Question de M. MALHURET Claude (Allier - Les Indépendants) publiée le 26/01/2023

Question posée en séance publique le 25/01/2023

M. le président. La parole est à M. Claude Malhuret, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et RDPI, ainsi que sur des travées du groupe RDSE.)

M. Claude Malhuret. Ma question s'adresse à Mme la Première ministre.

Chaque jour en Ukraine, des femmes et des enfants meurent dans les décombres de leurs immeubles pulvérisés. Chaque jour, des soldats tombent, parce que manquent les armes pour résister à Wagner et à ses vagues d'assaut de traîne-misère envoyés au massacre.

À Ramstein, il y a quelques jours, les Européens échouaient à s'accorder sur la livraison de chars lourds. Cette immense déception a cédé la place aujourd'hui même à un immense soulagement : les Allemands, pressés par l'Europe de l'Est et du Nord, ont donné leur accord à la livraison de Leopard 2.

La France est désormais mise devant ses responsabilités. Après l'Angleterre, la Pologne, les pays Baltes et, maintenant, l'Allemagne, va-t-elle fournir les armements capables de changer l'issue de la guerre, à savoir des chars et une défense sol-air efficace ?

Le Président de la République expliquait que ces armements ne devaient pas être « escalatoires ». La décision allemande dissipe cet argument peu pertinent. On ne peut dire aux Ukrainiens qu'on les soutiendra jusqu'à la victoire finale et, en même temps, que l'on ne veut pas d'escalade : par définition, la victoire nécessite une escalade !

Depuis un an, nous laissons à Poutine le monopole de l'escalade. C'est lui qui fixe les lignes rouges et nous qui craignons de les franchir, alors que, à chaque franchissement, ses menaces ne sont suivies d'aucun effet, la Russie étant déjà au maximum de ses capacités.

Quant au chantage à l'arme atomique, il est balayé depuis que, à Samarcande, Xi et Modi ont interdit à un Poutine pétrifié de s'en servir. Il ne peut plus être l'excuse de nos indécisions.

Au bout d'un an de guerre, nous savons que, si le coût du soutien à l'Ukraine est élevé, celui-ci de ne pas chasser la Russie le serait bien plus. Le but de Poutine est non pas la seule destruction de l'Ukraine, mais la fin de l'ordre européen démocratique. Il s'agit d'aider l'Ukraine non plus à se défendre, mais à gagner.

Madame la Première ministre, au-delà des efforts déjà accomplis, le gouvernement français compte-t-il se joindre à nos alliés et livrer l'armement lourd indispensable ? Quand compte-t-il le faire ? Chaque jour de retard est un jour de deuil en Ukraine. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, RDPI, RDSE, UC et Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes GEST et SER.)

M. Emmanuel Capus. Très bien !


Réponse du Première ministre publiée le 26/01/2023

Réponse apportée en séance publique le 25/01/2023

M. le président. La parole est à Mme la Première ministre.

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Monsieur Claude Malhuret, cela fait désormais onze mois que la Russie a lancé une offensive injustifiable, inacceptable et brutale sur le territoire ukrainien. Cela fait onze mois de bombardements, de morts et de drames insupportables pour le peuple ukrainien. Cela fait onze mois que l'Ukraine résiste de manière héroïque, onze mois que la France lui apporte un soutien sans faille.

Comme l'a répété le Président de la République il y a quelques jours, nous serons au rendez-vous pour aider l'Ukraine « jusqu'à la victoire ». Depuis bientôt un an, ce pays peut compter sur l'aide militaire internationale. Aux côtés de ses partenaires, la France y prend une part importante : nous sommes l'un des premiers contributeurs par la livraison d'équipements et de munitions, ainsi que par la formation de centaines de soldats ukrainiens.

Les matériels que nous livrons font la différence sur le terrain ; les Ukrainiens le soulignent eux-mêmes régulièrement. Je pense aux canons Caesar, au système de lance-roquettes unitaires, au système de défense antiaérienne Crotale livré en fin d'année.

Nous entendons les demandes du président et du gouvernement ukrainiens. Rien n'est exclu, et nous sommes mobilisés pour les soutenir dans la durée. Nous voulons une action coordonnée avec nos partenaires internationaux, qui réponde au mieux aux besoins de l'Ukraine pour assurer sa défense.

Pour notre aide militaire, nous voulons respecter trois principes.

Le premier, comme l'a indiqué le Président de la République, est que notre aide ne doit pas provoquer d'escalade. Personne n'aurait à y gagner, surtout pas l'Ukraine.

Le deuxième est que notre aide doit être utile et efficace rapidement. Cela implique notamment que les forces ukrainiennes soient en mesure d'être formées pour utiliser les équipements et qu'elles puissent en assurer le maintien en conditions opérationnelles.

Le troisième est que nous ne devons pas et ne voulons pas affaiblir significativement nos propres capacités de défense, en particulier les plus critiques.

Je salue la décision de l'Allemagne au sujet des chars lourds : elle permettra de renforcer les capacités militaires ukrainiennes en matière de véhicules de combat blindés. Nous avons été particulièrement réactifs face aux demandes de l'Ukraine dans ce domaine ; au début du mois de janvier dernier, le Président de la République a lancé une dynamique en annonçant la livraison de chars légers AMX-10 RC. La décision allemande renforce et amplifie le soutien engagé.

En ce qui concerne les chars Leclerc, nous poursuivons l'analyse avec le ministre des armées. La question de l'aide à l'Ukraine ne se limite pas à tel ou tel équipement. Chaque pays dispose de domaines d'excellence, comme la défense aérienne et l'artillerie pour la France ; il est important de bien nous coordonner.

Enfin, j'ajoute que nous avons créé un fonds spécial de soutien de 200 millions d'euros pour permettre à l'Ukraine d'acheter directement auprès de nos industriels le matériel dont elle a le plus besoin. Nous sommes également actifs à l'échelon européen, en prenant toute notre part à la Facilité européenne pour la paix.

Monsieur Malhuret, vous le savez, et j'ai eu l'occasion de le rappeler lors du débat qui s'est tenu ici même le 26 octobre dernier, notre soutien à l'Ukraine dépasse le seul cadre militaire. Il est aussi humanitaire et diplomatique. Il passe par les sanctions sans précédent de l'Union européenne contre la Russie. Et, bien sûr, il concerne la reconstruction du pays.

Nous agissons en lien constant avec nos partenaires européens et nos alliés. Nous agissons avec détermination et constance. Nous serons aux côtés de l'Ukraine jusqu'au bout, je puis vous l'assurer. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et RDSE. – M. Pierre Médevielle applaudit également.)

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