Question de M. CHANTREL Yan (Français établis hors de France - SER) publiée le 09/02/2023

Question posée en séance publique le 08/02/2023

M. le président. La parole est à M. Yan Chantrel, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Yan Chantrel. Madame la Première ministre, elle s'appelle Véronique, elle a 53 ans, je l'ai rencontrée hier lors de la manifestation contre la réforme des retraites à Paris. (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.)

Après deux années d'apprentissage en charcuterie, Véronique a commencé à travailler à l'âge de 16 ans. Pendant de longues années, elle a trimé sur les marchés, dans le froid de l'hiver, parfois jusqu'à –12 degrés, en soulevant de lourdes charges, si bien qu'à seulement 33 ans elle a dû se faire opérer de la colonne vertébrale.

Malgré cette vie de labeur, malgré la pénibilité de son travail, avec les arrêts maladie et les périodes de chômage, Véronique ne pourra partir à la retraite qu'après avoir cotisé 44 années ! (Mme la Première ministre le conteste.) C'est plus que vous et moi, qui ne subissons pas la pénibilité physique de son travail. Où est la justice ?

Votre réforme des retraites n'en est pas une, c'est un exercice de rééquilibrage financier après que vous avez grevé le budget de l'État par des cadeaux fiscaux aux grandes entreprises : suppression de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) et de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), mise en place d'une flat tax. Ces cadeaux aux grandes entreprises, c'est à toutes les Véronique de France que vous en faites payer la facture !

Aujourd'hui même, on apprend que l'entreprise Total a réalisé en 2022 des profits record : 19,1 milliards d'euros ! C'est plus que les 13,5 milliards d'euros de déficit que vous prévoyez pour le système de retraites à l'horizon de 2030.

Alors, madame la Première ministre, quand allez-vous taxer ces superprofits ?

Quand allez-vous écouter les centaines de milliers de Françaises et de Français qui étaient hier dans la rue pour dire non à la retraite à 64 ans ? Quand allez-vous retirer ce projet injuste et brutal ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)


Réponse du Ministère auprès de la Première ministre, chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement publiée le 09/02/2023

Réponse apportée en séance publique le 08/02/2023

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement.

M. Olivier Véran, ministre délégué auprès de la Première ministre, chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement. Je vous remercie de cette question, monsieur le sénateur.

Vous nous avez dit que Véronique avait 53 ans et qu'elle avait commencé à travailler à l'âge de 16 ans. Il faudrait savoir si elle a commencé un peu avant 16 ans ou à 16 ans exactement, mais vous pouvez déjà lui dire qu'elle ne partira ni à 64 ans ni à 62 ans, monsieur le sénateur, mais au plus tard à 60 ans, éventuellement même à 58 ans, si elle a commencé un peu plus tôt. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Vous verrez, monsieur le sénateur, que par rapport à la situation actuelle il n'est pas impossible que sa situation personnelle s'en trouve améliorée !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Eh oui !

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Alors, tout va bien !

M. Olivier Véran, ministre délégué. Monsieur le sénateur, vous parlez de Véronique comme étant exposée à des températures extrêmes. Vous la décrivez comme étant exposée au port de charges très lourdes. Bref, vous parlez de critères de pénibilité.

Or, en matière de pénibilité, le projet de loi que vous aurez bientôt à examiner et que – je l'espère – vous voterez (Exclamations sur les travées du groupe SER.) est porteur d'avancées sociales (Protestations sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.) comme il n'y en a pas eu dans les précédents textes, y compris celui que j'ai été amené à voter lorsque j'étais député socialiste.

À l'époque, la gauche de gouvernement ne reniait pas les fondamentaux qui étaient les siens (Mêmes mouvements.), à savoir être capable de prendre des décisions, même difficiles, quand il fallait conforter notre modèle social, et être capable de prendre des décisions favorables à l'emploi. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Olivier Cadic applaudit également.)

Cette gauche que j'ai connue et que j'ai quittée – je dois vous dire que je n'en ai pas de regret aujourd'hui –… (Brouhaha sur les travées du groupe SER.)

M. Éric Kerrouche. Nous non plus ! (Rires.)

M. Olivier Véran, ministre délégué. … était capable de s'enthousiasmer, lorsque des entreprises créaient de la richesse et de l'emploi dans le pays.

Nous célébrions l'idée qu'un jour nous puissions inverser la courbe du chômage. Il est vrai, monsieur le sénateur, qu'il a fallu attendre 2017 pour que cette fameuse courbe s'inverse. Cela vous peine peut-être à titre personnel, mais, comme vous servez, j'en suis sûr, l'intérêt général, vous devriez avec notre majorité vous en réjouir ! (La voix de M. le ministre délégué est couverte par les exclamations.)

Enfin, monsieur le sénateur, ne me dites pas que vous confondez sciemment le bénéfice mondial d'un groupe international avec le financement d'un régime de retraite déficitaire du fait de la démographie. (Protestations sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)

M. Patrick Kanner. Il y a des symboles !

M. Olivier Véran, ministre délégué. Vous ne me ferez pas prendre des vessies pour des lanternes : vous savez très bien que vous mélangez des carottes et des pommes de terre, que vous êtes en train de faire une bouillie. Le groupe TotalEnergies fait 20 milliards d'euros de bénéfice dans le monde, dont 500 millions en France.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre délégué.

M. Olivier Véran, ministre délégué. Sur ces 500 millions, 200 millions iront dans les caisses de l'État grâce à la taxe que nous avons mise en place. Il restera 300 millions à TotalEnergies pour faire un effort sur le prix des carburants au bénéfice des Français – cela ira dans le bon sens ! (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Yan Chantrel, pour la réplique.

M. Yan Chantrel. Monsieur le ministre, nous n'avons pas de leçon à recevoir d'une personne qui a avoué avoir voté pour Nicolas Sarkozy en 2007 ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Qui plus est, je tiens à rappeler que la première mesure prise par M. Emmanuel Macron, lorsqu'il a été élu président, a été de supprimer des critères de pénibilité. Nous n'avons donc vraiment aucune leçon à recevoir de votre part ! (Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.)

Plutôt que de taxer la vie des gens, ayez le courage de revenir sur les exonérations de cotisations patronales qui sont inefficaces et coûteuses, de contraindre les entreprises à améliorer leur taux d'emploi des seniors et surtout de taxer les superprofits – taxez-les et on pourra financer les retraites ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées des groupes CRCE et GEST.)

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