Question de M. BONNECARRÈRE Philippe (Tarn - UC) publiée le 06/04/2023

M. Philippe Bonnecarrère attire l'attention de Mme la ministre de la transition énergétique sur les perspectives de notre pays en matière de chauffage au gaz.

Une publication sur le site gouvernemental France nation verte laisse entendre que l'on se dirige vers une sortie des énergies fossiles tant pour les logements individuels que collectifs, y compris le chauffage au gaz. D'autres indications portent sur l'accord de principe donné par notre pays à la Commission européenne pour envisager une telle interdiction dans un délai qui n'est heureusement pas encore précisé.

Ceci vient en complément de l'interdiction de fait, en raison de seuils maximum d'émission carbone, d'installer une chaudière à gaz dans les logements individuels neufs depuis 2022 et de l'interdiction concernant les logements collectifs neufs fixée à 2024 et repoussée à 2025. La problématique est multiple.

C'est d'abord une problématique pour le consommateur, pour le Français « moyen ».

12 millions de foyers français sont chauffés au gaz. La filière gaz recommande actuellement un chauffage hybride alliant par exemple la pompe à chaleur avec l'utilisation du gaz mais il y a une différence importante entre le coup d'une chaudière à gaz et d'une pompe à chaleur.

Sur la base de 12 millions de foyers chauffés au gaz représentant 40 % des logements en France, le calcul donne un chiffre astronomique pour le changement de 300 000 chaudières à gaz par an.

Est-ce que le Gouvernement a effectivement fait ce calcul ? N'aurait-il pas le sentiment que dans la situation actuelle il serait raisonnable de ne pas multiplier, pour paraphraser une phrase célèbre, « les ennuis » pour nos concitoyens ?

À supposer que l'État envisage de financer partiellement cette suppression des chaudières à gaz et leur remplacement par d'autres types d'équipement, il sera rappelé que notre pays a à l'heure actuelle quelques dettes, un déficit non négligeable et que son aptitude à signer des chèques supplémentaires doit être considérée comme très discutable.

Cette suppression n'entre-elle pas en contradiction avec l'objectif, que l'on retrouve notamment dans la programmation pluriannuelle de l'énergie, de « verdir » le gaz ? Ne serait-il pas logique et moins coûteux d'accélérer sur les gaz renouvelables plutôt que de se lancer dans un démantèlement hasardeux d'une filière prometteuse ?

Si l'on raisonne toujours pour les consommateurs, il peut être rappelé que ceux-ci bénéficient à l'heure présente d'un tarif unique avec une péréquation.

Si demain, les charges de GRDF devaient rester identiques alors que les recettes diminueraient, il est permis de s'interroger quant au sort de cette péréquation tarifaire.

Au-delà de l'impact sur les coûts et sur les consommateurs, l'impact sur notre système énergétique serait considérable puisque la consommation électrique serait actuellement à 500 térawattheures pour 451 térawattheures pour le gaz.

La suppression du chauffage à gaz dans notre pays représenterait l'équivalent de 9 « european pressurized reactor » (EPR).

Il lui demande si son ministère est prêt à commencer la mise en oeuvre d'un tel programme.

Aux différentes questions posées peut être également ajoutée la question de l'impact sur l'emploi puisque la filière gaz représente 230 000 emplois et qu'accessoirement il sera observé que la plupart des chaudières gaz sont produites en France, ce qui n'est malheureusement pas le cas pour les pompes à chaleur où la production est d'abord asiatique.

Pour l'ensemble de ces motifs, il lui demande de donner des précisions sur les évolutions proposées à nos concitoyens pour leur chauffage en général et plus particulièrement pour leur chauffage au gaz.

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Réponse du Ministère de la transition énergétique publiée le 20/04/2023

