Question de M. DOSSUS Thomas (Rhône - GEST) publiée le 10/11/2022

M. Thomas Dossus interroge M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer sur l'utilisation illégale des algorithmes de vidéosurveillance par les polices municipales.

Lors de son audition devant la commission de la culture, de l'éducation de la communication du Sénat le 25 octobre 2022, il a déclaré, au sujet de l'utilisation de l'intelligence artificielle pour la vidéo-surveillance : « Je vais vous dire quelque chose, il y a plein de communes de France qui le font déjà. La question est de savoir si elles le font légalement. Mais il y a plein de commissariat municipaux - car c'est une compétence municipale - qui utilisent des logiciels, qui permettent de voir à 3h du matin, la voiture qui roule vite au coin de la rue et qui est toute jaune. Ça existe déjà. Il y a un vide juridique, la question est de savoir, personne n'a jamais attaqué l'utilisation de ces logiciels, est ce que c'est légal ou pas ? En tout cas, pour l'État, nous n'utilisons des choses que lorsque la loi expressément nous y autorise, ce qui est une bonne chose, et donc nous demanderons cette autorisation, et donc nous avons plein d'exemples de fonctionnement de ce système. »

Par cet aveu stupéfiant, le ministre chargé de la sécurité avoue plusieurs choses.

Il porte tout d'abord une accusation grave contre les communes, en affirmant qu'elles ont recours à des technologies illégales. Cette illégalité est reconnue par la commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) elle-même qui déclare « la loi française n'autorise pas l'usage, par la puissance publique, des caméras « augmentées » pour la détection et de poursuite d'infractions, qu'il s'agisse de dispositifs dédiés ou couplés à des caméras de vidéoprotection préexistantes ».

Deuxièmement, si ces usages sont avérés - et ils le sont de son propre aveu - il refuse manifestement de réagir pour faire respecter la loi. Il pose le constat d'une atteinte sérieuse aux libertés publiques et ne témoigne d'aucune volonté de la faire cesser.

Troisièmement - et plus grave encore - il propose de s'appuyer sur l'expérience de ces usages illégaux et attentatoires aux libertés des algorithmes pour définir une future doctrine de l'État une fois que la loi aura été modifiée dans un sens qui lui conviendrait.

Dès lors, il souhaite savoir si le Gouvernement souhaite mettre un terme à cette situation aberrante, s'il a l'intention de faire respecter la loi sur les territoires et s'il compte abandonner sa volonté de s'appuyer sur des expériences illégales pour définir ses futures politiques publiques.

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Réponse du Ministère de l'intérieur et des outre-mer publiée le 02/02/2023

L'usage par la puissance publique de caméras « augmentées » à des fins de sécurité ne fait à ce stade l'objet d'aucun cadre juridique. En effet, ni la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, ni la partie législative du code de la sécurité intérieure encadrant la vidéoprotection n'autorisent ou n'interdisent expressément le recours à des logiciels d'intelligence artificielle couplés aux systèmes de vidéoprotection.  Dans une publication de juillet 2022 intitulée « Caméras dites « intelligentes » ou « augmentées » dans les espaces publics – Position sur les conditions de déploiement  », la CNIL a ainsi confirmé que « sauf à ce que l'utilisation de tels dispositifs puisse s'inscrire dans les prérogatives de police judiciaire déjà prévues par le Code de procédure pénale (pouvoirs généraux d'enquête du procureur de la République et du juge d'instruction), le recours à des analyses algorithmiques d'images de caméras de vidéoprotection, réalisées en temps réel en vue d'une intervention immédiate ou de l'enclenchement de procédures administratives ou judiciaires par les services de police, semble devoir être subordonnée à l'existence d'un encadrement législatif spécifique. ». Une proposition de règlement européen sur les systèmes d'intelligence artificielle a été rendue publique par la Commission européenne le 21 avril 2021, mais elle est encore en cours de négociation. Si aucun cadre juridique n'existe donc à cette heure, le Gouvernement est évidemment soucieux de s'en doter chaque fois qu'il envisage de recourir à de tels dispositifs. A titre d'exemple, dans le cadre du projet de loi portant dispositions sur les Jeux Olympiques et Paralympiques, il a soumis à l'examen du Parlement des dispositions visant à autoriser l'expérimentation jusqu'au 30 juin 2025 du recours à des systèmes d'intelligence artificielle appliqués aux dispositifs de vidéoprotection et des caméras installées sur des aéronefs. Ce recours serait permis uniquement en vue d'assurer la sécurité de manifestations sportives, récréatives ou culturelles, qui, par leur ampleur ou leurs circonstances sont particulièrement exposées à des risques d'actes de terrorisme ou d'atteinte grave à la sécurité des personnes. L'examen de ces dispositions permettra au législateur de donner une indication de ce qui lui semble être le cadre juridique approprié au règlement de cette question.

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