Question de Mme ROBERT Sylvie (Ille-et-Vilaine - SER) publiée le 26/01/2023

Mme Sylvie Robert appelle l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice sur les moyens de réduire la population carcérale dans les prisons françaises.

En effet, au 1er décembre 2022, la France a enregistré le plus grand nombre de détenus jamais recensé dans ses centres pénitentiaires : 72 836. En progression de 4,1% sur une année, cette dynamique pose de nombreuses difficultés, notamment au regard du nombre de places, limité à 60 698.

En parallèle, il est important de rappeler que 26 % des prisonniers sont en attente de leur procès, expliquant en partie pourquoi sept maisons d'arrêt ont un taux d'occupation supérieur à 200 % -leur taux d'occupation moyen culmine à 142 %. En Ille-et-Vilaine, la maison d'arrêt de Rennes-Vézin a un taux d'occupation de 163 %. Ces exemples démontrent que les ratios relatifs au nombre de personnes par cellule/superficie de la cellule ne sont pas respectés dans une large majorité des cas.

Face à ce constat, la contrôleuse générale des lieux de privation de liberté a estimé qu'« il est inutile d'attendre que la prison puisse réinsérer quiconque dans une situation qui rend infernal également, le travail du personnel pénitentiaire ». Conditions de détention insalubres, vétusté des locaux, multiplication des incidents et des rixes, mal-être chez le personnel pénitentiaire et perte de sens du métier de conseiller pénitentiaire d'insertion et de probation, les maux se multiplient.

Pour y répondre, le Gouvernement a annoncé la création de 15 000 places supplémentaires d'ici 2027. Si cette décision est salutaire, elle n'est pas suffisante et il apparaît indispensable de mieux réguler, prévenir et optimiser la réponse pénale.

C'est pourquoi elle lui demande comment il entend lutter contre la surpopulation carcérale et ainsi améliorer les conditions de détention et favoriser la réinsertion des détenus.

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 08/06/2023

Le ministère de la Justice poursuit son engagement afin de lutter contre la surpopulation carcérale et d'améliorer les conditions de détention. L'ambitieux programme immobilier de livraison de 15 000 places supplémentaires de prison, décidé par le président de la République, doit permettre d'atteindre un taux d'encellulement individuel de 80 % sur la totalité des établissements du parc. Les établissements sont implantés dans les territoires qui connaissent les taux de surpopulation les plus importants, à savoir principalement dans les grandes agglomérations. Depuis la mise en oeuvre du programme, 2 441 places ont déjà été livrées. En 2023, 1 958 places supplémentaires seront livrées. Au total, 24 établissements seront opérationnels en 2024. Un établissement pénitentiaire de 500 places sera enfin construit à Vannes en 2027. Ce programme se caractérise par une typologie diversifiée d'établissements pénitentiaires pour mieux adapter les régimes de détention au profil des personnes détenues selon leur parcours, leur peine et leur projet de réinsertion : des maisons d'arrêt à sécurité adaptée, mais également des structures d'accompagnement vers la sortie (SAS). Ces établissements ont vocation à accueillir des personnes condamnées dont le reliquat de peine est inférieur ou égal à deux ans et proposent un régime de détention adapté, orienté autour de la responsabilisation de la personne détenue afin de préparer efficacement son retour à la vie libre et d'éviter la réitération de son comportement délinquant. La livraison de 2000 places en SAS est programmée. Enfin, trois établissements tournés vers le travail dénommés Inserre (insérer par des structures engendrant la responsabilisation et la réinsertion par l'emploi) seront également livrés. Outre la création de nouvelles places, les récentes évolutions législatives sont intervenues afin de favoriser le recours aux alternatives à l'incarcération, qui constituent des leviers de régulation des effectifs en milieu fermé. Elles permettent également de mieux prévenir la récidive et de favoriser la réinsertion des personnes placées sous-main de justice. Les dispositions de la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice ont pour objectif de renforcer le sens et l'efficacité des peines prononcées en limitant le recours aux courtes peines d'incarcération, en favorisant les aménagements de peine ab initio pour les peines inférieures ou égales à 1 an et en prohibant les peines d'emprisonnement inférieures à un mois. Dans la continuité, la loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire, introduit une mesure de libération sous contrainte de plein droit afin de suivre étroitement les détenus en fin de peine et lutter contre la récidive. La direction de l'administration pénitentiaire accompagne activement les SPIP dans son travail de prise en charge et d'accompagnement des personnes placées sous-main de justice. Depuis septembre 2022, la direction de l'administration pénitentiaire a notamment déployé sur l'ensemble du territoire un programme de prise en charge collective « ADERES », en lien avec l'École nationale d'administration pénitentiaire (ENAP), afin d'accompagner la population pénale dans le retour à la vie en société, dans une perspective de lutte contre la récidive. De surcroît, un travail de fond a été engagé afin de favoriser le recours à la peine de travail d'intérêt général (TIG). Plusieurs modifications du cadre normatif ont été successivement opérées, dans le but d'élargir les possibilités de recours au TIG et d'en simplifier les modalités d'exécution. Le nombre de places de TIG est ainsi passé de 18 000 en janvier 2019 à plus de 35 000 à la fin de l'année 2022. De plus, un plan d'actions portant, tant sur la meilleure connaissance des dispositifs et leur promotion, que sur les modalités d'organisation des services, a été arrêté par le garde des Sceaux et sera mis en oeuvre en 2023. Par ailleurs, le ministère de la Justice veille au maintien du dialogue entre les acteurs judiciaires et pénitentiaires. Il a élaboré un outil de pilotage destiné à nourrir les échanges entre les chefs de cours et les directeurs interrégionaux des services pénitentiaires, afin de poursuivre l'accompagnement des juridictions dans la mise en oeuvre des dispositions de la loi de programmation de la justice et de favoriser les alternatives à la détention. Depuis l'été 2022, les directeurs de l'administration pénitentiaire, des affaires criminelles et des grâces ainsi que des services judiciaires se sont également engagés à rencontrer l'ensemble des chefs de cours et de juridictions au sein des directions interrégionales afin d'échanger sur la problématique de la surpopulation carcérale et d'identifier des leviers permettant de limiter le recours à l'incarcération. Enfin, la direction de l'administration pénitentiaire, particulièrement vigilante à la régulation des effectifs des établissements les plus suroccupés, mène une politique volontariste d'orientation des personnes détenues vers les établissements pour peine, y compris à faible reliquat de peine.

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