Question de M. PLA Sebastien (Aude - SER) publiée le 12/01/2023

M. Sebastien Pla rappelle à M. le garde des sceaux, ministre de la justice la question écrite n° 26287 du 20/01/2022, restée sans réponse, par laquelle il l'interrogeait sur les dangers d'une institution judiciaire à bout de souffle qui ne permet plus d'exercer des missions de service public dans des conditions acceptables pour les justiciables.

Il souligne à nouveau l'allongement interrompu des délais d'instruction des affaires dans toutes les juridictions, malgré l'alerte signée par plus de 3 000 magistrats et greffiers il y a plus d'un an.

Qu'il s'agisse des délais portés à deux ans pour divorce contre un an à un an et demi il y a dix ans, ou des sept à douze mois nécessaires pour obtenir une décision fixant la pension alimentaire ou le droit de visite pour un enfant, des attentes interminables de 4 à 5 ans pour l'obtention d'indemnisations, des retards d'audiencement ou des reports à 2026, les magistrats croulent sous les stocks de procédures malgré des moyens accrus et des embauches de contractuels.

Il dénonce les lourdes conséquences sur le quotidien justiciables de cet engorgement de la justice et déplore cette attente sans fin pour les victimes qui vient rajouter du conflit dans les procédures et dégrader des situations de familles qui auraient pu trouver une issue avec davantage d'apaisement si elles avaient été jugées dans des délais raisonnables. En matière de justice civile, il rappelle que le droit du travail et le droit commercial ne sont pas non plus épargnés par cet allongement exponentiel des délais de procédure et pointe qu'au pénal, les conséquences en sont encore plus lourdes, de par la gravité des faits jugés, et qui plus est, lors que les décisions font l'objet d'un appel sans nouvelle date d'audience. Au-delà de la situation extrêmement douloureuse pour les victimes, il redoute dès lors l'impact d'un tel délai sur la peine finale du mis en cause.

Il souligne qu'à raison, magistrats, comme enquêteurs, qui s'investissent avec beaucoup de rigueur dans leurs affaires, éprouvent un sentiment de découragement généralisé, ce d'autant qu'il va falloir des années pour purger le stock de dossiers accumulés.

Et il s'étonne qu'une dépêche interministérielle en date du 31 mai 2021 visant à apurer les stocks de procédures non traitées dans les services de police et de gendarmerie conduise au classement sans suite, et vienne ainsi à « officialiser un dysfonctionnement notoire ».

Malgré l'augmentation de 8 % du budget de la justice prévue par le projet de loi de finances 2023, suivant deux précédentes hausses de 8 % déjà accordées en 2022 et 2021, et permettant l'embauche de 1 000 contractuels au civil pour occuper des postes de juristes assistants et renforts de greffe, dont deux tiers ont été pérennisés, il constate la persistance de cette frustration du personnel judiciaire, nourrie par un épuisement à tous les niveaux.

Il pointe enfin que pour diminuer la masse de dossiers en stock, les procédures d'urgence sont de plus en plus plébiscitées, référé comme comparutions immédiates, et qu'il s'ensuit une « hypertrophie de la filière pénale d'urgence » qui ne cesse d'augmenter « de façon incontrôlée au détriment toutes les autres formes de justice et notamment de la justice civile », telle que la présidente du syndicat de la magistrature la dénonce aussi.

Il lui demande donc quelles sont les mesures qu'il compte engager pour que les justiciables, et avec eux les professionnels de la justice qui servent la République, disposent de moyens adaptés à la gravité de la situation et s'il est dans ses intentions de donner suite aux propositions d'indemnisation de 125 euros par mois pour chaque plaignant au-delà de six mois de procédure judiciaire, ainsi que le suggère l'opération #AccéléronsLaJustice.

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 27/07/2023

Avec une enveloppe budgétaire sans précédent de 9,6 milliards d'euros, le ministère de la Justice bénéficie en 2023 d'une nouvelle augmentation de +8 % après les deux précédentes hausses de +8 % déjà accordées en 2022 et 2021. Ce sont ainsi 710 millions d'euros supplémentaires qui viendront abonder en 2023 le service public de la justice. Ce sont en effet 2 milliards d'euros de crédits supplémentaires qui ont été accordés sur trois budgets consécutifs, passant ainsi de 7,6 milliards d'euros-en 2021 à 9,6 milliards d'euros en 2023, soit une hausse inédite de +26 % du budget de la justice en trois ans et de plus de 40 % depuis 2017. La justice ne pouvant fonctionner sans des femmes et des hommes oeuvrant quotidiennement à son service, ce sont 10 000 emplois supplémentaires qui seront créés d'ici 2027, soit une hausse de 11 % en cinq ans, au service, entre autres, du renfort des effectifs en juridictions, de l'armement des nouveaux établissements pénitentiaires et des services de la protection judiciaire de la jeunesse. Plus particulièrement, le ministère de la justice va engager 1500 magistrats et 1500 greffiers de plus d'ici 2027. C'est précisément l'objectif du texte adopté au Sénat le 13 juin 2023 et à l'Assemblée Nationale le 18 juillet 2023. Grâce à ces recrutements, le ministère vise ainsi à diviser par deux les délais de traitement des affaires judiciaires. Ce même texte portera les budgets du ministère de la justice à 11 milliards d'euros, ce qui représentera une hausse sans précédent des moyens de la justice. En 2023, plus particulièrement, les services judiciaires bénéficient d'un budget de 4 148,8 Meuros en hausse de 299,7 Meuros, soit + 8 % par rapport à la LFI 2022. Après les 1 914 emplois supplémentaires obtenus en 2020 et 2021 au titre du renforcement de la justice de proximité, 105 emplois au titre de la lutte contre les violences intrafamiliales et 90 au titre de l'intermédiation financière des pensions alimentaires, ce sont 1220 emplois qui seront créés en 2023. Dans la continuité des conclusions des Etats généraux de la Justice, ces moyens permettront de renforcer les effectifs, d'améliorer les conditions de travail des agents et la qualité du service rendu, mais également de poursuivre les chantiers déjà amorcés, notamment les programmes immobiliers judiciaires et pénitentiaires initiés par le Président de la République, et le développement des projets numériques. S'agissant plus spécifiquement des délais de traitement des affaires, il importe de rappeler qu'en 2022, 81 % des décisions civiles rendues par les tribunaux judiciaires et les conseils de prud'hommes ainsi que 79 % des décisions pénales rendues par les tribunaux correctionnels et les juridictions pour mineurs l'ont été dans un délai inférieur à douze mois, soit environ 1 440 000 affaires civiles et 483 000 affaires pénales traitées en moins d'un an. La proposition d'indemnisation ne semble pas dans ce contexte, un levier à envisager.

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