Question de M. BLANC Jean-Baptiste (Vaucluse - Les Républicains) publiée le 16/03/2023

M. Jean Baptiste Blanc attire l'attention de M. le ministre de la santé et de la prévention sur la situation de l'hôpital de Carpentras.
À Carpentras, en Vaucluse, l'hôpital, ou plutôt la partie service public du « pôle santé public privé », va devoir fermer la nuit, compte tenu de l'application de la loi n° 2021-502 du 26 avril 2021 visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification, le 3 avril 2023 et peut être même définitivement deux de ses unités : les urgences et la maternité.
L'intensification, ces dernières années, du recours à l'intérim médical ont conduit à une surenchère en matière de rémunération. Outre l'impact financier majeur dans les budgets des établissements, il s'avère que les plannings de garde sont aujourd'hui très dépendants de ces médecins (ils représentent 40 % des praticiens à Carpentras). Ces derniers ne souhaitant pas poursuivre leurs missions aux tarifs imposés, soit 1170 euros brut par mission de 24 heures et préférant se diriger vers les établissements privés, les hôpitaux se retrouvent à 15 jours de l'application de la loi n° 2021-502 dans une situation insoluble. Faire un planning était déjà un casse tête, le faire en avril sans intérimaire est mission impossible pour les chefs de service. Tous les services : service d'accueil des urgences et structures mobiles d'urgence et de réanimation (SMUR), gynéco obstétrique, anesthésie-réanimation, pédiatrie, médecine, gériatrie sont désorganisés.
À ce jour, les habitants du Comtat Venaissin, soit environ 90 000 personnes hors saison touristique (200 000 en été), seront systématiquement dirigés vers l'établissement centre : Avignon… déjà submergé.
Aujourd'hui, c'est Carpentras qui est fortement impacté mais qu'en sera-t-il demain de Cavaillon, Apt ou bien encore Vaison ?
L'agence régionale de santé du Vaucluse se dit pleinement mobilisée pour éviter ce scénario catastrophe mais quels sont réellement ses moyens pour agir demain ?
L'heure n'est plus aux discussions autour de la revalorisation des salaires des praticiens hospitaliers qui aurait dû être faite il y a bien longtemps, l'heure n'est plus à discuter autour du numerus clausus. Il faut trouver des médecins et ce, avant le 3 avril !
Aujourd'hui, c'est toute l'offre de soins en Vaucluse, où ces hôpitaux de proximité jouent un rôle primordial, qui est désorganisée par la mise en oeuvre de la loi n° 2021-502. La proximité constitue pourtant un enjeu majeur d'efficacité de la médecine d'urgence, avec la connaissance du terrain et des acteurs concernés – gage de chance pour les patients.
Les praticiens hospitaliers, les infirmiers, les pompiers, les médecins, les Carpentrassiens, et bien au-delà les Vauclusiens, attendent des garanties de l'État. Il lui demande si, le 3 avril au soir, chaque Vauclusien aura-t-il encore accès à un service d'urgence en moins de 30 minutes.

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Réponse du Ministère auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargé de l'organisation territoriale et des professions de santé publiée le 22/03/2023

Réponse apportée en séance publique le 21/03/2023

M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Blanc, auteur de la question n° 513, adressée à M. le ministre de la santé et de la prévention.

M. Jean-Baptiste Blanc. À Carpentras, dans le Vaucluse, la partie service public du pôle santé public-privé va devoir fermer la nuit dès le 3 avril prochain, et peut-être définitivement, deux de ses unités, les urgences et la maternité, en raison de l'application de la loi du 26 avril 2021 visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification, dite loi Rist.

L'intensification, ces dernières années, du recours à l'intérim médical a conduit à une surenchère en matière de rémunération. Outre l'impact financier dans les budgets des établissements de ce système, les plannings de garde sont aujourd'hui très dépendants de ces médecins. À Carpentras, ceux-ci représentent 40 % des praticiens et un quart des contrats, et ne souhaitent pas poursuivre leur mission au tarif imposé de 1 170 euros brut par mission de vingt-quatre heures, préférant se diriger vers les établissements privés.

Les hôpitaux se retrouvent donc, à quinze jours de l'application de la loi Rist, dans une situation insoluble. Monter un planning était déjà un casse-tête avant cette fermeture, mais le faire en avril, sans intérimaire, est une mission impossible pour les chefs de service. Tous les services – accueil des urgences et service mobile d'urgence et de réanimation (Smur), gynéco-obstétrique, anesthésie-réanimation, pédiatrie, médecine et gériatrie – sont désorganisés.

