Question de Mme LUBIN Monique (Landes - SER) publiée le 12/01/2023

Question posée en séance publique le 11/01/2023

M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées du groupe CRCE.)

Mme Monique Lubin. Monsieur le ministre, hier soir, en écoutant les annonces de Mme la Première ministre, j'ai pensé à des amis ou connaissances – Isabelle, Jean-Marc, Philippe.

La première travaille dans l'agroalimentaire depuis quarante ans, et elle devait prendre sa retraite à 62 ans. Elle devra travailler un an et trois mois de plus.

Le deuxième est charpentier. Il peut bénéficier du dispositif carrière longue, mais, en raison du report de l'âge de départ à la retraite prévu dans le cadre de celui-ci, il devra travailler plusieurs mois de plus.

Le troisième vient de perdre son emploi. À 60 ans, il a peu d'espoir d'en retrouver un. Vous venez généreusement de réduire la durée d'indemnisation du chômage, et voilà que la perspective d'un meilleur revenu produit par la retraite s'éloigne…

Vous allez faire payer votre réforme idéologique par ceux qui travaillent depuis longtemps déjà, qui cotisent depuis longtemps déjà et qui ont les métiers les plus difficiles et les moins bien rémunérés, ainsi que par les personnes précaires.

Dans le même temps, vous ne demandez aucune contrepartie aux employeurs et vous refusez obstinément de mobiliser les gains, parfois faramineux, engrangés par certains depuis quelques mois.

Monsieur le ministre, vous qui ne cessez de mettre en avant la valeur travail, pourquoi maltraitez-vous à ce point les travailleurs ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées des groupes CRCE et GEST.)


Réponse du Ministère du travail, du plein emploi et de l'insertion publiée le 12/01/2023

Réponse apportée en séance publique le 11/01/2023

M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion.

M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion. Madame la sénatrice Lubin, la réforme est nécessaire. J'ai évoqué la raison pour laquelle il nous fallait la faire – sauver le système par répartition – et j'ai indiqué qu'il fallait la faire avec le plus de justice possible.

Plusieurs éléments répondent très précisément à votre question.

Dans le cadre de la concertation que j'ai menée pendant plusieurs mois et durant laquelle nous avons travaillé avec tous les partenaires sociaux, tous les syndicats, toutes les organisations patronales et avec les groupes politiques que nous avons consultés, nous avons abouti à un certain nombre de convergences. Cela n'efface pas les désaccords sur l'âge, mais ces convergences ont été trouvées. (Protestations sur les travées des groupes SER et CRCE.)

Pour ce qui concerne la pénibilité, nous modifions le compte personnel de prévention, de manière à faciliter l'acquisition de points au travers des six critères.

Nous créons la possibilité d'un véritable congé de reconversion.

Nous faisons en sorte de mieux protéger ceux qui travaillent de nuit ou en équipe, c'est-à-dire de manière postée.

Nous allons retravailler sur les questions relatives au port de charges, aux postures pénibles, aux vibrations, pour faire en sorte que des accords de prévention soient signés.

Au total, un milliard d'euros sur cinq ans seront consacrés au financement de la prévention, et la possibilité de partir de manière anticipée dans le cadre d'un suivi médical renforcé sera confortée.

J'en viens aux carrières longues. Nous maintenons bien évidemment le départ à 58 ans pour tous ceux qui ont cotisé cinq trimestres avant 16 ans.

Nous maintenons le dispositif existant, qui permet de partir avec deux ans d'avance, pour ceux qui ont cotisé cinq trimestres avant 20 ans. Et nous créons un nouveau dispositif, qui s'appliquera très certainement aux personnes que vous avez évoquées, permettant à ceux qui ont cotisé cinq trimestres avant 18 ans – je pense tout particulièrement aux apprentis – de partir avec quatre ans d'avance et à 60 ans sans qu'il y ait de décalage de l'âge pour ceux qui ont commencé à travailler plus tôt.

Madame la sénatrice, je souhaite que les amis que vous évoquiez soient des amis imaginaires, car le décalage de leur âge de départ à la retraite est principalement imputable à la hausse de la durée de cotisation que vous avez votée en 2013…

Vos propos rappellent ceux du premier secrétaire du parti socialiste, qui s'est converti à la doctrine de Jean-Luc Mélenchon. Ils montrent que vous avez perdu le sens de la raison et de la responsabilité. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Vives protestations sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin, pour la réplique.

Mme Monique Lubin. Que vos remarques sur les dispositions votées par ma famille politique sont douces à mes oreilles, monsieur le ministre ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

Puisque vous me tentez, je rappellerai seulement que j'ai quelques souvenirs, dans le département des Landes, d'un certain Henri Emmanuelli, que vous appréciiez beaucoup, à l'époque ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE.)

Monsieur le ministre, le Conseil d'orientation des retraites (COR) indique que la part des retraites dans le PIB s'établit à 14 % et qu'elle est stable. Le système n'est donc pas en danger.

Les critères de pénibilité que vous venez d'évoquer ont été supprimés par vos soins en 2018, lorsque vous êtes entré au Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.) Et vous pouvez le présenter comme vous voulez, monsieur le ministre, mais vous faites payer cette réforme uniquement par les salariés les plus modestes !

Enfin, soyez assuré que mes amis ne sont pas imaginaires. Croyez bien que, quand on a travaillé 42 ans, un an de plus, c'est un an de trop ! (Vifs applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)

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