Question de M. SAURY Hugues (Loiret - Les Républicains) publiée le 09/02/2023

M. Hugues Saury attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer sur les inquiétudes des Français face au rapatriement des familles de djihadistes. Le 24 janvier 2023, quinze femmes et trente-deux enfants, jusqu'ici détenus dans des camps de prisonniers djihadistes en Syrie, sont arrivés en France. Il s'agit de la troisième opération d'ampleur de retour sur le sol national après celle de juillet 2022 (qui concernait seize mères et trente-cinq mineurs), ainsi que celle d'octobre de la même année qui avait vu l'arrivée de quinze femmes et de quarante enfants. Condamnée par le comité des droits de l'enfant puis la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH), la France n'a pas d'autre choix que de les rapatrier sur son sol. À n'en pas douter, d'autres suivront et cette situation alarme particulièrement les Français. En effet, ces femmes ont subi un tel endoctrinement depuis des années en Syrie que l'incarcération dans des prisons où la radicalisation est déjà une problématique majeure risque de ne pas mettre un terme à leur fanatisme. Pire encore, serait la possibilité offerte à ces femmes incarcérées de recruter et de convertir des personnes vulnérables susceptibles de commettre des attaques terroristes à leur sortie de prison sur notre sol. C'est dans ce contexte qu'il s'interroge sur le recours à la déchéance de nationalité afin de ne pas rapatrier ces femmes qui ont choisi délibérément de rejoindre Daech. Ainsi il souhaite connaître l'avis du Gouvernement sur cette alternative qui vise avant tout à protéger les Français et à assurer sur le long terme la sécurité de la France.

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Réponse du Ministère de l'intérieur et des outre-mer publiée le 10/08/2023

L'approche suivie en matière de rapatriement depuis la Syrie est une décision du Gouvernement qui a évolué bien avant l'arrêt "HF et autres c. France" rendu par la CEDH, le 14 septembre 2022. Les opérations de rapatriement organisées depuis l'été 2022 répondent en effet exclusivement à des enjeux sécuritaires et humanitaires, liés notamment à la dégradation et à l'instabilité de la situation dans le Nord-Est syrien. Il doit par ailleurs être noté que, antérieurement à ces opérations, la France avait déjà permis le rapatriement d'une trentaine de mineurs. La condition des enfants constitue en effet une priorité pour le Gouvernement. Une précision s'impose par ailleurs concernant l'arrêt de la CEDH. En effet, ce dernier ne reconnaît pas un droit au rapatriement des ressortissants français encore présents sur zone. Il impose uniquement à la France de créer une voie d'examen des demandes expresses de rapatriement, devant donner lieu à une réponse officielle du Gouvernement, susceptible de recours et ce, aux fins de garantir que les décisions prises sont bien dépourvues d'arbitraire. Les dispositions relatives à la déchéance de nationalité n'auraient pu être mobilisées à l'encontre des femmes rapatriées. Conformément aux articles 25 et 25-1 du Code civil, deux conditions doivent en effet prévaloir pour déchoir de la nationalité française les femmes concernées. D'une part, la déchéance ne doit pas avoir pour résultat de les rendre apatrides, ce qui implique qu'elles doivent disposer d'au moins deux nationalités. À ce titre, il est important de noter que seuls les individus ayant acquis la nationalité française peuvent faire l'objet d'une telle mesure. D'autre part, elles doivent avoir été définitivement condamnées pour des faits de terrorisme. Or, ces deux conditions n'étaient pas remplies, s'agissant des femmes récemment rapatriées. Néanmoins, les femmes rapatriées sur le sol français font toutes l'objet d'un traitement judiciaire à leur arrivée. Elles sont aussi systématiquement poursuivies pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste et une prise en charge spécifique est réalisée durant leur parcours d'incarcération. De même, à leur sortie de détention, s'appliquera le dispositif mis en oeuvre par les services compétents du ministère de l'Intérieur et des Outre-mer, de la Justice et de l'Économie, permettant de garantir la continuité du suivi des individus condamnés pour terrorisme et pour des faits de droit commun mais identifiés comme radicalisés suscetibles de passage à l'acte violent.

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