Question de M. THÉOPHILE Dominique (Guadeloupe - RDPI) publiée le 30/03/2023

M. Dominique Théophile interroge M. le ministre de la santé et de la prévention sur le dépistage des cancers de la prostate et du sein aux Antilles. Chez les hommes, il existe un lien direct entre la contamination des sols, de l'alimentation et des eaux par le chlordécone et l'apparition du cancer de la prostate. En Guadeloupe et en Martinique, les taux d'incidence de cette maladie sont les plus élevés au monde. Si le cancer de la prostate lié à une surexposition au chlordécone figure désormais au tableau des maladies professionnelles, un dépistage organisé chez les hommes de plus de quarante-cinq ans semble aujourd'hui nécessaire, à l'instar du programme national de dépistage du cancer colorectal. Si le lien entre la surexposition au chlordécone et le cancer du sein n'est pas établi chez les femmes, il n'en demeure pas moins que la précocité de l'incidence plaide en faveur de l'élargissement du dépistage organisé aux femmes de moins de cinquante ans. Aussi, il lui demande si de telles propositions sont aujourd'hui à l'étude.

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Réponse du Ministère auprès du ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées, chargé des personnes handicapées publiée le 14/04/2023

Réponse apportée en séance publique le 13/04/2023

M. le président. La parole est à M. Dominique Théophile, auteur de la question n° 546, adressée à M. le ministre de la santé et de la prévention.

M. Dominique Théophile. Ma question s'adresse à M. le ministre de la santé et de la prévention.

Madame la ministre, le 5 janvier dernier, le tribunal de grande instance de Paris a prononcé un non-lieu dans l'enquête sur l'utilisation du chlordécone aux Antilles. Près de seize années de procédure n'auront pas suffi à établir clairement les faits et à condamner les responsables de ce scandale sanitaire.

Au-delà des procédures judiciaires, il est établi que cet insecticide a contaminé les sols, les eaux, les cultures, les productions animales et, plus grave encore, les corps.

Selon Santé publique France, plus de 90 % de la population adulte de Guadeloupe et de Martinique serait contaminée. Les conséquences sont terribles. Le lien entre le cancer de la prostate et une surexposition au chlordécone a été récemment établi. Les Antilles détiennent, vous le savez, le triste record mondial d'une incidence plus de deux fois supérieure à la moyenne de l'Hexagone.

Les femmes, elles aussi, pourraient ne pas être épargnées. Si le lien entre le cancer du sein et cette molécule n'est pas formellement établi, il n'en demeure pas moins que son apparition précoce suscite des interrogations. En Guadeloupe, près de 20 % des cancers du sein sont diagnostiqués chez les femmes âgées de moins de 50 ans.

Face à ce constat, on peut dégager deux pistes. Pour les hommes de plus de 45 ans, organiser un dépistage, à l'instar du programme national de dépistage du cancer colorectal, aurait pour effet de stimuler la démarche de prévention et permettrait de mieux recourir à d'autres examens.

Pour les femmes, il conviendrait d'abaisser l'âge cible du dépistage organisé du cancer du sein pour offrir aux Guadeloupéennes et aux Martiniquaises les mêmes chances que dans l'Hexagone.

Madame la ministre, je serais heureux de connaître la position du Gouvernement sur ces différentes propositions. Le plan chlordécone IV est ambitieux et je m'y associe pleinement. Il nous faut cependant aller beaucoup plus loin.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées, chargée des personnes handicapées. Monsieur le sénateur, les conséquences sanitaires liées à l'utilisation du chlordécone sont un sujet de préoccupation constant pour le ministre de la santé.

C'est pourquoi, compte tenu de la surincidence du cancer de la prostate observée en Guadeloupe et en Martinique, des actions renforcées de sensibilisation des populations et des professionnels ont été mises en place. Ainsi, le centre régional de coordination des dépistages des cancers de la Guadeloupe (CRCDC) anime des séances d'information et de sensibilisation au dépistage dans les communes et au sein des quartiers les plus défavorisés et éloignés, où la présence des soignants est plus faible, dans une logique de proximité.

Ces séances, organisées en lien étroit avec les maires et les professionnels de santé du territoire, rassemblent de plus en plus de personnes. C'est important de le dire.

De plus, le cancer de la prostate est reconnu depuis 2021 comme l'une des maladies professionnelles pouvant être liées à une exposition aux pesticides, dont le chlordécone.

Les premières indemnisations de victimes commencent à être versées aux Antilles et nombre de mesures sont engagées pour réduire l'exposition de la population, mais nous devons continuer à faire mieux, notamment dans la mise en oeuvre des rendez-vous de prévention, qui vont être mis en place pour la population générale. Ce sera un moment véritablement important pour porter dans les Antilles ces actions de prévention contre les risques liés au chlordécone.

Les rendez-vous de prévention pour les personnes âgées de 40-45 ans et de 60-65 ans permettront véritablement d'aborder avec les patients, dans les territoires concernés, la question des dépistages des cancers de la prostate et du sein.

Lors du premier comité de suivi de la stratégie décennale de lutte contre le cancer 2021-2030, qui s'est tenu en décembre dernier, l'importance de la prévention et des dépistages a été rappelée.

Nous allons renforcer la recherche en matière de dépistage pour réexaminer la question des bornes d'âge des dépistages organisés et formuler des recommandations pour les personnes qui ne seraient pas concernées.

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