Question de M. BOULOUX Yves (Vienne - Les Républicains) publiée le 09/02/2023

M. Yves Bouloux attire l'attention de Mme la Première ministre sur le recrutement des magistrats administratifs.

Contrairement aux magistrats de l'ordre judiciaire, les magistrats administratifs ou conseillers des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel ne sont pas issus de l'école nationale de la magistrature.

Les magistrats administratifs sont recrutés via l'institut national du service public (INSP) qui a succédé à l'école nationale de l'administration (ENA), ou par recrutement direct par voie de concours externe ou interne.

En janvier 2023, compte tenu des besoins, le conseil d'État a également procédé au recrutement de magistrats administratifs par la voie du détachement, ce même sans expérience préalable dans des fonctions juridiques.

Ont ainsi pu prétendre à ce détachement, les fonctionnaires appartenant à un corps recruté par la voie de l'ENA, les magistrats de l'ordre judiciaire, les professeurs et maîtres de conférences titulaires des universités, les administrateurs des assemblées parlementaires et les fonctionnaires civils ou militaires de l'État, de la fonction publique territoriale ou de la fonction publique hospitalière appartenant à des corps ou à des cadres d'emplois de niveau équivalent à celui des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.

Au moins de décembre 2022, le garde des sceaux a annoncé un assouplissement des passerelles avocats-magistrats de l'ordre judiciaire.

Ainsi, si un avocat peut sous certaines conditions exercer les fonctions de magistrat de l'ordre judiciaire, les fonctions de magistrat de l'ordre administratif ne sont, elles, ouvertes qu'aux seuls fonctionnaires, ce même sans expérience préalable dans des fonctions juridiques, connaissance ou pratique préalable du contentieux administratif.

Si un directeur d'hôpital ou un militaire sans aucune expérience juridique peut prétendre à exercer les fonctions de magistrat administratif, imposant de fait une période de formation interne, un avocat spécialisé en droit public n'y a, en revanche, pas accès.

Aussi, il souhaiterait savoir les raisons pour lesquelles une passerelle équivalente à celle existant avec la magistrature judiciaire n'existe pas au bénéfice des avocats et dans quelle mesure une telle passerelle ne pourrait-elle pas être mise en place.

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Transmise au Ministère de la justice


Réponse du Ministère de la justice publiée le 11/05/2023

Appelés à trancher les différends entre les usagers et l'administration, les magistrats des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel bénéficient d'un statut particulier qui garantit leur indépendance. Leurs modalités de recrutement sont particulières, afin de tenir compte des spécificités de leurs missions. Les règles de leur recrutement sont au nombre de celles qui garantissent leur indépendance (CE, 29 décembre 1993, n° 67922), de sorte que seul le législateur est compétent pour organiser les différentes voies de recrutement. Ces règles figurent aux articles L. 233-1 à L. 233-10 du code de justice administrative (CJA) qui prévoient quatre voies d'accès à ce corps : l'Institut national du service public (INSP, anciennement l'Ecole nationale d'administration), le recrutement direct par concours, le tour extérieur et le détachement. Si le recrutement parmi les anciens élèves de l'ENA devenue l'INSP demeure la voie de principe, l'accès au corps des magistrats des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel s'effectue majoritairement par concours. En 2021, sur les 69 magistrats recrutés, 38 (soit 55 %) sont lauréats du concours, 14 ont été recrutés par la voie du détachement, 10 ont été nommés au tour extérieur et 7 sont issus de l'ENA. Ces règles tiennent compte de la spécificité des missions qu'assument les magistrats administratifs. Tout comme les membres du Conseil d'État, ceux-ci sont recrutés en premier lieu par la voie de l'Institut national du service public. Les autres voies d'accès ménagent un équilibre destiné à assurer la plus grande diversité des profils. Ainsi que l'écrivent le conseiller d'État Mattias Guyomar et le professeur Bertrand Seiller, la collégialité au sein des juridictions administratives « fonctionne comme un creuset : l'intelligence collective se nourrit du profil varié des membres de la juridiction administrative où toutes les générations sont représentées, de leurs compétences diverses. Chacun participe à l'oeuvre commune, en exploitant son capital juridique, en faisant valoir ses convictions, en partageant son expérience professionnelle » (Contentieux administratif, Dalloz, 2021). Pour assurer cette diversité de profils, les règles de recrutement et d'avancement des membres du corps des conseillers des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel tendent à valoriser les expériences en administration, compte tenu de l'importance d'avoir une connaissance concrète du fonctionnement et des contraintes de l'administration pour rendre des décisions de justice éclairées. Ainsi, la majorité des magistrats recrutés sont issus des rangs de l'administration. En 2021, 68 % des nouveaux magistrats administratifs avaient été agents publics ou élèves de l'ENA. Cette approche a été encore renforcée par l'ordonnance n° 2021-702 du 2 juin 2021 portant réforme de l'encadrement supérieur de la fonction publique de l'État, qui a conditionné chaque avancement en grade à la réalisation d'une mobilité statutaire. Dans le cadre d'une réforme globale de la haute fonction publique, cette ordonnance a ainsi entendu favoriser davantage les parcours et expériences variés, au sein des juridictions comme des administrations. Ainsi, les différentes voies d'accès aux corps des conseillers des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel garantissent déjà une sélection de candidats de haut niveau juridique, aux expériences variées, et aux profils divers. Parmi ces candidats, figurent déjà chaque année un certain nombre de personnes ayant exercé en tant qu'avocat, et qui accèdent au corps des magistrats par la voie du concours. Leur expérience est d'ailleurs valorisée lors de leur titularisation par la prise en compte de leur expérience ainsi que le prévoit l'article R. 233-14 du code de justice administrative. L'expérience d'avocat est hautement valorisable dans le cadre du concours de recrutement direct. Par ailleurs, s'agissant des magistrats recrutés parmi les anciens élèves de l'INSP, ceux issus du troisième concours, qui s'adresse notamment aux actifs du secteur privé dont les avocats, bénéficient d'une intégration directe au 7e échelon du grade de conseiller. Dans ces conditions, il ne semble pas opportun de remettre en cause les équilibres actuels des voies d'accès au corps des conseillers de tribunaux administratifs et de cours administratives d'appel, qui ont démontré au fil des années leur parfaite adéquation avec les objectifs recherchés et qui n'excluent aucunement les avocats qui peuvent tout particulièrement emprunter la voie du concours direct pour accéder aux fonctions de magistrat administratif.

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