Question de M. KLINGER Christian (Haut-Rhin - Les Républicains) publiée le 13/04/2023

M. Christian Klinger attire l'attention de M. le ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la ville et du logement sur les risques d'accroissement de la précarité énergétique qu'engendrerait une interdiction des chaudières gaz dans le logement. Il semble en effet que la volonté du Gouvernement tende à faire disparaître à l'avenir l'utilisation des chaudières gaz dans le logement. Or, le gaz alimente 40 % des foyers en France : soit une maison sur trois et un logement sur deux en collectif, représentant près de 12 millions de ménages. Une telle interdiction aurait pour incidence d'orienter les ménages souhaitant remplacer leur ancienne chaudière au gaz vers un système de chauffage fonctionnant à l'électricité. L'installation d'une pompe à chaleur (PAC) 100 % électrique représente des coûts initiaux importants, rendant cette mesure largement inéquitable. En effet, les PAC coûtent entre 13 800 euros et 20 000 euros, contre 4 600 euros pour les chaudières, soit une différence de coût de 10 000 euros. Le reste à charge imposé aux ménages pour l'installation d'une PAC électrique (de l'ordre de 6 000 euros dans le meilleur des cas) dépasse souvent leur capacité de financement. Ainsi, sauf un soutien des finances publiques très conséquent, les ménages se verraient très fortement impactés. Une interdiction du renouvellement des équipements gaz génèrerait environ 3 milliards d'euros par an de surcoût pour les finances publiques uniquement pour le changement d'équipement (avec un flux de 300 000 renouvellements d'équipements gaz/an). En outre, l'installation des PAC suppose d'avoir au préalable réalisé une rénovation énergétique complète du logement, sous peine de devoir installer une PAC de forte puissance et de devoir faire face à des factures énergétiques très élevées liées lors des pointes de froid (CLER, négaWatt). Enfin, l'installation d'une PAC se heurte en pratique à de nombreuses difficultés techniques (manque de place pour la pose, nuisances sonores ou esthétiques, durée importante des chantiers) qui rendent son installation difficile, voire impossible, dans de nombreux logements ou au prix de travaux très importants. Ces difficultés pourraient obliger les particuliers à se replier sur une solution de chauffage à « effet joule ». Attractif par son prix d'achat très bas, mais ne présentant qu'une très faible efficacité énergétique, ce mode de chauffage mis en place en substitution à une chaudière au gaz entraînerait une forte hausse des factures énergétiques de + 20 à + 30 % susceptible de fragiliser davantage les ménages précaires. Ainsi, il interroge le Gouvernement si ces impacts seront pris en compte dans la politique nationale de décarbonation des logements.

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Transmise au Ministère de la transition énergétique


Réponse du Ministère auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des collectivités territoriales et de la ruralité publiée le 05/07/2023

Réponse apportée en séance publique le 04/07/2023

Mme le président. La parole est à M. Christian Klinger, auteur de la question n° 602, transmise à M. le ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la ville et du logement.

M. Christian Klinger. Madame la ministre, je souhaite attirer votre attention sur les conséquences de l'interdiction, à l'horizon 2026, des chaudières à gaz, qui permettent de chauffer près de 12 millions de ménages, sans compter les collectivités.

L'interdiction des chaudières à gaz soulève deux difficultés.

Premièrement, les ménages souhaitant remplacer leur ancienne chaudière devront se tourner vers l'installation d'une pompe à chaleur, dont le coût est beaucoup plus important. Celui-ci s'établit en moyenne autour de 15 000 euros, contre 5 000 euros pour les chaudières, soit une différence de 10 000 euros, auxquels il faut ajouter la rénovation énergétique du logement et les difficultés relatives au manque de place pour la pose, aux nuisances sonores et esthétiques ou encore à la durée des chantiers, ce qui rend l'installation d'une pompe à chaleur difficile, voire impossible dans de nombreux logements, ou alors au prix de travaux très importants.

Deuxièmement, au-delà de leur prix, une grande partie des pompes à chaleur sont fabriquées en Asie, quand les chaudières à gaz viennent principalement d'Europe et, très souvent, de France. Serait-ce donc, après les voitures électriques, dont les batteries sont fabriquées en Asie, une nouvelle incitation à acheter hors d'Europe ?

Cette interdiction est un sabotage en règle d'une des rares filières d'excellence française.

De plus, le système d'aides aux ménages que le Gouvernement ne manquera pas de mettre en place, madame la ministre, creusera encore le déficit déjà abyssal de nos comptes publics.

À ce prix-là, me direz-vous, on agira pour le climat. Mais est-ce seulement vrai ? Aura-t-on l'électricité suffisante pour alimenter l'ensemble de ces pompes à chaleur ? Ou devra-t-on alimenter les centrales au gaz pour qu'elles produisent de l'électricité ?

Le moment n'est-il pas venu de prendre des décisions un peu plus concertées pour laisser à nos concitoyens le temps de souffler financièrement et aux filières concernées, celui de s'adapter et de s'approprier de nouvelles énergies comme le biogaz ?

Je crains que tous les impacts du projet gouvernemental d'interdiction des chaudières à gaz en 2026 n'aient pas été correctement évalués.

Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Klinger, l'objectif de neutralité carbone d'ici à 2050, fixé par le Président de la République, est un immense défi. Il passera avant tout par la décarbonation des grands secteurs, comme celui du bâtiment, qui représente 18 % des émissions en France.

Mes collègues Agnès Pannier-Runacher, Christophe Béchu et Olivier Klein ont lancé une concertation publique portant sur la décarbonation du secteur du bâtiment. Ces échanges, qui se dérouleront jusqu'au 28 juillet prochain, permettront de débattre avec l'ensemble des acteurs du bâtiment des solutions alternatives aux chaudières fossiles.

S'il n'y a à ce jour pas d'interdiction d'installation de chaudières à gaz dans les logements existants, le dispositif MaPrimeRénov' ne subventionne plus l'installation de nouvelles chaudières au fioul ou au gaz et la réglementation environnementale 2020 (RE2020) interdit l'installation de chaudières au gaz ou au fioul dans les bâtiments neufs.

Cette transition est aussi un enjeu de souveraineté, dans la mesure où ces installations alternatives décarbonées ne reposent pas sur une énergie massivement importée, comme le gaz.

Le Gouvernement s'est engagé à accompagner la transition des filières industrielles du chauffage vers les énergies bas-carbone. Il est pleinement mobilisé pour leur développement, auquel concourent plusieurs outils déployés par l'État, dont le renforcement des aides au raccordement au réseau de chaleur, le fonds Chaleur et le plan géothermie, lancé en février 2023.

Enfin, si le coût d'installation d'une pompe à chaleur reste très élevé à l'achat, le surcoût est compensé par les économies faites à l'usage. L'État apporte désormais un soutien financier important pour le remplacement des chaudières fossiles via l'aide publique MaPrimeRénov', qui peut être complétée par les aides privées des certificats d'économies d'énergie (C2E) et, dans certains cas, par les aides des collectivités territoriales, en particulier pour les ménages les plus modestes.

Le Gouvernement continuera d'agir afin de réduire autant que possible nos émissions de gaz à effet de serre tout en favorisant l'émergence et le développement des énergies bas-carbone.

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