Question de Mme ASSASSI Éliane (Seine-Saint-Denis - CRCE) publiée le 13/04/2023

Question posée en séance publique le 12/04/2023

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)

Mme Éliane Assassi. Ma question s'adresse à Mme la Première ministre. Elle sera particulièrement solennelle. Elle concerne la République, la défense des libertés et des droits.

Le ministre de l'intérieur, M. Darmanin, a menacé de manière à peine voilée la Ligue des droits de l'homme (LDH) de sanctions financières. Il a déclaré, pour être précis : « Je ne connais pas la subvention donnée par l'État, mais ça mérite d'être regardé dans le cadre des actions menées. »

Madame la Première ministre, les choses sont claires, votre ministre de l'intérieur envisageait sans sourciller de remettre en cause les subventions à la LDH, car cette dernière avait exercé un rôle d'observateur et de vérification du respect des libertés et des droits à Sainte-Soline ou sur d'autres théâtres d'affrontements ou de tensions. (Mme la Première ministre fait un signe de dénégation.)

Ces menaces sont d'une gravité insupportable. Pouvez-vous accepter qu'un ministre de la République envisage de porter atteinte à une association qui est l'honneur de cette dernière ?

La Ligue des droits de l'homme vous le savez, mais je le rappelle a été créée pour défendre un innocent victime de l'antisémitisme et de la raison d'État, le capitaine Dreyfus. Elle a étendu d'emblée son action à la défense de tout citoyen victime d'une injustice ou d'une atteinte à ses droits. Dès le début du XXe siècle, seule, elle porta la justice sociale et le droit des travailleurs.

Madame la Première ministre, ne l'oublions pas : à la Libération, un tiers des membres du comité central de la LDH avaient disparu, assassinés, morts en déportation ou fusillés. Victor Basch, son président, fut assassiné en 1944 avec son épouse Ilona par la milice et les nazis.

Tout au long du XXe siècle et jusqu'à nos jours, cette grande association exerça avec vigilance et humanisme le contrôle des excès des pouvoirs publics. Sans elle et d'autres vigies, l'autoritarisme nous guette. Il peut prendre le dessus.

Avec les mille personnalités qui ont déjà signé une tribune publiée ce jour dans L'Humanité, je le dis dignement, mais fermement : « Ne touchez pas à la Ligue des droits de l'homme ! »

Je vous demande, madame la Première ministre, d'affirmer, sans ambiguïté, qu'aucune menace ne pèse sur elle. Je vous demande d'affirmer devant le Sénat que vous désavouez les propos de votre ministre de l'intérieur. (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.)

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Réponse du Première ministre publiée le 13/04/2023

Réponse apportée en séance publique le 12/04/2023

M. le président. La parole est à Mme la Première ministre.

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Madame la présidente Éliane Assassi, depuis plusieurs semaines, certains, à l'Assemblée nationale, au Sénat ou dans des interviews, dénoncent ce qu'ils appellent « une dérive autoritaire ». C'est une accusation tout aussi grave que mensongère.

Notre État de droit et notre République reposent sur des libertés fondamentales.

Ces libertés, nous les défendons et nous les défendrons. Les associations de défense des libertés publiques et des droits de l'homme mènent également ce combat, et je crois que personne ici ne peut contester sérieusement qu'elles ont, dans notre pays, la capacité de prendre position et de s'exprimer librement, pleinement et sans restriction. C'est indispensable, et nous veillerons à ce que cela demeure.

Comme d'autres acteurs associatifs, la Ligue des droits de l'homme joue son rôle en observant, en critiquant et en exigeant des réponses des acteurs publics. Lorsque l'État est mis en cause, nous écoutons et nous le prenons en compte. Je souhaite, comme tous les membres du Gouvernement, que les associations de soutien aux droits de l'homme poursuivent leur action de vigie, d'ailleurs largement financée par l'État et les collectivités.

Il n'est donc pas question de baisser par principe la subvention de telle ou telle association. Mais dialoguer avec ces structures sur leurs actions est aussi une responsabilité, dès lors qu'il s'agit de financement public.

Madame la présidente Assassi, pour en revenir à la Ligue des droits de l'homme, je connais l'histoire de cette grande association.

Pendant longtemps, l'histoire de l'émancipation républicaine et celle de la LDH se sont mêlées. L'universalisme était un terreau commun. Il y a toujours eu des débats exigeants, des confrontations parfois. Sans remonter à l'affaire Dreyfus, je pense à l'engagement de Madeleine Rebérioux ou de Me Henri Leclerc. (M. Éliane Assassi approuve.)

Je crois que, au fond, c'est essentiellement à cette histoire collective que les signataires de l'appel au soutien de la LDH figurant à la une de L'Humanité ce matin disent leur attachement.

J'ai beaucoup de respect pour ce que la LDH a incarné, mais je ne comprends plus certaines de ses prises de position.

M. Marc-Philippe Daubresse. Très bien !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Cette incompréhension n'est pas nouvelle. Elle s'est fait jour dans les ambiguïtés de cette association face à l'islamisme radical et elle s'est confortée depuis quelques mois. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP, RDSE, UC et Les Républicains.)

M. Roger Karoutchi. C'est vrai !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Je rappelle que cette association a attaqué un arrêté interdisant le transport d'armes par destination à Sainte-Soline.

Cette incompréhension est partagée par de nombreux acteurs associatifs et, dans une lettre adressée hier au président de la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH), le président de la Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme (Licra) a dénoncé les dérives et la défaillance de la Ligue des droits de l'homme.

Madame la présidente Assassi, la liberté d'expression et la liberté de manifester pacifiquement sont fondamentales en démocratie.

Avec le Gouvernement, avec la grande majorité d'entre vous sur ces travées, je veux rendre hommage aux policiers et aux gendarmes, qui connaissent leur devoir d'exemplarité et assurent l'ordre républicain dans notre pays. Plus de 1 800 ont été blessés depuis le début du mois de janvier.

Mme Françoise Gatel. Eh oui !

M. Thomas Dossus. Et combien de manifestants ont été blessés ?

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Manifester est un droit fondamental.

Mme Éliane Assassi. Répondez à ma question !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Ce n'est pas en excusant des violences qu'on le défend. Au contraire, il doit pouvoir s'exercer dans la sécurité. Aussi, nous continuerons à agir pour protéger ce droit, les manifestants et les Français ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP, RDSE, UC et Les Républicains. Murmures sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.)

Mme Michelle Gréaume. Vous n'avez pas répondu à la question !

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