Question de M. DÉTRAIGNE Yves (Marne - UC) publiée le 02/03/2023

M. Yves Détraigne souhaite appeler l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur la situation difficile dans laquelle se trouve le monde agricole.
En effet, alors que le Gouvernement prône jusque dans l'intitulé de son portefeuille ministériel, la nécessaire souveraineté alimentaire de notre pays, les obstacles s'accumulent pourtant sur le toit des exploitations agricoles. La fin de la dérogation de l'utilisation des néonicotinoïdes et l'interdiction du S-métolachlore en sont les deux derniers épisodes. Mais il est possible d'évoquer les nouveaux règlements techniques imposés à la filière « fruits et légumes », les législations hors sol en matière viticole ou encore la signature d'accords de libre-échange qui portent atteinte à la production française…
À chaque fois, les contraintes réglementaires franco-françaises viennent saper la compétitivité de nos producteurs. Et, outre, la multiplicité des démarches administratives à réaliser tout au long de l'année, notre pays se caractérise par un environnement réglementaire reconnu comme le plus strict du monde.
Comme l'indique le récent apport d'information sénatoriale sur la compétitivité de la ferme France, seuls 68 % des substances actives autorisées et utilisées en Europe peuvent être épandues en France. Cela signifie qu'au sein de l'Union européenne, les agriculteurs français ne peuvent utiliser les mêmes substances que leurs voisins, sans que cela n'ait la moindre conséquence sur les produits agricoles qu'ils peuvent vendre en France…
Résultat, notre pays est l'un des seuls grands pays agricoles dont les parts de marché reculent – en 20 ans, nous sommes passés de deuxième à cinquième exportateur mondial – et en parallèle, les importations alimentaires en France ont doublé depuis 2000 et représentent parfois plus de la moitié des denrées consommées en France dans certaines familles.
Or, ces produits importés sont loin d'être vertueux. D'une part, de nombreux pays sont nettement moins précautionneux en termes de règlementation sanitaire et laissent leurs agriculteurs libres d'utiliser des traitements qui sont interdits sur notre sol… D'autre part, ni la balance commerciale de notre pays, ni notre bilan carbone ne peuvent se réjouir de ces choix…
Il est grand temps d'en finir avec « ces surtranspositions » qui viennent contraindre notre modèle agricole : agriculteurs, acteurs de l'agroalimentaire, du secteur de l'alimentation, du secteur forestier, de l'enseignement agricole, organisations professionnelles agricoles, chambres d'agriculture, représentants des différentes filières, associations et ceux qui les accompagnent dans leur quotidien.
Par conséquent, il lui demande de quelle manière il entend oeuvrer, en concertation avec le monde agricole, pour tendre à une réelle souveraineté alimentaire.

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Réponse du Ministère auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme publiée le 22/03/2023

Réponse apportée en séance publique le 21/03/2023

M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne, auteur de la question n° 481, adressée à M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.

M. Yves Détraigne. Madame la ministre, je souhaite attirer votre attention sur les obstacles qui s'amoncellent pour nos exploitations agricoles : fin de la dérogation pour les néonicotinoïdes, interdiction du S-métolachlore, nouveau règlement imposé à la filière fruits et légumes, législation hors-sol en matière viticole, ou encore signature d'accords de libre-échange portant atteinte à notre production…

À chaque fois, ce sont les contraintes réglementaires franco-françaises qui viennent saper la compétitivité de nos producteurs. Un simple exemple suffit à le montrer : seulement 68 % des substances actives autorisées et utilisées en Europe peuvent être épandues en France, sans que l'on comprenne pourquoi. Résultat, notre pays est l'un des seuls grands pays agricoles dont les parts de marché reculent et dont les importations alimentaires ont doublé depuis 2000.

Or ces produits importés sont loin d'être vertueux. Les autres pays sont nettement moins précautionneux en matière de réglementation sanitaire et laissent leurs agriculteurs utiliser librement des traitements qui sont interdits sur notre sol. Ni notre balance commerciale ni notre bilan carbone ne nous permettent de nous réjouir de ce choix.

Aussi, madame la ministre, pour tendre vers une réelle souveraineté alimentaire, quand en finirons-nous avec ces surtranspositions qui viennent contraindre et pénaliser l'ensemble de notre modèle agricole ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme. Monsieur le sénateur Détraigne, après avoir répondu à la question du sénateur Darnaud, j'essaierai, même si c'est un défi, de répondre à celle, tout aussi technique, que vous me posez en matière de surtransposition.

Votre question porte sur de nombreux thèmes et, dans les deux minutes qui me sont imparties, je ne pourrai que rappeler deux ou trois faits.

Le nombre total de substances approuvées par l'Union européenne est stable depuis de nombreuses années : 453 substances sont concernées, parmi lesquelles 294 relèvent d'une autorisation de produit mis sur le marché en France, notre pays étant l'un de ceux, en Europe, où le nombre de substances autorisées est le plus important.

Seules 7 substances ont été interdites au niveau national : 5 néonicotinoïdes en 2016 et 2 substances ayant un mode d'action identique. Depuis lors, 4 de ces substances ont également été interdites à l'échelle européenne et une cinquième est interdite en usage extérieur. Ces chiffres montrent que l'approche en termes de surtransposition doit être relativisée.

En revanche, monsieur le sénateur Détraigne, vous avez parfaitement raison de le souligner, il y a un enjeu majeur à changer d'approche et de stratégie. C'est tout l'objet de la planification écologique voulue par la Première ministre.

Plusieurs principes guident cette action : elle doit être menée à l'échelle européenne pour éviter les distorsions de concurrence sur le marché commun ; il faut prévoir un soutien à la recherche et à l'innovation pour sortir des impasses et, surtout, trouver des solutions de rechange viables et opérationnelles ; enfin, cette action doit se faire dans la concertation avec les parties prenantes et l'ensemble des agences publiques, qu'il s'agisse des instituts de recherche ou des entreprises privées du monde agricole, pour identifier les impasses et trouver une palette de solutions permettant d'en sortir.

Depuis 2017, nous avons posé des principes fondamentaux dans le cadre des lois dites Égalim, c'est-à-dire pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, avec la réciprocité des normes dans les accords commerciaux et avec la préservation de l'accès à l'eau et la protection face aux effets du changement climatique, dans le cadre du Varenne de l'eau.

Nous poursuivrons ces efforts et cette méthode en posant un nouveau jalon essentiel pour l'avenir de notre agriculture, grâce au pacte et à loi d'orientation et d'avenir agricoles que portera mon collègue Marc Fesneau dans les prochains mois.

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