Question de M. LAURENT Daniel (Charente-Maritime - Les Républicains) publiée le 23/03/2023

M. Daniel Laurent attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur les préoccupations de la filière viticole concernant la révision de la réglementation des indications géographiques (IG). La profession rejette la proposition de la Commission européenne d'externaliser l'examen de leurs cahiers des charges vers une agence, l'office de l'Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), qui est complexe et va bien au delà de la simple protection d'un nom et comprend des règles de production, de conditionnement, d'étiquetage et de durabilité pour lesquelles l'EUIPO n'a aucune expertise. C'est pourquoi ils estiment que les États membres et la Commission européenne doivent être seuls responsables, dans le cadre d'une subsidiarité renforcée, de l'examen des demandes d'enregistrement, des modifications, des oppositions et des annulations. Ainsi, l'EUIPO pourrait jouer un rôle important en gérant le registre de l'Union, ainsi qu'un système d'information et d'alerte sur les noms de domaine, qui pourrait contribuer à renforcer la protection des IG en ligne. De même, les appellations d'origine ne soutiennent pas la proposition de la Commission européenne de déconnecter une partie des règles relatives aux vins IG de l'organisation commune des marchés agricoles (OCM) unique qui aurait pour conséquence de faire figurer certaines de leurs dispositions dans l'OCM (définitions des IG, contrôles, mentions traditionnelles, gestion des volumes, indicateurs de prix), tandis que d'autres parties seraient insérées dans le règlement horizontal sur les IG (procédures, protection, groupements de producteurs). Ce serait une erreur stratégique, car le marché vitivinicole de l'Union européenne (UE) se caractérise par une politique de qualité assortie d'outils réglementaires spécifiques (les 2/3 des vins de l'UE sont des vins IG). Les réformes régulières de la politique agricole commune ont permis au secteur des vins IG d'améliorer la qualité, de renforcer les outils réglementaires et la protection, de répondre au changement climatique. Si une partie de la politique vitivinicole IG est insérée dans un autre règlement horizontal, il ne sera plus envisageable de réviser la politique vitivinicole IG en même temps que la politique agricole commune (PAC). De plus, si une partie de ces dispositions est transférée vers un règlement horizontal avec une base juridique plus large (c'est à dire les droits de propriété intellectuelle et à l'avenir de nouvelles considérations), la direction générale de l'agriculture de la Commission européenne (DG AGRI), la commission de l'agriculture du Parlement européen et le conseil des ministres de l'agriculture perdront leur capacité à définir les politiques IG et vin. Ainsi, si la Commission européenne devait poursuivre une politique fondée sur le rapport BECA de 2022 ne reconnaissant pas la possibilité d'une consommation responsable de vin, alors aucun règlement relatif aux indications géographiques ne constituerait un rempart pour les appellations d'origine et ne leur permettrait de continuer à bénéficier du soutien de politiques publiques et des financements de la PAC. Les appellations d'origine demandent donc de saisir l'opportunité offerte par la révision des IG pour améliorer les dispositions applicables aux vins IG, dans le cadre du règlement OCM où les règles sont définies. En conséquence, il lui demande la position de la France sur cette question et les mesures qu'elle compte mettre en oeuvre.

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Réponse du Ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire publiée le 24/08/2023

La Commission européenne a publié le 31 mars 2022 une proposition de règlement relatif aux indications géographiques (IG) de l'Union européenne (UE) pour les vins, les boissons spiritueuses et les produits agricoles, et aux systèmes de qualité pour les produits agricoles. Concernant le rôle attribué par cette proposition à l'office de l'UE pour la propriété intellectuelle (EUIPO), les autorités françaises ne sont pas favorables à une telle délégation dans le cadre des procédures d'instruction des demandes relatives aux IG (reconnaissance ou modification), car il est essentiel que le système des IG soit bien différencié du traitement des marques qui n'a pas pour but de valoriser et de préserver les produits et méthodes de production traditionnelles ainsi que de participer aux objectifs de la politique de développement rural. Les autorités françaises ont fortement oeuvré, lors de l'examen au Conseil de l'UE, pour que cette délégation soit retirée du texte. Le Conseil de l'UE, sur la base du compromis proposé par la présidence suédoise, a arrêté sa position en mai 2023, qui supprime toute référence à l'EUIPO dans la proposition de règlement. Les autorités françaises soutiennent ainsi cette position, considérant qu'elle répond de manière satisfaisante aux interrogations et critiques que pouvait soulever la proposition de la Commission européenne. Une position très proche a été retenue par le Parlement européen. Concernant les modifications relatives aux vins, les autorités françaises sont très attachées à la stabilité des règles relatives aux IG viticoles, et aux acquis des dernières réformes. Ainsi, elles sont favorables au maintien de la définition des IG protégées viticoles prévue dans le règlement (UE) n° 1308/2013 portant organisation commune des marchés des produits agricoles. Cette position est celle adoptée par le Parlement européen. Toutefois, elles restent ouvertes à ne pas priver le secteur viticole des avancées qui seraient obtenues dans la proposition de règlement, notamment en matière de protection. Le ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, qui est particulièrement investi dans les négociations relatives à cette proposition de règlement, suit avec une très grande attention ce sujet, et fera de nouveau valoir ces positions dans le cadre des trilogues entre le Parlement européen, le Conseil de l'Union européenne et la Commission, qui ont débuté au mois de juin 2023 et doivent permettre de déboucher sur un accord et l'entrée en vigueur d'un réglement.

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