Question de Mme COHEN Laurence (Val-de-Marne - CRCE) publiée le 04/08/2022

Mme Laurence Cohen interroge M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur les difficultés rencontrées par un certain nombre de couples de femmes, engagés dans un parcours d'assistance à la procréation médicale.
La loi n° 2021-1017 du 2 août 2021 relative à la bioéthique, attendue depuis des années, a représenté une avancée et une reconnaissance en termes d'égalité des droits à la parentalité pour les couples de femmes.
Malheureusement, près d'un an après son adoption et au-delà des difficultés d'accès à la procréation médicalement assistée (PMA) en France, il s'avère qu'une situation n'a pas été prise en compte, ou plutôt a été exclue de la loi.
En effet, alors qu'un dispositif de reconnaissance conjointe a été créé pour les femmes ayant réalisé un parcours de PMA à l'étranger, avant l'entrée en vigueur de la loi, pour permettre à postériori l'établissement de la filiation entre l'enfant né et la deuxième femme, les femmes ayant commencé un parcours de PMA, avant la loi mais dont l'insémination et le transfert d'embryons ont eu lieu après la loi, et avant la circulaire du 21 septembre 2021, se retrouvent face à une situation juridique incongrue.
Elles ne peuvent ni bénéficier de ce dispositif a postériori ni d'une reconnaissance anticipée conjointe, la loi exigeant le recueil du consentement à l'assistance médicale à la procréation et l'établissement de la reconnaissance conjointe anticipée avant tout processus d'assistance médicale à la procréation.
De ce fait, la filiation avec la deuxième mère ne peut être établie, et seule la voie de l'adoption est possible, comme avant l'existence de cette loi. Cela n'a jamais été évoqué lors de l'examen de la loi et les services d'état civil ne semblent pas non plus informés.
Aussi, elle lui demande comment il entend résoudre cette aberration qui concerne plusieurs familles et les plonge dans un désarroi et une nouvelle insécurité juridique. Elle lui demande s'il entend élargir le nouveau régime de filiation à toutes les PMA réalisées à l'étranger, sans distinction.
La loi ouvrant la PMA à toutes les femmes a pour objectif de mettre fin à une discrimination entre les couples hétérosexuels et les couples de femmes. Il n'est pas acceptable qu'une des conséquences rédactionnelles de la loi et un manque de clarté entraînent aujourd'hui à nouveau une situation de discrimination entre couples de femmes, selon la date à laquelle la PMA a été réalisée avec succès.
L'intention du législateur était clairement de reconnaître toutes les situations et de permettre enfin une égalité des droits.

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 02/03/2023

L'article 342-10 du code civil dispose que les couples ou la femme non mariée qui recourent à une assistance médicale à la procréation nécessitant l'intervention d'un tiers donneur doivent donner préalablement leur consentement à un notaire, qui les informe des conséquences de leur acte au regard de la filiation, ainsi que des conditions dans lesquelles l'enfant pourra, s'il le souhaite, accéder à sa majorité aux données non identifiantes et à l'identité de ce tiers donneur. L'article 342-11 du code civil précise que le couple de femmes reconnaît conjointement l'enfant lors du recueil du consentement à l'assistance médicale à la procréation. Les dispositions introduites par la loi précitée valent pour les assistances médicales à la procréation réalisées après l'entrée en vigueur de la loi. La circulaire du 21 septembre 2021 de présentation des dispositions en matière d'assistance médicale à la procréation issues de la loi relative à la bioéthique précise que pour déterminer si l'assistance médicale à la procréation a été réalisée avant ou après l'entrée en vigueur de la loi, il convient d'examiner si l'insémination artificielle ou le transfert d'embryon réalisé avec succès est intervenu avant le 4 août 2021 ou à compter de cette date. Par l'adoption de la présente loi, le législateur a entendu conférer la même sécurité juridique aux enfants nés d'assistance médicale à la procréation. C'est en poursuivant cet objectif qu'il a été fait le choix de retenir la date de l'insémination artificielle avec tiers donneur ou du transfert d'embryon. Cette date est par nature incontestable, apportant ainsi sécurité juridique à l'enfant né de cette technique. Aussi, le dispositif pérenne prévu par la loi n'est applicable que si le consentement à l'assistance médicale à la procréation et la reconnaissance conjointe anticipée ont lieu avant la date de l'insémination artificielle avec tiers donneur ou le transfert d'embryon. Le législateur a, en effet, souhaité que les couples consentent librement à l'assistance médicale à la procréation et soient informés des conséquences de leur acte au regard de la filiation avant de recourir à cette technique. La possibilité d'établir une reconnaissance conjointe anticipée après l'insémination artificielle avec tiers donneur ou le transfert d'embryon irait à l'encontre de l'esprit du texte. Pour bénéficier, au contraire, du dispositif transitoire prévu au IV de l'article 6 de la loi précitée, qui permet l'apposition d'une reconnaissance conjointe en marge de l'acte de naissance d'un enfant né d'un processus d'assistance médicale à la procréation à l'étranger, il convient que l'insémination ou le transfert d'embryon réalisé par ces couples de femmes à l'étranger l'ait été avant la publication de la loi. A défaut de reconnaissance conjointe anticipée établie en principe avant toute réalisation de l'assistance médicale à la procréation (insémination artificielle ou transfert d'embryon) et à défaut de pouvoir bénéficier du dispositif transitoire, ces couples de femmes se trouvent dans une situation non prévue par les textes, et l'adoption reste le seul mode d'établissement de la filiation possible entre l'enfant et la femme qui n'a pas accouché. Ces couples peuvent toujours bénéficier de la procédure d'adoption pour voir établir la filiation à l'égard de la femme qui n'a pas accouché de l'enfant, laquelle procédure est ouverte aux couples non mariés depuis la loi n° 2022-219 du 21 février 2022 visant à réformer l'adoption. Cette adoption, qui sera prononcée en la forme plénière, emporte les mêmes conséquences que les autres modes d'établissement de la filiation relativement à l'exercice de l'autorité parentale, au choix du nom, aux droits successoraux, etc.

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