Question de M. BREUILLER Daniel (Val-de-Marne - GEST) publiée le 16/02/2023

Question posée en séance publique le 15/02/2023

M. le président. La parole est à M. Daniel Breuiller, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mme Esther Benbassa applaudit également.)

M. Daniel Breuiller. Ma question s'adressait à Mme Pannier-Runacher, ministre de la transition énergétique.

Madame la ministre, pour le nucléaire, rien n'est donc impossible ! L'EPR (réacteur pressurisé européen) de Flamanville est un échec opérationnel et financier selon la Cour des comptes, mais peu importe, le Président de la République engage la France dans la construction de six nouveaux EPR.

« Le débat public sur les EPR 2 est en cours […], la concertation publique sur le mix énergétique n'a pas encore lieu », relevait mon collègue Daniel Salmon ici même, mais qu'importe, une loi d'accélération du nucléaire est adoptée, modifiant le mix énergétique avant que celui-ci ne soit débattu au fond.

Lundi dernier, nouveau fait du prince, les salariés de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) ont appris le démantèlement de leur institution, pourtant reconnue internationalement. La surprise fut totale, créant sidération et inquiétude chez ces 1 700 salariés.

L'IRSN n'a jamais failli dans ses missions au bénéfice de la sûreté. Le choix d'une organisation duale, distinguant, d'une part, l'indépendance de l'expertise et de la recherche, assurée par l'IRSN, d'autre part, le contrôle et la décision, assurés par l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) s'est révélé efficace et garante de cette sûreté. C'est un garde-fou institutionnel mis en place après la catastrophe de Tchernobyl et dont l'utilité a été prouvée après Fukushima.

Alors que vous relancez un programme nucléaire d'ampleur, il nous paraît essentiel de ne pas casser une organisation qui a fait la preuve de son efficacité. Pourquoi voulez-vous démanteler l'IRSN ? Est-ce une demande de l'exploitant, dès lors que les exigences de sûreté réclamées par l'Institut, qui ne répondent, je le rappelle, qu'aux seules considérations scientifiques, lui paraissent trop élevées ?

Madame la ministre, vous n'avez jamais évoqué l'hypothèse de cette suppression lors de nos débats récents sur l'accélération du nucléaire.

Quels reproches formulez-vous à l'encontre de l'IRSN et de ses agents, alors que toutes les évaluations de leurs activités sont positives ? Où sont les études d'impact au sujet d'une telle mesure ? Pourquoi écarter la représentation nationale de ces choix essentiels ?

Pour accélérer le nucléaire, vous n'avez pas à affaiblir les exigences de sûreté. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées du groupe SER. – Mmes Esther Benbassa et Laurence Cohen applaudissent également.)


Réponse du Ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche publiée le 16/02/2023

Réponse apportée en séance publique le 15/02/2023

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Mme Sylvie Retailleau, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le sénateur Breuiller, je souhaite tout d'abord excuser ma collègue ministre de la transition énergétique, qui est retenue au Parlement européen, justement pour défendre le nucléaire bas-carbone. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe GEST.)

Vous le savez, le Gouvernement mène actuellement une politique énergétique dont l'objectif est à la fois de sécuriser nos approvisionnements et de garantir des prix compétitifs favorables au pouvoir d'achat des Français, le tout en participant à la lutte contre le dérèglement climatique.

M. Daniel Breuiller. Et l'IRSN ?

Mme Sylvie Retailleau, ministre. Cette politique exige de relever de grands défis. Le nucléaire est un outil dans cette perspective.

M. Daniel Salmon. Et l'IRSN ?

Mme Sylvie Retailleau, ministre. Vous l'avez dit, notre politique a pour objet de réunir les conditions de la prolongation du parc nucléaire existant, mais aussi de nous mettre en ordre de bataille pour maîtriser l'ensemble des coûts et les délais de construction des nouveaux EPR 2, que vous avez mentionnés également.

M. Ronan Dantec. Et l'IRSN ?

Mme Sylvie Retailleau, ministre. Je veux insister sur la notion d'accélération et de coordination de la recherche, afin de développer, en particulier, de petits réacteurs modulaires français.

M. Guy Benarroche. Et l'IRSN ?

Mme Sylvie Retailleau, ministre. Vous le voyez, cette relance du nucléaire est liée à de nombreux enjeux, de souveraineté, de compétitivité, d'attractivité à long terme, mais aussi de sûreté. (Ah ! sur les travées des groupes GEST et SER.)

M. Rachid Temal. Et la réponse ?

Mme Sylvie Retailleau, ministre. La sûreté est évidemment nécessaire pour obtenir la confiance des citoyens dans cette énergie. Elle nécessite de poursuivre la concertation avec les acteurs locaux, le développement de l'expertise de la filière, en particulier sur le volet recherche, et le développement des entreprises.

Depuis toujours, nous avons eu la volonté d'assurer cette indépendance du contrôle et de la sûreté nucléaires (M. Daniel Salmon s'exclame.) et de maintenir une recherche d'excellence dans ce domaine.

L'IRSN est un établissement public présent dans le domaine tant de la recherche que de la sûreté nucléaire. Il s'agit désormais de mieux articuler, d'une part, l'expertise en sûreté avec l'ASN, d'autre part, la recherche avec le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA). Ce modèle existe dans de nombreux autres pays et il a fait ses preuves. Il faut l'étudier.

Ce type de réorganisation…

M. le président. Il faut conclure, madame la ministre.

Mme Sylvie Retailleau, ministre. … doit, comme vous le disiez, monsieur le sénateur, être mené avec soin. C'est pour cette raison que nous avons demandé aux dirigeants de l'IRSN, de l'ASN et du CEA de nous proposer différents scénarios. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

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