Question de M. GONTARD Guillaume (Isère - GEST) publiée le 23/03/2023

Question posée en séance publique le 22/03/2023

M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER.)

M. Guillaume Gontard. Ma question s'adresse à Mme la Première ministre.

Le prince-président (Exclamations sur les travées du groupe RDPI.) nous a gratifiés à l'heure méridienne de sa bonne parole.

Totalement hors-sol, il a annoncé continuer à avancer à marche forcée.

Totalement hors-sol, il a osé comparer l'un des plus grands mouvements populaires de notre histoire à la sédition factieuse des suprémacistes blancs envahissant le Capitole.

Totalement hors-sol, il a insulté les manifestantes et les manifestants, sans avoir un mot pour condamner les exactions de la police (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.), qui, sous vos ordres, tabasse, nasse, jette des grenades en pleine tête, roule à moto sur les gens, intimide et arrête n'importe qui, n'importe quand, sous le regard alarmé du Défenseur des droits. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)

Totalement hors-sol et plus à une incohérence près, il a tout de même reconnu que cette réforme était brutale et, surtout, qu'elle ne s'intéressait ni à la réalité du travail, ni à la pénibilité, ni aux fins de carrière, ni aux reconversions.

Madame la Première ministre, avec gravité, avec inquiétude, nous vous le demandons solennellement : revenez à la réalité et retirez cette réforme avant d'avoir un drame sur la conscience. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER. – Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

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Réponse du Première ministre publiée le 23/03/2023

Réponse apportée en séance publique le 22/03/2023

M. le président. La parole est à Mme la Première ministre.

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Monsieur Guillaume Gontard, après des semaines où l'on a pu voir beaucoup de postures, il est temps de rappeler quelques vérités. (Exclamations sur les travées du groupe GEST.)

Oui, cette réforme est nécessaire pour assurer l'avenir de nos retraites. (Exclamations sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE.)

M. Hussein Bourgi. N'importe quoi !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Sans elle, les déficits s'accumuleraient et nous serions contraints à des hausses d'impôts ou à des baisses de pensions, au détriment des plus modestes et des classes moyennes.

Oui, cette réforme a fait l'objet de concertations intenses. (Exclamations ironiques sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE.) Depuis l'automne dernier, le ministre du travail Olivier Dussopt et moi-même avons rencontré les organisations syndicales et patronales et les groupes parlementaires à de nombreuses reprises. Le projet a d'ailleurs considérablement évolué grâce à ces concertations.

M. Hussein Bourgi. Grâce à M. Retailleau !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Oui, cette réforme est le fruit d'un débat parlementaire long et dense : il a donné lieu à plus de 175 heures de débats en séance et un accord a été trouvé en commission mixte paritaire.

Oui, le compromis fonctionne. Nous avons travaillé ensemble, bâti un projet qui reprend des propositions que la majorité sénatoriale prônait parfois depuis longtemps, mais aussi des idées qui n'étaient pas les vôtres, issues de l'Assemblée nationale. Ce projet, vous l'avez adopté par deux fois à une large majorité. (Protestations sur les travées du groupe CRCE.)

M. David Assouline. C'est la méthode Coué !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. À cet égard, je tiens à saluer les membres de la majorité sénatoriale et ceux qui soutiennent l'action du Président de la République pour leur engagement au service de notre modèle social. (Exclamations sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE.)

Enfin, oui, nous avons respecté l'esprit et la lettre de la Constitution et nous sommes arrivés au terme du cheminement parlementaire de cette réforme.

En revanche, non, on ne peut pas brader l'intérêt général…

Mme Cécile Cukierman. C'est pourtant ce que vous faites !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. … par démagogie ou par peur de l'impopularité.

Non, les violences ne sont pas excusables et je veux rendre hommage à nos policiers et à nos gendarmes pour leur engagement au service de l'ordre républicain. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, UC et Les Républicains.)

Monsieur Gontard, comme l'a dit le Président de la République tout à l'heure, nous entendons les doutes et les colères qui s'expriment dans les mouvements sociaux… (Exclamations sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE.)

Mme Cécile Cukierman et M. Fabien Gay. Non, vous n'entendez pas !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. … et qui dépassent largement la question des retraites. Je pense à cette demande de justice : nous devons veiller à ce que les travailleurs bénéficient davantage des profits exceptionnels de certaines entreprises. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)

Mme Cécile Cukierman. En taxant les superprofits ?

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Je pense aux attentes de nos concitoyens dans leur rapport au travail, à notre capacité à prévenir l'usure professionnelle et à offrir des perspectives de carrière à chacun.

Mme Éliane Assassi. En les faisant travailler deux ans de plus ?

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Nous devons continuer sur le chemin de la réindustrialisation et du plein emploi, car ils permettront d'assurer notre souveraineté et l'avenir de notre modèle social.

Nous devons veiller à l'ordre républicain en prévoyant des moyens supplémentaires pour nos forces de l'ordre et notre justice. Nous devons permettre à nos compatriotes de vivre mieux en prenant des décisions aux effets sensibles et rapides, en travaillant avec nos collectivités sur la santé, sur l'éducation et sur la transition écologique. (Exclamations sur les travées du groupe CRCE.)

Ce cap fixé, le Président de la République m'a chargée d'engager un travail avec tous les parlementaires qui veulent agir pour notre pays. Nous en sommes capables, nous l'avons montré encore récemment en bâtissant des majorités de projet, comme sur la loi relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables ou encore hier, à l'Assemblée nationale, sur le nucléaire.

Monsieur Gontard, dans des périodes d'inquiétude, l'immobilisme n'est jamais la solution. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour la réplique.

M. Guillaume Gontard. Madame la Première ministre, sortez de votre posture, de votre déni, et revenez à la réalité !

Je vous pensais plus lucide que le Président de la République. Même les ressorts autoritaires de nos Constitutions d'un autre temps sont brisés. Vous ne pouvez pas gouverner en technocrate de palais contre le peuple.

Nous sommes entrés cette semaine dans un de ces moments récurrents de notre histoire où le fleuve de la colère populaire est sorti de son lit. Seul le pouvoir exécutif peut en tarir la source et rétablir le calme.

Retirez votre réforme et remettez tout à plat – le travail, la retraite –, comme l'a lui-même annoncé le Président de la République tout à l'heure. Tant que vous y êtes, lancez aussi la refonte de nos institutions anachroniques pour que les mots du Président de la République – « J'ai le sens de la démocratie. » – ne soient pas un énième mensonge, une énième provocation. Vous n'avez de toute façon plus de majorité pour faire autre chose. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE.)

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