Question de M. CANÉVET Michel (Finistère - UC) publiée le 06/04/2023

M. Michel Canévet attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique quant à l'adoption d'une directive européenne, paraissant au Bulletin officiel des finances publiques - impôts du 8 février 2023, et présentant des modifications concernant l'assujettissement à la TVA au taux de 20 % des orthèses dentaires et prothèses orthodontiques, alors que jusqu'à présent les prothésistes dentaires n'étaient pas assujettis à la TVA pour l'intégralité de leur activité.

Il sollicite le Gouvernement sur deux points : premièrement, une assurance sur la non-rétroactivité de cette mesure ; deuxièmement, un délai d'application pour l'adaptation des laboratoires de prothèses dentaires à ces nouvelles règles à l'instar de ce qui a été prévu dans d'autres secteurs notamment celui de l'assurance et des courtiers en assurance qui ont été confrontés à un changement de doctrine en matière d'exonération de TVA.

En effet, plusieurs problématiques empêchent l'application immédiate de l'assujettissement à la TVA. Les services en lignes pour le dépôt et le paiement de la TVA vont devoir être activés, les modalités de gestion au sein des organisations vont devoir être redéfinies pour prendre en compte la TVA, les processus comptables vont devoir évoluer pour intégrer la TVA. De la même façon les masques de factures vont devoir être adaptés. Certains logiciels de gestion spécifiques aux laboratoires de prothèses dentaires ne sont pas adaptés au calcul de la TVA et demanderont un développement informatique de la part des éditeurs de logiciel. Ces derniers ont indiqué qu'ils ne pourraient pas être en mesure de proposer ces nouvelles fonctionnalités avant juillet 2023.
Des marchés publics sont en cours auprès de centres hospitaliers qui ont été passés sur la base de prix hors taxe sans application de la TVA (en raison de l'exonération applicable). Ces contrats vont devoir être renégociés et cela demande un délai administratif imposé par le code des marchés publics. Les prothésistes concernés ne pourraient soutenir une perte sèche de 20 % si ces contrats ne pouvaient pas être renégociés. Enfin, et dans la mesure où la TVA n'était jusqu'à présent pas appréhendée par la profession, des formations vont devoir être mises en place pour une bonne compréhension des règles d'application de la TVA.

Il ne serait pas acceptable de placer cette profession au pied du mur alors qu'aucune précision, ni redressement des services fiscaux n'étaient venus contredire l'application de l'exonération de TVA à l'ensemble des fabrications des laboratoires, qu'il s'agisse de prothèses dentaires ou de prothèses orthodontiques ou orthèses. Il lui rappelle que ces mêmes professionnels avaient attiré l'attention de ses services à plusieurs reprises ces dernières années sur des précisions nécessaires pour garantir aux acteurs du secteur une plus grande sécurité juridique face au développement de nouveaux types de produits d'orthodontie.

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Réponse du Ministère auprès du ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées, chargé des personnes handicapées publiée le 05/07/2023

Réponse apportée en séance publique le 04/07/2023

Mme le président. La parole est à M. Michel Canévet, auteur de la question n° 592, adressée à M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

M. Michel Canévet. Le Bulletin officiel des finances publiques (Bofip) du 8 février 2023 a modifié les règles d'assujettissement à la TVA, en prévoyant d'imposer au taux de 20 % les orthèses dentaires et les prothèses orthodontiques, alors que jusqu'à présent les prothésistes dentaires n'étaient pas assujettis à la TVA pour l'intégralité de leur activité.

Vous imaginez bien tous les problèmes que cela crée ! Il va falloir adapter l'organisation des cabinets de prothésistes dentaires : masques de factures, logiciels, etc. Les éditeurs de logiciels demandent des délais.

Des marchés publics, en cours, vont devoir être revus pour tenir compte de la modification des tarifs, ce qui nécessitera aussi des délais. Les professionnels devront également être formés, informés et sensibilisés.

Le Gouvernement peut-il nous rassurer sur le fait que cette disposition ne sera pas rétroactive ? Nous demandons en outre un délai dans l'application de cette disposition, afin de donner aux acteurs le temps de s'adapter.

Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées, chargée des personnes handicapées. Monsieur le sénateur, la législation en vigueur exonère de TVA les fournitures de prothèses dentaires par les dentistes et les prothésistes, conformément à la transposition de la directive relative au système commun de TVA.

La notion de prothèse dentaire fait l'objet d'une définition précise : il s'agit d'une pièce ou d'un appareil qui remplace un organe ou un membre, en totalité ou en partie, en reproduisant ses formes et en remplissant si possible les mêmes fonctions.

Elle se distingue donc de l'orthèse, qui est une pièce ou un appareil destiné à prévenir ou à corriger une déformation ou à suppléer les défaillances du membre ou de l'organe en cause.

Cette définition figure, depuis 2012, au Bulletin officiel des finances publiques, qui fait foi pour l'application par l'administration fiscale des taux réduits de TVA aux appareillages et équipements spéciaux pour les personnes handicapées.

L'exonération de TVA n'est donc, aux termes de la loi, pas applicable aux orthèses. Cette exclusion n'est pas nouvelle : le comité de la TVA l'a rappelée dès 2015, en précisant que l'expression « prothèses dentaires » ne comprend ni la fourniture de dispositifs dentaires tels que les appareils orthodontiques et les gouttières dentaires ni celle des matériaux qui servent à fabriquer des prothèses dentaires.

Dans ces conditions, la TVA applicable aux orthèses dentaires n'a pas évolué : son exclusion a été explicitement rappelée au Bofip le 8 février dernier, à la demande de la profession en lien avec les services de Bercy.

Notre cadre juridique prémunit les contribuables contre un changement de la norme fiscale. C'est ainsi que les entreprises qui ont bénéficié d'un rescrit confirmant à tort l'application du taux réduit à des orthèses dentaires bénéficieront de la garantie fiscale, tout comme les entreprises qui ont subi un contrôle fiscal dont les conclusions ont considéré que leur pratique était conforme à la loi. De tels rescrits ou garanties demeureront invocables tant que l'administration ne les aura pas rapportés. Il est important que les professionnels soient ainsi protégés.

Mme le président. La parole est à M. Michel Canévet, pour la réplique.

M. Michel Canévet. Je remercie Mme la ministre pour ces précisions : la profession doit savoir à quoi s'en tenir. Il faut octroyer des délais dans l'application de cette taxation, comme cela a été le cas dans d'autres professions. Il ne faudrait pas que ces professionnels libéraux de santé, qui concourent à la santé de l'ensemble de nos concitoyens, soient mis en difficulté par cette imposition. Ils acceptent de payer, mais il faut leur laisser du temps.

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