Question de Mme GRÉAUME Michelle (Nord - CRCE) publiée le 09/02/2023

Mme Michelle Gréaume attire l'attention de M. le ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics sur la situation fiscale des travailleurs français du secteur public belge.

La France et la Belgique ont signé le 9 novembre 2021 à Bruxelles une nouvelle convention en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune.

Une des dispositions de ce texte, si la France le ratifie, stipule que les travailleurs de nationalité française, résidant en France, salariés des secteurs publics non commerciaux belges, seront désormais assujettis à la fiscalité belge, et non plus française comme c'est le cas aujourd'hui.

Cette modification est lourde de conséquences, financières, économiques et sociales pour des personnes et des familles qui verront leurs revenus baisser de 25 à 30 %, des projets de vie à long terme remis en cause, l'impôt sur le revenu en Belgique étant nettement supérieur à son équivalent français.

Malgré les alertes lancées, malgré les nombreuses interventions des parlementaires, aucune réponse satisfaisante n'a été apportée par le Gouvernement. L'affirmation d'une très hypothétique et lointaine évolution de la législation de l'impôt sur les revenus du travail en Belgique n'est absolument pas de nature à rassurer nos concitoyens concernés.

Ceux-ci ne contestent pas le principe même d'imposition dans le pays qui les emploie. Ils demandent simplement à pouvoir bénéficier des mêmes dispositions que celles qui ont été appliquées à leurs collègues français du secteur privé belge, lors de la suppression du statut fiscal frontalier en 2012. Afin de tenir compte des conséquences financières et sociales, cette disposition n'avait été appliquée qu'aux nouveaux travailleurs. Pour ceux qui bénéficiaient du statut avant le 1er janvier 2012, un délai leur permet de continuer à payer leurs impôts en France jusqu'en 2033, leur laissant ainsi le temps d'anticiper et de faire face à la diminution future de leurs revenus.

En conséquence, elle lui demande de lui préciser les mesures que compte prendre le Gouvernement à ce sujet.

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Réponse du Ministère auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l'industrie publiée le 15/02/2023

Réponse apportée en séance publique le 14/02/2023

Mme le président. La parole est à M. Éric Bocquet, en remplacement de Mme Michelle Gréaume, auteure de la question n° 411, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics.

M. Éric Bocquet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis plusieurs mois, nos compatriotes salariés des services publics belges nous alertent sur les conséquences d'une modification à venir de leur statut fiscal.

De quoi s'agit-il ? Actuellement, une personne de nationalité française, résidant en France et travaillant dans les services publics non concurrentiels belges, est imposable en France.

Or une nouvelle convention, signée entre nos deux pays et ayant pour objectif d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, revient sur cette disposition. Lorsqu'elle entrera en vigueur – puisqu'elle n'a pas encore été ratifiée –, des milliers de salariés devront payer leurs impôts en Belgique.

Les conséquences seront lourdes pour des femmes et des hommes employés d'hôpitaux, d'écoles ou de structures médico-sociales, qui verront leurs revenus baisser de 25 % à 30 %, les impôts sur le revenu en Belgique étant nettement supérieurs aux nôtres.

Les projets de vie à long terme de ces travailleurs sont remis en cause : nombre d'entre eux ont souscrit des prêts, notamment immobiliers, sur la base de revenus et de capacités d'emprunt risquant d'être subitement dévalués et s'inquiètent à juste titre pour leur avenir.

Une solution existe toutefois et a déjà été appliquée en 2012 lors de la suppression du statut fiscal frontalier. Contraints de payer leurs impôts en Belgique, les travailleurs français du secteur privé belge, déjà sous statut frontalier, avaient alors bénéficié d'un délai leur permettant de continuer à payer leurs impôts en France jusqu'en 2033. À l'époque, la modification du statut fiscal n'a été immédiatement appliquée qu'aux nouveaux frontaliers.

Les employés français du secteur public belge, qui ne remettent pas en cause la modification de leur statut fiscal, souhaitent tout simplement bénéficier du même délai et des mêmes dispositions afin d'anticiper la baisse de revenus à venir.

Aucune réponse précise ne leur a encore été apportée, sinon l'annonce d'une hypothétique et lointaine modification de la législation fiscale belge. Alors que cette réforme n'est pas confirmée de l'autre côté de la frontière et qu'elle est, semble-t-il, une nouvelle fois repoussée, la vague promesse qui leur est faite n'est pas de nature à apaiser leurs craintes bien légitimes.

Ma question est donc simple et précise, monsieur le ministre, et j'espère que votre réponse le sera tout autant : comptez-vous accéder à la demande des salariés français concernés de pouvoir bénéficier des mêmes délais et dispositions que leurs collègues du secteur privé en 2012 ?

Mme le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Roland Lescure, ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l'industrie. Je remercie Mme la sénatrice Gréaume de sa question, qui porte sur un sujet dont nous avons déjà eu l'occasion de débattre dans cet hémicycle voilà quelques semaines avec Jean-Pierre Decool.

Vous l'avez rappelé, monsieur Bocquet, la France et la Belgique ont signé le 9 novembre 2021 une nouvelle convention fiscale en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, destinée à remplacer celle qui est en vigueur depuis 1964. Cette convention préserve le régime spécifique des frontaliers prévu au protocole additionnel à l'actuelle convention. Comme toute convention fiscale bilatérale, elle sera soumise au Parlement pour ratification.

En ce qui concerne les rémunérations de source publique, la convention franco-belge repose, sauf exception, sur le principe de l'imposition par l'État qui verse ces revenus. Les salaires des personnes travaillant en Belgique pour une entité publique belge sont donc taxés en Belgique, même si ces personnes habitent en France. L'inverse sera également vrai et ne pourra que rendre plus attractif l'emploi public de notre côté de la frontière dans des secteurs qui, comme la santé et l'éducation, sont décisifs pour le développement des zones frontalières.

Nous sommes convaincus qu'il s'agit d'une règle de bon sens, permettant d'éviter qu'un État ne subventionne indirectement l'autre État et ne paie à sa place des fonctionnaires qui seraient recrutés de l'autre côté de la frontière. Je comprends de la question qui m'a été posée que ce constat est partagé.

Je précise que seule une catégorie de travailleurs résidant en France verra son régime d'imposition modifié par les futures dispositions conventionnelles. Il s'agit de ceux qui possèdent la seule nationalité française, qui perçoivent des traitements publics de source belge et exercent leur activité en Belgique. Ces revenus, qui sont actuellement imposables en France, le seront en Belgique en application de la nouvelle convention.

Afin d'atténuer les effets de ce changement, vous suggérez que la règle nouvelle ne s'applique qu'aux nouveaux travailleurs. La comparaison que vous établissez avec l'extinction du régime des frontaliers en 2012 a ses limites.

Tout d'abord, il s'agissait d'un régime historique, qui visait à traiter la situation particulière des personnes dont l'activité professionnelle requiert de franchir régulièrement la frontière. Ensuite, ce régime contraint la France à verser une compensation financière à la Belgique. Enfin, le régime des frontaliers a vocation à disparaître, y compris pour les personnes qui y étaient éligibles en 2011 ; ce sera le cas à partir de 2034.

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