Question de M. CHARON Pierre (Paris - Les Républicains) publiée le 02/03/2023

M. Pierre Charon attire l'attention de Mme la Première ministre sur le référé de la Cour des comptes relatif à l'aide publique au développement (APD) dans le domaine de la santé et la présence de la France dans les organisations internationales en santé.
En France, les acteurs intervenant en faveur de la santé mondiale sont nombreux. Or, selon la Cour « cette multiplicité n'est pas tempérée par de solides mécanismes de coordination, ce qui nuit à l'élaboration et à la promotion de positions communes. »
Pour la Cour, une restructuration des groupes de travail en santé mondiale s'impose. Elle devrait s'accompagner d'un rapprochement méthodique entre tous les acteurs français, qu'ils soient diplomates, chercheurs ou médecins afin de créer une « osmose » entre elles, à l'image des pratiques en vigueur au Royaume-Uni, aux États-Unis et en Allemagne. Des échanges plus nourris avec les industries pharmaceutiques seraient également bénéfiques.
En outre, les magistrats demandent d'engager une réflexion sur un rééquilibrage financier entre aides multilatérales et bilatérales de l'APD en santé.
L'APD en santé a représenté 5,8 Mds€ sur la période 2014-2019, soit un peu plus de 8 % de l'APD totale de la France dont 80 % en direction des fonds multilatéraux.
La Cour demande de renforcer le suivi financier de l'utilisation de la contribution française au sein des trois fonds multilatéraux en santé : fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, Unitaid chargée d'achats de médicaments, GAVI pour l'accès aux vaccins.
En effet, la Cour regrette que la France ne se soit pas encore dotée des instruments qui lui permettraient de s'assurer que ses financements atteignent tous leurs objectifs, notamment s'agissant des fonds multilatéraux « dont la transparence et le contrôle apparaissent relativement faibles ». La France doit, à l'instar des États-Unis, du Royaume-Uni, de l'Allemagne ou de certaines fondations privées américaines, assurer un suivi plus rigoureux de l'utilisation des fonds investis dans la santé mondiale.
La Cour regrette que la France, contrairement aux pays les plus influents dans ce domaine (États-Unis, Royaume-Uni, Canada, Allemagne, Suisse), ne dispose pas d'institut en santé mondiale. Elle demande que la politique de placement de personnels de haut niveau à des postes de responsabilités dans les organisations internationales spécialisées en santé soit renforcée, dans la durée, pour favoriser des candidatures de haut niveau, chez les diplomates comme chez les scientifiques.
Il lui demande ses intentions pour répondre aux observations et recommandations de la Cour des comptes.

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Transmise au Ministère de l'Europe et des affaires étrangères


Réponse du Ministère de l'Europe et des affaires étrangères publiée le 03/08/2023