À ce jour, les habitants du Comtat Venaissin, 90 000 personnes hors saison touristique, 200 000 en été, sont systématiquement dirigés vers le centre hospitalier d'Avignon, qui est déjà submergé.

Aujourd'hui, c'est Carpentras qui est fortement impacté, mais qu'en sera-t-il demain à Cavaillon, à Apt, à Orange ou à Vaison-la-Romaine ? L'ARS se dit pleinement mobilisée pour éviter un scénario catastrophe, mais quels sont ses moyens pour agir à court terme ?

L'heure n'est plus aux discussions autour de la revalorisation des salaires des praticiens hospitaliers, qui aurait dû être réalisée il y a bien longtemps, non plus qu'aux débats sur le numerus clausus : il faut trouver des médecins avant le 3 avril.

Toute l'offre de soins dans le Vaucluse, où ces hôpitaux de proximité jouent un rôle primordial, est désorganisée par la mise en oeuvre de la loi Rist. La proximité constitue pourtant un enjeu majeur d'efficacité de la médecine d'urgence, avec la connaissance du terrain et des acteurs concernés, gage de chance pour les patients.

Madame la ministre, les praticiens hospitaliers, les infirmiers, les pompiers, les médecins, les Carpentrassiens, tout simplement, et, au-delà, les Vauclusiens, attendent des garanties de l'État. Le 3 avril au soir, chaque Vauclusien aura-t-il encore accès à un service d'urgence en moins de trente minutes de chez lui ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé. Monsieur le sénateur, vous évoquez les dispositions relatives à la régulation de l'intérim.

Concernant l'application de la loi Rist, garantir à chacun de nos concitoyens des soins adaptés et accessibles localement constitue une priorité pour le ministère de la santé. Notre politique vise à lutter non pas contre l'intérim, qui peut parfois apporter une solution à certaines situations de tension conjoncturelle en ressources humaines, mais contre ses dérives, qui mettent en péril l'équilibre de notre système de santé.

Ce système représente un poids financier majeur pour l'hôpital public, avec certaines rémunérations pouvant atteindre 6 000 euros pour vingt-quatre heures. Nous n'acceptons pas que l'argent des Français serve à entretenir ce type d'abus, qui correspondent à autant de moyens en moins pour revaloriser les carrières hospitalières. Ces situations engendrent une profonde iniquité vis-à-vis des praticiens qui s'investissent durablement à l'hôpital.

La loi prévoit déjà depuis 2016 un plafonnement des rémunérations à 1 170 euros brut par vingt-quatre heures, mais elle n'est pas appliquée, et les infractions n'ont cessé de se développer. La loi Rist prévoit donc la mise en place de contrôles pour la faire respecter.

Plusieurs fois reportée, l'échéance retenue pour le démarrage de ce dispositif est le 3 avril 2023. Il est de la responsabilité du ministère de la santé et de la prévention de faire appliquer la loi votée par les représentants de la Nation et d'oeuvrer à la reconstitution des collectifs de travail dans les hôpitaux.

Face aux difficultés transitoires que nous avons anticipées, les ARS travaillent avec le réseau des finances publiques et les établissements pour mobiliser tous les acteurs, publics comme privés, afin de maintenir la continuité des soins. Des solutions alternatives sont étudiées au cas par cas dans chaque territoire, en fonction du contexte local, dans une logique de solidarité territoriale.

Les collectivités et les élus locaux sont des maillons essentiels de la réussite des politiques de santé. Une organisation dédiée a ainsi été mise en place au sein du ministère pour identifier les situations particulièrement signalées par les élus. Nous étudierons, en lien avec les ARS et leurs délégations territoriales, toutes les situations de blocage qui nécessitent une attention ou une intervention particulière.

Pour Carpentras, depuis plusieurs années, le centre hospitalier fait appel à des vacations médicales pour compléter les tableaux de garde et assurer la continuité des activités d'urgences, de maternité, mais également de médecine.

La mise en oeuvre de la loi Rist constitue un changement important, qui impose de revoir les rémunérations des médecins vacataires. Le centre hospitalier met déjà régulièrement en oeuvre des plans de continuité des activités lors de certaines périodes de tension, notamment durant les congés d'été et de fin d'année.

Des leviers en termes de ressources humaines vont être mobilisés, par autorisation du directeur général de l'ARS : augmentation de la prime de solidarité territoriale et recours à l'emploi contractuel au titre de difficultés particulières de recrutement ou d'exercice pour une activité nécessaire à l'offre pour les territoires. Enfin, des adaptations organisationnelles devront être envisagées.

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