Question de M. GONTARD Guillaume (Isère - GEST) publiée le 16/02/2023

M. Guillaume Gontard interroge M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse sur la dotation horaire globale (DHG) prévue pour l'année scolaire 2023-2024 dans le département de l'Isère. À Grenoble, Villefontaine, Bourgoin-Jallieu, Vizille ou encore Fontaine, les prévisions de DHG réalisées par le rectorat d'académie sont en effet particulièrement inquiétantes pour de nombreux établissements, dont la plupart sont situés en zone d'éducation prioritaire. Le rectorat semble avoir fait le choix de supprimer toute marge horaire supplémentaire pour différents collèges, considérant que les dispositifs « réseau d'éducation prioritaire », REP ou REP+, étaient suffisants.

Cette décision a trois effets négatifs majeurs. D'abord, elle va compliquer les conditions d'enseignement des professeurs, avec des classes chargées au maximum, c'est-à-dire de 25 élèves pour les établissements d'éducation prioritaire. Il s'agit d'un mauvais signal envoyé aux enseignants, dont le métier attire de moins en moins : les candidatures au certificat d'aptitude au professorat de l'enseignement du second degré (CAPES) et à l'agrégation ont fondu de moitié en 15 ans. Cette surcharge va également compliquer l'apprentissage des élèves, alors que la France détient pourtant déjà le record du nombre d'élèves par classe de toute l'Union européenne.

Dans certains établissements, comme le collège Lucie Aubrac à Grenoble (REP+), cette politique risque de mener à une ghettoïsation. En effet, l'établissement est encouragé à augmenter le nombre de dérogations sortantes et à restreindre celles entrantes pour limiter le nombre d'élèves à 25 par classe. Ainsi, les familles qui veulent choisir d'autres établissements y sont encouragées, tandis que celles qui veulent y placer leurs enfants ne peuvent le faire. Or, ces transferts entre établissements sont toujours marqués par des dynamiques de classes sociales et jouent fortement sur la mixité.

Enfin, ces baisses du nombre d'heures d'enseignement risquent de faire disparaître des options complémentaires comme du soutien scolaire, des cours dédoublés, des classes aménagées théâtre, des sections internationales, etc. Autant de dispositifs qui contribuent à l'épanouissement quotidien des élèves et leur permettent d'accroître leur capital culturel.

Les choix du rectorat de l'académie de Grenoble sont donc contraires à « la lutte contre les inégalités sociales », pourtant définie comme « le premier axe » de la politique d'enseignement lors du dernier remaniement. Ainsi, il souhaite connaître les raisons de cette décision brutale concernant la DHG. Il lui demande également d'intervenir pour rétablir les moyens nécessaires à l'égalité des chances et au bon fonctionnement des établissements en question.

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Réponse du Ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse publiée le 06/04/2023

