Question de Mme EUSTACHE-BRINIO Jacqueline (Val-d'Oise - Les Républicains) publiée le 04/08/2022

Mme Jacqueline Eustache-Brinio attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice au sujet des enjeux relatifs à l'immigration ainsi qu'à la politique carcérale du Gouvernement.

De nombreux centres pénitentiaires souffrent encore de taux d'occupation croissants et au 1er décembre 2021, la France comptait 69 992 détenus pour 60 775 places opérationnelles, soit une densité de 115 %. Au lieu des 15 000 places de prison supplémentaires, promises en 2017 par le Président de la République pendant sa campagne, ce sont seulement 2000 qui ont été finalement livrées.
Par ailleurs, selon un sondage de l'institut CSA dévoilé le 13 juillet 2022, 72 % des Français souhaitent que les étrangers condamnés en France pour des crimes et délits exécutent leur peine dans leur pays d'origine.
La surpopulation carcérale d'une part et l'opinion des Français d'autre part invitent à s'interroger.
Le ministre de l'intérieur a indiqué vouloir proposer l'expulsion de tout étranger reconnu coupable d'un acte grave par la justice, quelle que soit sa condition de présence sur le territoire national, dans le cadre de la future loi d'orientation et de programmation du ministère de l'Intérieur (Lopmi).
Alors qu'actuellement, parmi les détenus dans les prisons françaises, près de 25 % sont étrangers, ce qui représente un coût de 700 millions d'euros par an, elle lui demande si le Gouvernement va effectivement se saisir de cette question et entamer des démarches diplomatiques avec les pays concernés afin que l'ensemble des étrangers jugés coupables purgent leurs peines dans leurs pays d'origine.
Ce pourrait être là une solution provisoire pour lutter contre la surpopulation carcérale, en attendant les places de prison qui tardent à venir. Cela permettrait également une réponse pénale plus ferme à l'encontre de ceux qui commettent des délits sanctionnés par de la prison ferme mais qui, actuellement, ne font pas systématiquement l'objet de mandat de dépôt.

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 24/11/2022

La problématique de l'éloignement des personnes de nationalité étrangère du territoire français relève à titre principal des services du ministère de l'intérieur, lesquels sont chargés de l'exécution des décisions administratives ou judiciaires prises en la matière. Dans cette perspective, le ministère de la justice s'applique à favoriser la coordination des autorités judiciaires et administratives pour la mise en œuvre des mesures d'éloignement des étrangers condamnés, grâce à différents leviers juridiques. Ainsi, une circulaire conjointe des ministères de l'Intérieur, de la Justice et des Comptes publics relative à l'amélioration de la coordination du suivi des étrangers incarcérés faisant l'objet d'une mesure d'éloignement a été diffusée le 16 août 2019. Elle a pour objectif d'assurer l'exécution effective des mesures d'éloignement prononcées, tout en limitant la surpopulation dans les établissements pénitentiaires et des centres de rétention administrative (CRA), par le biais d'outils de coordination et de coopération entre les services concernés. Elle rappelle à ce titre : – la nécessité de mettre en œuvre des outils de coordination et de coopération renforcées entre les services du ministère de l'intérieur et du ministère de la justice pour mettre à profit le temps d'incarcération pour identifier les étrangers concernés et anticiper la mise en œuvre d'une mesure d'éloignement ; – la mise en place d'un suivi et d'une évaluation annuelle du dispositif à l'échelle du département. Cette circulaire prévoit également, en annexe, une actualisation du protocole-cadre crée par la circulaire interministérielle du 11 janvier 2011. Ce dernier établit les outils de coordination et de coopération entre les services concernés devant être déclinés à l'échelle départementale. Depuis 2019, la direction des affaires criminelles et des grâces a été destinataire de 38 protocoles concernant plusieurs dizaines de départements. La mise en place de ces protocoles permet une coopération plus efficace des différents acteurs par la clarification des attributions de chaque partie signataire, et une communication facilitée entre établissements pénitentiaires et services territoriaux du ministère de l'intérieur. La déclinaison de ce protocole-cadre facilite notamment la mise en œuvre de la libération conditionnelle « expulsion », mesure accordée par les juridictions de l'application des peines permettant la libération anticipée d'une personne détenue de nationalité étrangère (articles 729-2 et D.535 4° du code de procédure pénale) pour l'expulser du territoire national. Cette libération conditionnelle « expulsion » est strictement subordonnée à la condition que la mesure d'éloignement soit effectivement exécutée par l'autorité administrative. Enfin, aux côtés des homologues belges, espagnols et néerlandais, le ministère de la justice participe au développement d'outils pédagogiques et pratiques destinés à faciliter l'appropriation par l'autorité judiciaire de la législation européenne permettant de faire exécuter les peines privatives de liberté sur le territoire d'un autre Etat de l'Union européenne (décision-cadre 2008/909 du 27 novembre 2008 concernant l'application du principe de reconnaissance mutuelle aux jugements en matière pénale prononçant des peines ou des mesures privatives de liberté aux fins de leur exécution dans l'Union Européenne). Un guide européen sur la reconnaissance mutuelle des jugements a ainsi été récemment diffusé, favorisant la mise en œuvre concrète de cette procédure. S'agissant des personnes détenues, ressortissants d'Etats autres que ceux de l'Union européenne, le ministère de la Justice français est compétent pour le traitement des requêtes fondées, soit sur la Convention du Conseil de l'Europe du 21 mars 1983, soit sur des conventions bilatérales. Toutefois, le mécanisme de transfèrement international tel que prévu par le droit international nécessite le consentement de la personne détenue. La seule exception à ce principe est l'application du protocole additionnel du 18 décembre 1997 à la Convention du Conseil de l'Europe du 21 mars 1983. Il permet le transfèrement d'une personne condamnée sans son consentement lorsqu'elle fait l'objet d'une mesure d'interdiction judiciaire ou administrative en France ou lorsqu'elle s'est réfugiée dans l'Etat d'exécution pour échapper aux poursuites pénales. Toutefois l'application de ce protocole est limitée aux 39 Etats parties à ce protocole additionnel.

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