Le pilotage de l'action de la France en santé mondiale a vu son caractère interministériel renforcé afin de prendre en compte les enjeux de la santé mondiale dans l'ère post-Covid. Cet effort de cohérence et de gouvernance se traduit de plusieurs manières concrètes dans l'action de l'État : - la réunion hebdomadaire, depuis 2021, d'une « task force santé mondiale » sous l'égide du ministère de l'Europe et des affaires étrangères (MEAE) et, de façon non exclusive, de task forces interministérielles plus spécifiques (Académie de l'OMS, dons de doses, etc.) ; - le renforcement du rôle de coordination interministérielle de l'ambassadrice pour la santé mondiale, avec la nomination, à l'automne 2022, d'Anne-Claire Amprou ; - la mise en place, en avril 2023, d'une délégation interministérielle pour préparer et suivre la négociation de l'accord international sur la prévention, la préparation et la riposte face aux pandémies, dirigée par l'ambassadrice pour la santé mondiale ; - le renouvellement en cours de la stratégie française en santé mondiale pour la période 2023-2027 a associé dans son élaboration l'ensemble des acteurs français de la santé mondiale : administrations, entreprises, organismes de recherche et société civile (y compris secteur privé). Nos contributions importantes dans les organisations et fonds multilatéraux (Fonds mondial, Unitaid, Gavi, l'Alliance du vaccin et, depuis 2023, Fonds pandémies) octroient à la France une réelle influence sur les orientations stratégiques des grands acteurs en santé mondiale. Le choix du véhicule multilatéral est justifié par la recherche d'impact maximal au bénéfice des populations d'une part, et l'objectif d'influence sur les grandes orientations stratégiques de ces fonds d'autre part. La France contribue, depuis cette année, au nouveau Fonds pandémies, auprès de la Banque mondiale, à hauteur de 50 millions d'euros répartis sur 2023-2025. Ce fonds a vocation à financer des actions de prévention et de préparations aux pandémies. Depuis le 1er juin 2023, la France y est à la tête d'une circonscription européenne, avec les Pays-Bas et bientôt l'Espagne, ce qui lui permet de faire entendre sa voix au sein du Conseil d'administration du fonds. Près de 20 % des subventions allouées à l'Agence française de développement (AFD) par le MEAE ont par ailleurs bénéficié à la santé mondiale entre 2020 et 2021 et 7 % de l'activité totale de l'AFD y a été dédiée en 2021. Le 21 septembre 2022, le Président de la République a décidé d'allouer à l'Initiative, programme bilatéral d'assistance technique mis en oeuvre par Expertise France, 20 % (au lieu de 9) de la contribution française au Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, soit 319 millions d'euros sur les 3 prochaines années pris sur le programme 209 géré par le MEAE. Cette décision marque une inflexion favorable à l'aide bilatérale en santé. Le choix du véhicule multilatéral pour financer notre action en santé mondiale, qui passe en grande partie via le Fonds de solidarité pour le développement (revenus issus de la taxe sur les billets d'avion et de la taxe sur les transactions financières) ne se substitue pas à l'action bilatérale, mais vise, au contraire, à l'optimiser à l'aide d'une articulation vertueuse : - tout comme l'AFD avec le Fonds mondial depuis 2019, le programme l'Initiative est invité à développer des partenariats de projets avec les fonds en santé intervenant dans son périmètre d'action ; - dans le cas de Gavi, notre action bilatérale passe par des coordinations concrètes visant à surmonter les insuffisances du fonds (non présent dans les pays), à l'instar de notre dispositif d'appui à la vaccination de routine mené avec Unicef dans 6 pays d'Afrique subsaharienne depuis 2021, avec des résultats concluants ; - l'articulation avec Unitaid s'exerce avant tout par des partenariats de projets, à l'instar du programme Success de lutte contre le cancer du col de l'utérus, mis en oeuvre par Expertise France depuis 2019/2020. La France participe activement aux instances de gouvernance de ces trois fonds verticaux (Fonds mondial de lutte contre le Sida, la tuberculose et le paludisme, UNITAID, GAVI) au niveau des comités, en particulier celui en charge des finances et de l'audit, et du conseil d'administration, avec pour objectif de maximiser l'impact de leur action au regard des moyens déployés et des besoins des populations. Nos ambassades, à travers notamment leurs 11 conseillers régionaux en santé mondiale, assurent un suivi local des programmes mis en oeuvre grâce aux financements des fonds verticaux. Le MEAE peut par ailleurs commander des évaluations externes sur la place de la France dans les fonds afin d'améliorer son rôle de pilotage stratégique au regard des priorités françaises. Afin d'identifier l'offre de formation française en santé mondiale, une cartographie exhaustive des viviers publics et privés d'expertise est en cours d'élaboration par Expertise France : elle devra faire appel aux milieux universitaires et hospitaliers français, en lien avec nos ambassades. Le soutien à la formation et aux ressources humaines en santé est une priorité assignée à l'Initiative pour les années 2023-2025. La mise à disposition d'une offre de formation en santé mondiale par l'Académie de l'OMS, qui se met en place à Lyon, contribuera également au rayonnement français en la matière. En outre, la France promeut des candidatures françaises et francophones dans les enceintes de gouvernance des fonds, à l'instar de la vice-présidente actuelle du comité audit et finances du Fonds mondial, Sylvie Chantereau ou de la présidence du comité de politique et de stratégie d'Unitaid, assurée depuis 2022 par l'ambassadrice française en santé mondiale. Le directeur exécutif et la présidente du conseil d'administration d'Unitaid sont français et la Secrétaire d'État chargée du développement, de la francophonie et des partenariats internationaux a présidé le conseil des actionnaires de la facilité Covax, distribution de vaccins mise en place par Gavi pendant la crise sanitaire entre 2020 et 2022. Un effort particulier de renforcement de la présence technique française dans ces fonds est également en cours, avec le déploiement croissant d'experts techniques internationaux (ETI) français dans les secrétariats et l'animation du réseau des personnels francophones de ces fonds, qui ont souvent auparavant travaillé pour des opérateurs ou ministères français. Le MEAE, le ministère de la santé et de la prévention et le ministère de de l'enseignement supérieur et de la recherche renforcent, par ailleurs, leur mobilisation pour le « placement » d'experts français de haut niveau ou plus techniques dans les organisations internationales en santé. La direction des ressources humaines du MEAE, avec l'aide de la délégation aux fonctionnaires internationaux, et en lien avec la Délégation interministérielle à l'encadrement supérieur de l'État (DIESE), bâtit à cet effet un vivier « diplomatie et santé ».

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