Question de M. JOYANDET Alain (Haute-Saône - Les Républicains) publiée le 09/03/2023

Question posée en séance publique le 08/03/2023

M. le président. La parole est à M. Alain Joyandet, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Alain Joyandet. Madame la Première ministre, la France, libératrice du Mali, est chassée d'Afrique – Centrafrique, Burkina Faso, etc. – presque sans préavis.

La France, grande puissance diplomatique dont le langage doit être normalement universel et qui se doit de parler à tout le monde, se fâche avec ses partenaires. Nous avons même réussi à nous fâcher simultanément – il faut le faire ! – avec le Maroc et l'Algérie !

L'échec diplomatique est cuisant, et il est dramatique pour l'avenir. Je comptais vous demander quelle était votre politique pour l'Afrique, mais le Président de la République a déclaré le 27 février dernier : « Il n'y a plus de politique africaine de la France. » Est-ce vrai ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)


Réponse du Ministère de l'Europe et des affaires étrangères publiée le 09/03/2023

Réponse apportée en séance publique le 08/03/2023

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'Europe et des affaires étrangères.

Mme Catherine Colonna, ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je connais, monsieur Joyandet, votre intérêt pour l'Afrique. Or, depuis quelque temps, voyez-vous, l'Afrique a changé, la France aussi. (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jacques Grosperrin. Les ministres aussi, on en changera bientôt !

Mme Catherine Colonna, ministre. L'Afrique a changé depuis un certain temps, mais je suis sûre que l'ancien secrétaire d'État que vous êtes s'en est aperçu…

L'Afrique est, pour les décennies qui viennent, une terre de croissance, d'opportunités et de création. Le Président de la République a pu le constater, par exemple, lors de son déplacement la semaine dernière auprès des entrepreneurs et des artistes réunis à l'institut français de Kinshasa.

De plus, l'Afrique a changé, monsieur le sénateur, parce qu'elle n'entend plus se faire dicter par l'extérieur ce qui est bon pour elle. Les pays africains défendent leurs intérêts, avec raison, comme nous le faisons tous.

La France aussi a changé. Nous voulons sortir des visions datées. L'Afrique, ou plutôt les pays africains – vous le savez, il y a plusieurs Afrique –, ne sont pas spectateurs d'une concurrence entre puissances. Nous avons sur ce continent des partenaires et des défis communs, mais également des atouts à faire valoir : nos liens humains, nos diasporas, nos entrepreneurs, nos universités, nos réseaux culturels et le dynamisme de nos jeunesses.

La France a aussi changé parce qu'elle met en place des outils pour développer ces nouveaux partenariats. Nous savons qu'il nous faut lutter davantage contre la désinformation et les manipulations de l'information. Nous savons également quelles forces sont à l'œuvre, avançant leur stratégie qui n'est certainement pas en faveur de la paix, ni de la stabilité, ni de la prospérité des pays considérés.

En additionnant toutes nos actions, nous resterons un partenaire actif de ce continent, dans notre intérêt, dans celui de nos peuples et dans l'intérêt de l'Europe également.

M. Jacques Grosperrin. Laborieux !

M. le président. La parole est à M. Alain Joyandet, pour la réplique.

M. Alain Joyandet. Si les choses ont changé, la France doit reprendre son destin en main, en Afrique comme ailleurs. Nous refusons, à la suite de la déclaration franco-américaine de novembre 2022, un éventuel copilotage de nos bases en Afrique avec nos alliés des États-Unis d'Amérique. La France est suffisamment grande pour développer seule une vraie politique en Afrique.

Madame la ministre, vous avez des moyens à votre disposition. Vous savez que nous disposons de bases prépositionnées en Afrique. Les accords sur ces bases ont été renégociés en 2010 ; ils sont vivants et utiles. Inutile de vouloir tout casser ! Les déclarations que nous avons entendues sont particulièrement inquiétantes.

Vous avez un corps diplomatique qu'il faudrait protéger et non casser. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi que sur des travées du groupe SER. – Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit également.) Il est exceptionnel ! Avec ce corps, nous avons défini une ligne claire et intelligente pour l'Afrique : ni ingérence ni dédain. Nous ne laisserons pas tomber les pays du continent, mais, en même temps, nous ne sommes pas des colonialistes. Nous devons combattre cette idée : le Président de la République ne doit pas laisser dire que la France est un État néocolonialiste. (Mme Catherine Conconne s'exclame.) Il y va de l'honneur de la France et de notre image : nous ne devons plus être humiliés.

M. le président. Il faut conclure.

M. Alain Joyandet. Sur tous ces sujets, madame la ministre, le Sénat peut vous aider, notamment la commission des affaires étrangères et son président, Christian Cambon.

M. le président. Il faut conclure !

M. Alain Joyandet. Nous vous demandons un débat parlementaire. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et SER. – Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit également.)

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