Question de M. JACQUIN Olivier (Meurthe-et-Moselle - SER) publiée le 19/01/2023

Question posée en séance publique le 18/01/2023

M. le président. La parole est à M. Olivier Jacquin, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Olivier Jacquin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au printemps 2021, je défendais avec le groupe socialiste une proposition de loi visant à imposer la présomption de salariat pour les travailleurs de plateforme ubérisés que Mme la Première ministre, alors ministre du travail, rejetait d'un revers de main.

Depuis, la Commission européenne, sous l'impulsion de Nicolas Schmit, a présenté au mois de décembre 2021 une proposition de directive reprenant ce principe, et le Parlement européen adoptera une position en faveur de ce texte dans les prochains jours.

Dans le même temps, vous ne parvenez pas, et c'est heureux, à convaincre les autres gouvernements de venir sur vos positions, comme en atteste l'isolement de la France au sein du Conseil des ministres de l'Union européenne.

Monsieur le ministre du travail, alors que le Président de la République se fait le chantre de la construction européenne, alors que la majorité des institutions et de plus en plus de gouvernements se prononcent en faveur de la présomption de salariat, et donc d'une véritable avancée sociale à l'échelle européenne, quand allez-vous changer de position ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe GEST.)


Réponse du Ministère du travail, du plein emploi et de l'insertion publiée le 19/01/2023

Réponse apportée en séance publique le 18/01/2023

M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion.

M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion. Monsieur le sénateur Jacquin, vous avez évoqué la situation des travailleurs des plateformes et la meilleure façon de leur reconnaître des droits sociaux collectifs. Le droit français est connu : il a été fixé dans le cadre de la loi d'orientation des mobilités, qui a donné lieu à deux ordonnances, elles-mêmes ratifiées par le Parlement – en tout cas la première –, et qui fixent justement ces principes de représentation.

Depuis, il y a eu l'initiative de la Commission européenne visant à faire adopter par le Parlement et par le Conseil une directive sur le droit des travailleurs de plateforme. Vous dites que la France est isolée sur le sujet.

Lors du dernier Conseil des ministres du travail de l'Union européenne, le 8 décembre 2022, il n'y a eu aucune majorité ni pour le projet de directive ni contre. La France, que vous jugez isolée, a défendu de son côté une position qui était partagée par une bonne douzaine de pays européens. Convenez que, lorsque le Conseil se divise en trois tiers, on ne peut pas vraiment parler d'isolement pour notre pays.

Nous continuons à discuter. La présidence suédoise a indiqué vouloir remettre ce projet de directive à l'ordre du jour, et nous estimons que les travaux pourraient aboutir à la fin de la présidence espagnole, c'est-à-dire à la fin du second semestre de 2023.

Nous sommes convaincus de pouvoir trouver, dans le dialogue, une position qui soit respectueuse de chacune des législations nationales, tout en permettant de garantir le droit des travailleurs de plateforme.

Dans l'attente, nous continuons à travailler à l'échelon national. À la fin du mois d'octobre dernier, j'ai installé les premiers groupes de travail à la suite des élections visant à désigner les représentants tant des plateformes que des travailleurs des plateformes. Le dialogue est fécond, puisque, dans quelques minutes, avec Clément Beaune, ministre délégué chargé des transports, nous rejoindrons les locaux de l'Autorité des relations sociales des plateformes d'emploi (Arpe) pour assister, avec les représentants des chauffeurs et des plateformes, à la signature du premier accord social en la matière. Cet accord porte sur le tarif minimum des courses et il est soutenu par les représentants de 70 % des chauffeurs.

C'est la démonstration que le choix que nous avons fait de respecter le principe d'indépendance des chauffeurs, dans la mesure où leurs droits sont respectés, peut se marier avec l'idée d'une protection collective. Cet accord, qui en appelle d'autres, nous permet de montrer à nos partenaires européens que nous pouvons concilier l'indépendance, l'entrepreneuriat et la protection des droits sociaux. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Olivier Jacquin, pour la réplique.

M. Olivier Jacquin. Monsieur le ministre, votre réponse ne m'étonne pas. Elle s'appuie sur votre doxa : un dialogue social qui, in fine, consiste à défendre plus les plateformes que les travailleurs des plateformes. Quelle est la réalité de ces derniers ? Une précarité extrême, et il s'agit souvent de travailleurs sans papiers. Vous suivez en fait une politique du laisser-faire qui vise à mener à un tiers-statut.

Que vaut votre dialogue social, alors que les élections professionnelles que vous avez organisées ont connu un très faible succès, avec un pourcentage très bas de participation des chauffeurs et des livreurs ? L'accord d'aujourd'hui réunit peut-être 70 % des chauffeurs, mais quatre organisations sur sept et les deux syndicats n'ont pas souhaité le signer, car il n'évoque pas de revenu minimum.

En somme, qu'il s'occupe des retraites, de l'assurance chômage ou de l'ubérisation du travail, votre gouvernement est véritablement celui de la régression sociale, en France et en Europe ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)

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