurs : d'une part, grâce aux pouvoirs d'enquêtes exercés par les corps de contrôle compétents, et, d'autre part, sous le contrôle du juge, auquel il revient d'apprécier souverainement l'existence d'un lien de subordination à l'occasion de litiges individuels portant sur la nature de la relation entre un travailleur et une plateforme.

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