Question de M. GAY Fabien (Seine-Saint-Denis - CRCE) publiée le 04/08/2022

M. Fabien Gay attire l'attention de M. le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion sur la situation des personnels de l'aéroport Roissy-Charles de Gaulle, dont les conditions salariales se sont conséquemment dégradées depuis le début de la crise sanitaire.

S'il est incontestable qu'Aéroport de Paris (ADP), Air France-KLM et les différentes filiales opérant sur la plateforme aéroportuaire ont dû faire face à des perturbations majeures de leurs activités économiques dans ce contexte épidémique, il n'en reste pas moins que la reprise du trafic aérien et de la fréquentation des terminaux démontre avec clarté l'obsolescence des accords dits de performance conduits durant la crise.

En effet, alors que le trafic aérien devrait cette année retrouver des niveaux semblables à ceux de 2019, le licenciement de 7 500 personnes par Air France en 2020 et de 1 000 supplémentaires dans sa filiale Hop! compromet fortement le fonctionnement de l'aéroport en reportant une charge de travail conséquente sur les salariés toujours en exercice. À cela s'ajoutent la perte de 1 500 employés issue de la rupture conventionnelle collective menée par ADP en 2020 ; les baisses de rémunération mises en œuvre à la fois par les entreprises historiques de l'aviation et par leurs sous-traitants ; ou encore la suppression du 13ème mois à Servair, filiale d'Air France et de Gate Group.

La situation n'est pas sans poser question au regard de l'intervention soutenue de l'Etat pour permettre à Air France-KLM de faire face à la crise, tant s'agissant des 7 millions d'euros de prêts garantis par l'État que des 1820 millions d'euros supportés au titre de l'indemnisation du chômage partiel. De son côté, ADP enregistre un chiffre d'affaires en croissance de 78,9 % au premier semestre 2022 et prévoit de dégager des bénéfices cette année, ce qui témoigne d'une stabilité financière recouvrée par le groupe.

Au regard de ces éléments, les revendications des salariés semblent difficilement contestables. Bien que le groupe ADP ait procédé suite à un mouvement de grève à une augmentation générale de 3% des salaires de ses employés, il demeure toutefois que ces mesures sont insuffisantes au regard de l'inflation croissante dans le pays. Par ailleurs, les employés des entreprises de sous-traitance auxquelles Air France-KLM et ADP ont externalisé de nombreuses activités ne sont pas concernés par ces rattrapages.

Alors que 4 000 postes sont à pourvoir dans les aéroports Charles-de-Gaulle et Orly, l'augmentation des salaires serait autant un gage d'attractivité pour ces professions en tensions qu'une mesure adaptée à la redynamisation du contexte économique aujourd'hui constatée sur la plateforme aéroportuaire.

Il souhaite donc savoir quelles interventions du gouvernement sont prévues auprès d'Aéroport de Paris et d'Air France-KLM afin de permettre aux salariés des deux groupes de bénéficier de la reprise économique prometteuse des activités de la plateforme et du trafic aérien.

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Réponse du Ministère du travail, du plein emploi et de l'insertion publiée le 08/12/2022