En 2023 avec plus de 59 Mds€, le budget du ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse (MENJ) est en croissance de 6,5 % sur le périmètre de l'enseignement scolaire. Il s'agit d'une hausse historique des moyens, qui prolonge et accentue une hausse continue depuis 2017. Ce budget reste le premier budget de l'État. Or, l'organisation de l'éducation nationale doit prendre acte d'une tendance démographique majeure. En moins de dix ans, la France est passée de 830 000 à 738 000 naissances par an. Après une baisse démographique de 300 000 élèves sur les cinq dernières années, 500 000 élèves de moins sont attendus d'ici à 2027. En raison de la priorité donnée à l'école, le Gouvernement fait le choix de préserver les moyens d'enseignement en s'appuyant sur les évolutions démographiques en faveur de redéploiements permettant d'améliorer les taux d'encadrement du premier degré, de stabiliser ceux du second degré et poursuivre les politiques prioritaires. Cette forte baisse de la démographie des élèves n'a ainsi qu'un effet réduit sur les emplois du ministère en 2023 dont la baisse globale sera de 2 000 emplois (soit - 0,19 % de l'ensemble des postes du ministère). De ce fait, le taux d'encadrement continuera à s'améliorer, notamment dans le premier degré et sera stabilisé dans le second. Grâce à la limitation de l'impact de la baisse démographique, il sera possible de redéployer des emplois pour les flécher sur les priorités de la politique éducative. Dans le second degré de l'enseignement scolaire public, des moyens seront consacrés à la transformation du collège et au développement des savoirs fondamentaux, notamment le renforcement des mathématiques au lycée. Ces ressources sont destinées à la réduction des inégalités grâce à la montée en puissance des parcours préparatoires au professorat des écoles et aux sections internationales implantées dans des collèges défavorisés de manière à renforcer la mixité sociale (ouverture de 43 sections internationales dans les collèges parmi les plus défavorisés, soit désormais le tiers des sections internationales existantes). S'agissant des moyens attribués aux académies, le MENJ veille chaque année à l'équité des dotations qu'il répartit entre elles. L'analyse des moyens mis à disposition tient compte notamment du poids de l'académie, de la démographie des élèves et des disparités sociales et territoriales. L'article L. 111-1 du code de l'éducation dispose que la répartition des moyens du service public de l'éducation tient compte des différences de situation, notamment en matière économique, territoriale et sociale. À ce titre, il est fait recours à plusieurs indicateurs reflétant des préoccupations qualitatives : respect des caractéristiques du réseau scolaire académique, maintien du service public dans les zones rurales et réussite scolaire des élèves issus des catégories sociales les plus défavorisées. Plus précisément, la répartition des moyens du 2nd degré scolaire public prend appui notamment sur l'indice de positionnement social (IPS), la part de boursiers, les caractéristiques territoriales, l'offre de formation et tient compte des besoins éducatifs particuliers tels que les ULIS (unités localisées pour l'inclusion scolaire) ou les UPE2A (unités pédagogiques pour élèves allophones arrivants). Dans le respect de leur dotation, les autorités académiques veillent également à une répartition équitable des moyens entre les différentes catégories d'établissements et niveaux de formation, compte tenu de leur situation géographique et de leurs caractéristiques sociales. Pour ce qui concerne l'académie de Grenoble, l'attribution des dotations horaires globales des établissements a fait l'objet d'un travail préparatoire attentif. Dans ce cadre et suite à l'organisation d'un groupe de travail académique, l'exercice de répartition des dotations pour la rentrée 2023 a été marqué par une volonté de convergence des critères pour l'ensemble des départements de l'académie. La répartition des dotations se fonde prioritairement, à cet égard, sur les prévisions d'effectifs. S'agissant du département de l'Isère, certains établissements de la métropole grenobloise connaissent une baisse de leurs effectifs entraînant un réexamen de leur dotation. Les collèges du réseau d'éducation prioritaire et du réseau d'éducation prioritaire renforcé continuent de faire l'objet d'un même traitement bienveillant, notamment par le biais de l'allocation progressive des moyens. Le nombre moyen d'élèves par division (E/D) dans les collèges de l'éducation prioritaire du département de l'Isère est de 23,1, soit un taux un peu plus favorable que le E/D national pour les collèges de l'éducation prioritaire (23,2). Dans les faits, les moyennes des établissements les plus fragiles sont plus favorables : 21,9 pour le collège Jean Vilar d'Echirolles (REP+), 22,8 pour le collège Lucie Aubrac de Grenoble (REP+). Ces seuils abaissés permettent un taux d'encadrement favorable pour des élèves qui demeurent en besoin d'accompagnement dans leurs apprentissages. Ils conduisent également à des dotations supérieures aux autres établissements, puisque plus de classes sont financées pour un même nombre d'élèves. Les demandes exprimées par plusieurs établissements isérois mobilisés suite à la notification de leur dotation, portent sur les marges de manœuvre laissées aux établissements, qui permettent de réaliser des projets en dehors de la classe et des programmes nationaux. Chaque collège dispose effectivement de la dotation horaire supplémentaire de 3 heures hebdomadaires par division pour l'année scolaire 2023-2024, ainsi que de financements complémentaires pour certains dispositifs inscrits à la carte des formations, comme la section internationale implantée au sein du collège Lucie Aubrac (12 heures accordées en dotation initiale), par exemple. Si ces marges peuvent être en légère diminution dans certains établissements, leurs montants permettent cependant de conserver l'ensemble des dispositifs financés les années précédentes, tels que les classes à horaires aménagés, l'accompagnement personnalisé ou encore le travail sur la fluence. Pour ce qui est du traitement des dérogations à la carte scolaire, celui-ci fait l'objet d'un travail dans une temporalité différente de celui du processus global de rentrée, et n'influe en aucun cas sur le calibrage des moyens de l'établissement. Conformément à l'article D. 211-11 du code de l'éducation et dans la limite des places restant disponibles après l'inscription des élèves résidant dans la zone normale de desserte de chaque collège, le directeur académique des services de l'éducation nationale examine les demandes émanant d'élèves ne résidant pas dans la zone du collège concerné, en tenant compte de situations particulières (handicap, recommandation médicale, boursier, parcours particulier…). Une attention spécifique est portée dans le cadre de ce processus au collège Lucie Aubrac. De plus, il est à noter qu'un poste de professeur des écoles « objectif 6ème » a été octroyé à chaque collège REP+ pour assurer des apprentissages plus continus au sein du cycle 3. En outre, la dotation « Devoirs faits » est nettement supérieure dans les collèges de l'éducation prioritaire et l'encadrement de la vie scolaire y est renforcé.

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