Question de M. CORBISEZ Jean-Pierre (Pas-de-Calais - RDSE) publiée le 06/04/2023

M. Jean-Pierre Corbisez attire l'attention de Mme la ministre déléguée auprès du ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées, chargée des personnes handicapées sur les impacts du décret du 23 février 2022 relatif au cumul de la pension d'invalidité avec d'autres revenus.
La principale difficulté résulte du nouveau seuil de comparaison, désormais fixé dans la limite du plafond annuel de la sécurité sociale (PASS) et au moins égal au salaire minimum de croissance (SMIC) et non plus en référence au salaire perçu avant la maladie ou l'accident et qui servait d'assiette pour les cotisations d'assurance maladie et invalidité.
En outre, le décret modifie la période de référence désormais établie sur les 12 mois précédents (et non plus les 6 derniers mois), période moins adaptée à la situation de personnes dont la situation fluctue en fonction de leurs problèmes de santé, sans compter la prise en compte induite des primes versées en fin d'année.
La mise en place d'un plafonnement au PASS, que rien n'explique, ni ne justifie puisque la pension d'invalidité est une prestation contributive pour laquelle les salariés cotisent sur l'assiette totale de leurs revenus, amène les personnes concernées à subir une diminution importante, voire une suspension totale de leur pension d'invalidité, avec en outre perte du versement de la prévoyance.
Ce sont des changements majeurs qui se profilent et il apparaît nécessaire, à tout le moins, d'appliquer la clause dite « du grand-père » pour les personnes déjà en invalidité au moment de la réforme.
Pour les nouveaux entrants dans le dispositif, la réforme pose plusieurs questions de fond.
D'une part, la limitation au PASS modifie la nature même de la pension d'invalidité qui ne bénéficierait plus qu'aux salaires inférieurs. De ce point de vue, les associations du secteur sollicitent le rehaussement de ce seuil à 2 PASS.
D'autre part, la réforme pourrait avoir comme conséquence inquiétante connexe d'inciter les personnes à quitter leur emploi dès lors qu'elles « gagnent bien » leur vie, sans compter le risque d'une remise en cause de la place même de la sécurité sociale, basée sur un système solidaire, où chacun cotise selon ses moyens et reçoit selon ses besoins, et qui tendrait à s'effacer au profit d'un système assurantiel privé où seuls les plus aisés seront en capacité d'être bien assurés.
Les associations s'inquiètent enfin du nombre de personnes qui seront les « perdants » de cette réforme, estimé à 8 000 par le Gouvernement mais évalué à plus de 10 000 pour ces associations qui oeuvrent au quotidien auprès des personnes concernées.
Au final, cette réforme questionne les principes mêmes de notre organisation sociale au sein de laquelle la cotisation n'a jamais eu pour objet une redistribution des revenus mais simplement de s'assurer contre un risque de la vie et de socialiser ce risque.
Il souhaite donc savoir si des mesures correctrices sont prévues dans le cadre du décret rectificatif envisagé par l'État afin de garantir les fondements de notre sécurité sociale et maintenir un système solidaire et juste au bénéfice des personnes touchées par l'invalidité.

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Réponse du Ministère auprès du ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées, chargé des personnes handicapées publiée le 13/07/2023

La pension d'invalidité vise à compenser la perte conséquente de gains ou de capacité de travail. En fonction de la situation de l'assuré, cette pension équivaut à 30 %, pour les pensionnés d'invalidité relevant de la 1ère catégorie, ou 50 % du revenu moyen calculé sur les dix meilleures années civiles de salaire, pour les pensionnés d'invalidité de catégorie 2 ou 3. La réforme mise en oeuvre par le décret du 22 février 2022, vise à introduire davantage de justice pour les assurés qui souhaitent conserver ou reprendre une activité rémunérée après leur passage en invalidité afin de permettre que toute heure travaillée conduise à un gain financier. Avant cette réforme, les règles de cumul n'étaient en effet pas favorables à la reprise d'activité dans la mesure où les revenus cumulés des pensionnés d'invalidité - revenus d'activité et pension d'invalidité – ne pouvaient jamais dépasser un certain seuil. Ce seuil, dit de comparaison, était alors fixé au niveau du Depuis la réforme, ces pensionnés d'invalidité exerçant une activité professionnelle et dont les revenus cumulés dépassent le seuil de comparaison ne voient plus leur pension d'invalidité diminuer que de moitié. Il est rappellé qu'avant la réforme, la pension était réduite du montant du dépassement du seuil de comparaison, jusqu'à parfois être totalement supprimée dans certains cas de figure. Par ailleurs et pour éviter de pénaliser les assurés ayant connu une réduction d'activité avant leur passage en invalidité, le seuil de comparaison peut désormais être fixé soit au niveau du salaire de la dernière année d'activité avant le passage en invalidité, soit au niveau du salaire annuel moyen des dix meilleures années d'activité, selon la règle la plus favorable à l'assuré. Ainsi, la réforme a introduit la mise en place d'un seuil alternatif. Enfin, ce seuil de comparaison est désormais limité au plafond de la sécurité sociale, soit 3 666 euros bruts par mois en 2023, soit une augmentation de 6,9 % par rapport au niveau de 2022. C'est sur ce point plus spécifique que la situation est signalée, dans la mesure où certains assurés, dont les revenus étaient supérieurs au plafond de la sécurité sociale, sont susceptibles de voir leurs revenus diminuer du fait de la réforme. Le choix de la mise en place d'un plafonnement de ce salaire de comparaison parait justifié au Gouvernement pour deux raisons : la première de ces raisons réside dans le principe même de la pension d'invalidité qui est un revenu de remplacement lié à la perte de capacité de gain des assurés. Il s'agit donc d'une prestation sociale qui n'a pas vocation à compléter des revenus d'activité au-delà d'un certain seuil. Par ailleurs, la réforme n'entraine pas une suppression systématique de la pension des assurés dont les revenus seraient plafonnés. Ils peuvent en effet cumuler leur revenu d'activité plafonné et une pension d'invalidité qui n'est réduite qu'à hauteur de la moitié du dépassement du seuil de comparaison, ce qui permet un cumul partiel. Par ailleurs, le calcul de la plupart des prestations contributives de sécurité sociale, est fondé sur la prise en compte d'un revenu plafonné ; la deuxième de ces raisons repose sur le fait que cette réforme a fait plus de gagnants que de perdants. En novembre 2022, seuls 7 812 assurés ont fait l'objet d'une réduction de pension en raison du plafonnement du seuil de comparaison. Ces 7 812 assurés représentent 2,90 % des pensionnés d'invalidité du régime général exerçant une activité professionnelle, soit 1 % du total des pensionnés d'invalidité. Ils conservent par ailleurs un niveau de ressources satisfaisant, dans la mesure où ils ont des revenus au moins supérieurs à 3 666 €. En revanche, la réforme a permis à 60 000 pensionnés d'invalidité, soit 8 % des pensionnés d'invalidité et 26 % de ceux qui exercent une activité professionnelle d'améliorer leur niveau de revenu. Pour autant et devant l'incompréhension suscitée par cette réforme, les services du ministère des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées étudient les mesures correctives à apporter à ce dispositif. Comme annoncé par la ministre déléguée chargée des personnes handicapées, il est ainsi envisagé de prendre un décret rectificatif pour, sans revenir sur le principe même du plafonnement, relever ce plafond et ainsi limiter encore le nombre de perdants.

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