Question de M. MONTAUGÉ Franck (Gers - SER) publiée le 27/10/2022

M. Franck Montaugé appelle l'attention de M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires sur la nécessaire régulation des grands cormorans. Cette espèce est protégée par l'arrêté du 29 octobre 2009. Néanmoins, l'article L. 411-2 4 du code de l'environnement prévoit, sous conditions, des dérogations permettant notamment la régulation par tir.
L'arrêté ministériel du 27 août 2019, qui arrive à échéance au 31 décembre 2022, a ainsi fixé le quota de cormorans à réguler en eau vive et en pisciculture, pour trois campagnes consécutives, dans les différents départements français.
Compte tenu de la caducité prochaine dudit arrêté et de l'annulation des arrêtés locaux par décision de justice, la fédération nationale de la pêche s'inquiète de la politique de régulation des grands cormorans.
Si la protection de ces oiseaux est légitime, leur prolifération impacte fortement la biomasse aquatique, y compris dans certaines zones non côtières où les cormorans se sont désormais implantés et sédentarisés. Grands prédateurs, leur consommation de poissons (entre 500g et 1kg par jour par animal) nuit à la pisciculture et menace la préservation d'espèces de poissons elles-aussi protégées. Dans le département du Gers, dans le fleuve Adour, les populations d'anguilles ou de brochets aquitains subissent très sensiblement la prédation des grands cormorans.
Aussi, afin d'assurer la protection des grands cormorans sans pour autant compromettre la biodiversité aquatique, il lui demande si le Gouvernement entend fixer prochainement de nouveaux quotas de régulation et si, dans une volonté de gestion durable des milieux et des espèces, l'office français de la biodiversité pourrait conduire des études objectivant les effets de la politique de protection du grand cormoran sur les espèces aquatiques menacées.

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Transmise au Secrétariat d'État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de l'écologie


Réponse du Secrétariat d'État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de l'écologie publiée le 29/12/2022

Le grand cormoran figure sur la liste des oiseaux protégés au niveau national et bénéficie également d'une protection européenne au titre de la Directive 2009/147/CE du 30 novembre 2009 relative à la conservation des oiseaux sauvages. Il s'agit d'un oiseau piscivore autochtone en Europe, dont la sous-espèce autorisée à la destruction est inféodée aux eaux douces, et dont l'aire de répartition s'était progressivement réduite en raison des tirs importants dont il faisait l'objet, jusqu'à ce qu'il soit protégé dans les années 1970. Depuis les années 1990, afin de contrôler l'impact qu'il occasionne, un système dérogatoire à la protection stricte permet de mener des opérations de destruction si les conditions de la dérogation sont réunies. Il convient à la fois de ne pas nuire à l'état de conservation de l'espèce, mais également de démontrer qu'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante et que le motif est justifié (en l'occurrence jusqu'alors pour prévenir les dommages aux piscicultures et dans l'intérêt de la protection de la faune et de la flore sauvages et de la conservation des habitats naturels). L'arrêté ministériel cadre du 26 novembre 2010 fixe ainsi les conditions et limites dans lesquelles les dérogations aux interdictions de destruction peuvent être accordées. Il est complété par un arrêté pris tous les 3 ans, qui fixe les quotas départementaux dans les limites desquelles les dérogations peuvent être accordées. L'arrêté triennal 2019/2022 étant arrivé à échéance, un nouvel arrêté, couvrant la période 2022/2025, a été publié le 1er octobre 2022. Il permet que les dérogations soient accordées pour protéger les piscicultures, dans 58 départements métropolitains, avec un plafond annuel de 27 892 individus autorisés à la destruction, soit un nombre total d'individus autorisés à la destruction correspondant à plus de 24 % de la population hivernante recensée en janvier 2021. Les plafonds attribués par département y sont fondés sur une méthodologie croisant les données d'évolution de la population, les bilans des tirs et les demandes formulées et justifiées par les services. Ils sont par ailleurs en plein accord avec le plan aquaculture et notamment son volet 4.5 qui traite de la prédation en pisciculture. L'arrêté du 19 septembre 2022 a été élaboré suite à une phase de concertation. Le Groupe national cormoran, composé de l'ensemble des acteurs concernés, dont la Fédération nationale de la pêche en France (FNPF), a en effet été réuni à deux reprises (le 20 mai et le 15 juin 2022). L'un des enjeux de ces réunions était de trouver une réponse adéquate quant aux destructions de grands cormorans sur les cours d'eau et plans d'eau, dans un contexte marqué ces dernières années par de nombreux recours contentieux, tous perdus par l'État : 15 arrêtés préfectoraux relatifs aux dérogations sur les cours d'eau et plans d'eau ont été annulés et 5 contentieux sont en attente de jugement. Il ressort en effet des décisions des différents tribunaux administratifs que les conditions de dérogation ne sont pas remplies, l'impact du grand cormoran sur les espèces piscicoles menacées et sur leur conservation n'étant pas démontré. Aussi, au regard de la difficulté à justifier l'octroi de dérogations sur les cours d'eau et plans d'eau, il a été décidé de proposer un arrêté triennal ne comprenant que des plafonds pour la prévention des dommages aux piscicultures, sans qu'il prévoie de dérogations hors piscicultures. Dans le Gers comme dans les autres départements, aucune dérogation à l'interdiction de destruction n'est possible, en l'état des connaissances documentées sur les cours d'eau et plans d'eau, hors piscicultures. Toutefois, l'arrêté du 19 septembre 2022 fixe dans ce département un plafond de 40 grands cormorans au titre de la protection des piscicultures. Ce chiffre est stable par rapport au précédent quota attribué dans le département, alors que le recensement national des grands cormorans hivernants effectué en janvier 2021 a montré une baisse des effectifs en comparaison du recensement précédent de janvier 2018 (510 individus ont été recensés en moyenne en 2021 contre 731 en 2018). Les craintes des pêcheurs et de leurs fédérations de ne plus bénéficier de dérogations, notamment lorsque certaines rivières présentent des enjeux particuliers en raison de la présence de certaines espèces piscicoles patrimoniales et sensibles ont été signalées. Si des études robustes étaient produites localement et démontraient l'impact du grand cormoran sur l'état de conservation des espèces de poissons menacées, l'arrêté 2022/2025 pourra être complété, dans la période triennale, afin de mettre en place des plafonds sur les cours d'eau et plans d'eau concernés dans les départements. Des discussions sont ainsi en cours entre les services du ministère et la FNPF afin de construire un protocole solide et de définir des sites pilotes pour le mettre en œuvre. Les travaux ont notamment identifié quatre départements dans lesquels des travaux doivent être engagés pour documenter les impacts sur la faune aquatique.

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