Question de Mme COHEN Laurence (Val-de-Marne - CRCE) publiée le 28/07/2022

Mme Laurence Cohen interroge M. le ministre de la santé et de la prévention sur l'attribution de 80 millions d'euros sur 5 ans à l'institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) et au centre national de la recherche scientifique (CNRS), en partenariat avec la fondation Fondamental.
Le programme de recherche concerné, intitulé Propsy (projet-programme de psychiatrie de précision), est centré sur quatre des troubles les plus invalidants : le trouble bipolaire, les troubles dépressifs majeurs, la schizophrénie et les troubles du spectre de l'autisme.
Il ambitionne de révolutionner le diagnostic de ces troubles.
Attribuer de l'argent public à la psychiatrie est évidemment nécessaire mais l'orientation choisie ici est problématique car elle privilégie la e-santé, les immunomodulateurs, la stimulation cérébrale ou les biothérapies. Une approche qui nie donc le rôle du lien et de la relation thérapeutique, qui mise sur les médicaments et le biologique, plutôt que sur le psychique. Comment penser qu'une téléconsultation peut remplacer le lien humain, surtout lorsqu'il s'agit de santé mentale ?
L'influence de la fondation Fondamental et la tendance à mettre en avant les neurosciences plutôt que les autres disciplines, inquiètent de nombreux professionnels, psychiatres, psychanalystes, psychologues, éducateurs, assistants sociaux qui y voient une remise en cause de leurs pratiques. Il lui semble au contraire que ces deux orientations devraient être complémentaires.
Aussi, elle lui demande s'il peut lui préciser quelle est sa feuille de route pour la psychiatrie publique pour les 5 ans à venir, s'il entend continuer à accroître l'influence des neurosciences au détriment des autres approches qui ont fait la spécificité et la force de la psychiatrie française dès sa conception.
Elle lui demande également quels moyens supplémentaires vont être accordés aux établissements de santé mentale, pour rénover les locaux inadaptés, rendre ces métiers à nouveau attractifs et arrêter la fermeture de lits et les protocoles de soins standardisés. Elle lui demande enfin s'il entend revenir sur la réforme du financement de la psychiatrie, qui introduit une tarification à l'activité, modèle totalement incompatible avec les soins en psychiatrie.

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Réponse du Ministère de la santé et de la prévention publiée le 12/01/2023

La psychiatrie traverse une crise profonde, notamment en termes de ressources humaines et d'attractivité. Le ministère de la Santé et de la Prévention en est conscient, et travaille avec les acteurs de terrain pour y apporter des réponses. Le déficit d'attractivité que connaît la psychiatrie se traduit par un nombre important de postes vacants dans les établissements et une répartition très inégale des psychiatres sur le territoire. La téléconsultation est dans ce contexte un outil qui peut favoriser l'accès aux soins au plus grand nombre. Cela ne signifie pas pour autant la diminution de l'investissement du ministère de la santé et de la prévention dans les ressources humaines, qui restent au cœur du fonctionnement de la psychiatrie. Sur la question des ressources humaines médicales, une réflexion est conduite par le ministère de la santé et de la prévention et le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche en lien avec la commission nationale pour augmenter l'attractivité de la discipline pour les futurs médecins. Sur les moyens alloués à la psychiatrie, le gouvernement précédent a engagé un rattrapage global de l'offre de soins en psychiatrie avec notamment la tenue des assises de la santé mentale et de la psychiatrie en septembre 2021. Ces assises ont permis d'engager trente mesures destinées à renforcer l'offre de soins en santé mentale avec notamment le renforcement du personnel dans les centres médico-psychologiques adultes, les centres médico-psychologiques infanto-juvéniles, le financement d'équipes mobiles psychiatriques intervenant auprès des personnes âgées ou encore le renforcement des psychologues et des infirmiers en pratique avancée.  C'est dans cette optique que seront dédiés entre 2022 et 2026 au secteur de la santé mentale et de la psychiatrie 1,9 milliards d'euros supplémentaires, qui s'ajoutent au rééquilibrage global des moyens financiers dévolus à la psychiatrie depuis 2018 : + 50 M€ en 2018, + 80 M€ en 2019, + 110 M€ en 2020 et à nouveau + 110 M€ en 2021. Les appels à projets sur le "fonds d'innovation organisationnelle en psychiatrie"et le"renforcement de la psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent" ont pour objectif depuis 2019 de renforcer l'offre de psychiatrie sur les territoires.  Le fonds d'innovation organisationnel en psychiatrie a permis dans ses éditions 2019, 2020 et 2021 de financer près de 160 projets, traduisant le dynamisme des équipes de terrain et les initiatives nombreuses en faveur d'une transformation des pratiques en psychiatrie. Ce fonds s'est révélé être une mesure très attendue des acteurs de la psychiatrie pour faire émerger de nouvelles organisations et contribuer à la transformation de l'offre de soins en psychiatrie dans les territoires. L'appel à projets est reconduit en 2022 à hauteur de 10 M€. L'appel à projets concernant le renforcement de l'offre en psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent a pour objectif, au regard de l'état des lieux de l'offre de pédopsychiatrie, de la renforcer là où elle est insuffisante et d'améliorer l'accessibilité et le parcours de soins, incluant la transition vers l'âge adulte. Les trois premières éditions de 2019, 2020 et 2021 ont permis de financer plus de 140 projets concernant notamment l'hospitalisation temps plein dans les départements dépourvus, le renforcement de l'ambulatoire, le parcours des enfants vulnérables.  L'appel à projets est reconduit en 2022 à hauteur de 20 M€ de crédits pérennes. Concernant la réforme du financement de la psychiatrie, celle-ci a pour objectif de réduire les inégalités entre territoires et d'unifier les modalités de financement entre les différents acteurs. Elle a d'ores et déjà été mise en œuvre dès le début de l'année 2022 et entrera pleinement en vigueur en 2023. Pour les établissements anciennement financés en dotation annuelle de fonctionnement, cette réforme introduit en effet une part de financement liée à l'activité. La dotation à la file active permet dans le nouveau modèle de mieux valoriser l'activité des établissements. Ce compartiment de financement sera réparti entre les établissements au regard de l'activité réalisée mesurée en nombre de journées ou d'actes affectés à un patient sur une année civile.  Les valeurs unitaires affichées pour chacune des modalités de prise en charge ne seront donc pas des prix « prospectifs », mais une pondération « rétrospective » de distribution de l'enveloppe. Cependant, cette dotation ne représente qu'une faible partie du financement pour les établissements anciennement financés en dotation annuelle de fonctionnement (environ 15 %). L'ensemble de ces éléments illustrent le soutien fort du ministère de la santé et de la prévention aux acteurs de la psychiatrie pour renforcer l'offre et mieux répondre aux besoins des patients.

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