Depuis le 1er juillet 2022, les équipements neufs installés pour le chauffage ou la production d'eau chaude sanitaire dans les bâtiments d'habitation ou à usage professionnel, neufs ou existants, doivent respecter un plafond d'émissions de gaz à effet de serre. Peuvent ainsi continuer à être installés dans les bâtiments, les nouveaux équipements alimentés par de l'électricité tels que les pompes à chaleur, y compris hybrides, de la biomasse, de l'énergie solaire ou géothermique, du gaz, dès lors qu'ils respecteront le plafond d'émission fixé par le décret relatif au résultat minimal de performance environnementale des équipements de chauffage et de production d'eau chaude sanitaire. Les bâtiments peuvent également être raccordés à des réseaux de chaleur. Par ailleurs, le projet de réglementation environnementale 2020, dit « RE2020 », constitue une avancée environnementale importante en excluant les chaudières gaz des bâtiments neufs depuis 2022 en maison individuelle et à partir de 2025 en logement collectif. Toutes les solutions gaz ne sont pas exclues : des solutions hybrides de type pompe à chaleur hybride au gaz (au besoin couplées à des panneaux solaires thermiques) pourront passer les seuils d'émission de gaz à effet de serre de la RE2020 si elles sont performantes. Les exigences incluses dans la RE2020 sont cohérentes avec la stratégie nationale bas carbone (SNBC), en particulier en ce qui concerne la décarbonation de la chaleur dans les bâtiments. La trajectoire sur laquelle s'appuie la SNBC se base sur une part de logements chauffés au gaz en 2050 inférieure à 15% pour atteindre la neutralité carbone. En effet le potentiel de production de gaz totalement décarboné est limité et doit être utilisé à bon escient et en priorité vers les secteurs où le gaz est peu substituable. Aussi l'exclusion du gaz et autres énergies carbonées n'induirait pas un développement excessif du chauffage électrique. En effet la RE2020 prévoit aussi de contraindre fortement la consommation d'énergie primaire non renouvelable, ce qui empêche l'utilisation de systèmes électriques peu performants (radiateurs électriques) au profit de systèmes plus vertueux tels que les pompes à chaleur, les chaudières biomasse, les réseaux de chaleur urbain (les réseaux de chaleur français sont alimentés à plus de 60 % par des énergies renouvelables, chiffre en constante croissance), les panneaux solaires thermiques, la géothermie. Dans les bâtiments existants, le Gouvernement encourage également le remplacement des systèmes de chauffage fossiles par des équipements de chauffage renouvelable, comme les pompes à chaleur aérothermiques ou géothermiques ou les chauffages au bois performants, là où c'est techniquement possible. Le Gouvernement accompagne le secteur du bâtiment dans sa transition énergétique par la réglementation et les aides aux ménages et aux professionnels, et accorde une attention particulière aux ménages modestes ou en situation de précarité énergétique via des aides à la rénovation renforcées (coup de pouce chauffage CEE et aide MaPrimeRénov'). En ce qui concerne les aspects de souveraineté énergétique et industrielle si une part importante des chaudières à gaz est fabriquée en France, il faut rappeler que d'une part tout le gaz fossile est importé et que d'autre part, la France dispose déjà d'un tissu industriel conséquent dans le domaine des chauffages décarbonés, dont les chaudières biomasse mais aussi les pompes à chaleur. De plus le Gouvernement travaille en lien avec les acteurs de la filière pompes à chaleur pour renforcer notre capacité industrielle dans ce secteur pour les années à venir. Le Gouvernement travaille également au développement du biogaz pour injection dans le réseau, énergie renouvelable qui a atteint les objectifs fixés par la Programmation Pluriannuelle de l'Énergie. Il convient de rappeler les ordres de grandeur en jeu : nous avons consommé 450TWh de gaz en 2022 (dont les deux tiers pour chauffer des bâtiments) et nous avons actuellement une capacité d'injection dans le réseau de 10TWh de biogaz, avec un gisement global de biomasse qui sera limité et fortement sollicité par ailleurs, y compris par l'industrie de la biochimie ou pour décarboner des secteurs qui n'ont que peu d'alternatives comme l'aviation ou le maritime. Réduire notre consommation globale de gaz n'est donc pas incompatible avec un développement fort du biogaz, au service des secteurs et pour le cas où les alternatives au gaz sont limitées. Nous devons faire les deux afin de sortir au plus vite des énergies fossiles, décarbonner notre économie et renforcer notre souverainté énergétique. Enfin concernant une éventuelle interdiction progressive de la vente de chaudières gaz neuves, une telle décision ne pourrait s'envisager qu'après une concertation large et documentée avec les parties prenantes et dimensionnée précisément en tenant compte de l'ensemble des enjeux techniques et économiques associés, afin de ne laisser aucun ménage dans l'impasse et de donner suffisamment de visibilité aux professionnels.

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