Les salariés de l'aéroport de Roissy-Charles de Gaulle dépendent de la convention collective nationale du personnel au sol des entreprises de transport aérien du 22 mai 1959, convention dont le champ d'application a fusionné avec celui de la convention collective régionale concernant le personnel de l'industrie, de la manutention et du nettoyage sur les aéroports ouverts à la circulation publique de la région parisienne, par arrêté ministériel du 23 janvier 2019. Toute entreprise relevant de ce secteur est tenue d'appliquer les montants de salaires minima hiérarchiques prévus par l'accord de branche, sauf dispositions au moins équivalentes. Un accord d'entreprise peut ensuite être signé au niveau de l'entreprise qui fixe ses propres minima. Si la loi a institué une obligation périodique de négocier au niveau de l'entreprise sur la rémunération (L. 2242-1 du code du travail), celle-ci n'a néanmoins pas une obligation de résultat et donc de conclure un accord à son niveau. A défaut d'accord d'entreprise, c'est l'accord de branche qui s'appliquera à titre supplétif. En période de forte inflation, les revalorisations périodiques du salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC) entrainent un phénomène de « rattrapage » des minimas de branche, par le niveau du SMIC. En l'absence durable d'actualisation de ces minimas, plusieurs échelons peuvent être ainsi rattrapés par le SMIC, provoquant un phénomène dit de « tassement de grille ». Or il est de la responsabilité des partenaires sociaux de négocier sur les salaires afin de garantir la conformité de leur grille au SMIC. Dans ce cadre, le rythme de la négociation doit nécessairement s'adapter au rythme de l'inflation et la loi (article L. 2241-10 du code du travail) impose aux organisations représentatives dans la branche de se réunir pour négocier sur les salaires lorsque le bas de grille est rattrapé par le SMIC. A défaut d'initiative de la partie patronale dans les 45 jours (délai raccourci par la loi du 16 août 2022 portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat) la négociation s'engage dans les 15 jours suivant la demande d'une organisation syndicale représentative. Soucieux de tenir compte des hausses du SMIC, d'améliorer l'attractivité du secteur et de mieux reconnaître les parcours professionnels des salariés de la branche les partenaires sociaux se sont ainsi engagés, dans le cadre du travail de fusion des conventions collectives, à ouvrir des discussions sur les classifications et les minimas hiérarchiques à compter du printemps 2022, par un avenant conclu le 25 janvier 2022. C'est dans ce contexte que les discussions ont été ouvertes dans le cadre d'un groupe de travail paritaire qui s'était réuni à plusieurs reprises entre avril et juillet 2022. Dans le prolongement de ces discussions paritaires, les partenaires sociaux ont signé le 19 juillet dernier un accord dont le premier coefficient s'élève, pour les personnels au sol du transport aérien, à 1 695 euros soit conforme au SMIC en vigueur depuis le 1er août 2022, avec une augmentation moyenne sur l'ensemble de la grille de 3,71% par rapport à l'accord qui avait été conclu en début d'année. Concernant la branche relative à la manutention et au nettoyage sur les aéroports, plusieurs négociations salariales se sont tenues depuis 2020, sans toutefois aboutir. De nouvelles négociations salariales sont prévues au cours du premier semestre 2023. Comme les autres branches professionnelles couvrant plus de 5 000 salariés, la négociation salariale de ces deux branches fait ainsi l'objet d'un suivi régulier et renforcé de la part du ministère du travail. Par ailleurs, il est à noter que la branche du personnel au sol des entreprises de transport aérien est suivie en commission mixte paritaire. Dans ce cadre, une attention particulière est portée à la fusion entre les deux branches et aux travaux en cours sur les classifications et les salaires. Concernant la perte de 1 500 emplois liée à la mise en œuvre d'un accord portant rupture conventionnelle collective menée par l'Aéroport de Paris, il convient de préciser que cet accord collectif majoritaire, validé par l'administration prévoyait finalement 1 150 départs uniquement basés sur du volontariat avec un double engagement : remplacer 450 départs et ne procéder à aucun licenciement jusqu'en janvier 2022. Cet accord prévoyait par ailleurs des dispositifs d'aide au reclassement comme un congé de mobilité de 12 mois permettant ainsi aux salariés la concrétisation de leur projet professionnel. Enfin, conscient de la responsabilité territoriale d'Aéroport de Paris et d'Air France-KLM résultant des restructurations mises en œuvre, le ministère a sollicité la conclusion de deux conventions-cadre nationales de revitalisation des bassins d'emploi en application de l'article L. 1233-90-1 du code du travail. Ces fonds, de nature privée, permettent le développement économique du territoire afin d'atténuer l'impact des licenciements à travers des actions négociées et inscrites dans une convention entre l'Etat et l'entreprise assujettie à l'obligation de revitalisation. Ce sont ainsi plus de 6,5 millions d'euros qui ont été investis par ces deux entreprises dans les territoires franciliens concernés par les suppressions d'emplois.

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