Question de M. BABARY Serge (Indre-et-Loire - Les Républicains) publiée le 06/04/2023

M. Serge Babary attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique sur la fiscalité applicable aux orthèses et prothèses dentaires fabriquées sur mesure.

Le 9 février 2023, une publication au bulletin officiel finances publiques -impôts (BOFiP-I) est venue préciser que si les prothèses sont susceptibles d'être éligibles à l'exonération de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), les autres appareils sont taxés au taux normal sauf lorsqu'ils figurent au titre II de la liste des produits et prestations remboursables, qui permet l'application du taux réduit.

Ainsi, les orthèses dentaires, prothèses dentaires ne remplaçant pas une dent et les aligneurs dentaires se voient désormais appliquer un taux de 20 % et non plus de 5,5 %.

Ces modifications découlent d'une interprétation plus stricte des dispositions de la directive TVA 2006/112/CE, dont l'article 132 (1)(e) prévoit que « les prestations de services effectuées dans le cadre de leur profession par les mécaniciens-dentistes ainsi que les fournitures de prothèses dentaires effectuées par les dentistes et les mécaniciens-dentistes » sont exemptées de TVA.

Elles modifient radicalement la doctrine administrative appliquée par l'administration fiscale depuis 1978, à savoir l'application d'une exonération de TVA à l'ensemble des fabrications des laboratoires français qu'il s'agissent de prothèses et d'orthèses dentaires, ou encore de prothèses orthodontiques.

Ce changement de doctrine administrative inquiète fortement les professionnels du secteur qui se voient dans l'impossibilité immédiate d'appliquer ce nouveau taux de TVA en raison de difficultés pratiques.

En effet, d'une part certains logiciels de gestion spécifiques aux laboratoires de prothèse dentaires ne sont pas adaptés au calcul de la TVA, d'autre part, des marchés publics conclus sur la base de prix HT sont en cours de réalisation avec plusieurs centres hospitaliers et nécessitent une renégociation, de troisième part les services en ligne pour le dépôt et le paiement de la TVA vont devoir être activés et les modalités de gestion au sein des organisations redéfinis pour prendre en compte la TVA.

Aussi, il demande au Gouvernement de bien vouloir préciser le délai d'application qui sera accordé aux laboratoires français pour s'adapter à cette nouvelle règlementation, avec l'engagement que celui-ci ne sera pas antérieur au 1er juillet 2023, et de confirmer que cette nouvelle réglementation n'emporte aucune rétroactivité.

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Réponse du Ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique publiée le 06/07/2023

Le 1° du 4 de l'article 261 du code général des impôts (CGI) exonère notamment de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), les fournitures de prothèses dentaires par les dentistes et les prothésistes. Cette disposition constitue la transposition en droit national du e du 1 de l'article 132 de la directive 2006/112/CE relative au système commun de TVA (dite « directive TVA ») qui exonère de la TVA les fournitures de prothèses dentaires effectuées par les dentistes et les mécaniciens dentistes. L'administration fiscale a précisé, le 8 février 2023, la notion de prothèse dentaire au Bulletin officiel des finances publiques-impôts (BOFIP-I) référencé BOI-TVA-CHAMP-30-10-20-10, paragraphe 305. Une prothèse est une pièce ou un appareil qui remplace un organe ou un membre, en totalité ou en partie, en reproduisant ses formes et en remplissant si possible les mêmes fonctions. Elle se distingue donc de l'orthèse, qui est une pièce ou un appareil destiné à prévenir ou à corriger les déformations ou à suppléer les défaillances du membre ou de l'organe en cause. Cette définition correspond à celle qui figure depuis le 12 septembre 2012 au BOFIP-I référencé BOI-TVA-LIQ-30-10-50 §30, dédié à l'application des taux réduits aux appareillages et équipements spéciaux pour les handicapés. Cette définition s'inscrit dans le cadre des principes dégagés par le juge européen en matière de TVA. Il est en effet de jurisprudence constante que les dispositions en matière d'exonération de la TVA, qui sont dérogatoires au droit commun, sont d'interprétation stricte. Au demeurant, l'exclusion des orthèses dentaires du champ de l'exonération a été confirmée par le Comité de la TVA institué par l'article 398 de la directive TVA. Les lignes directrices issues de sa 105ème réunion du 26 octobre 2015 précisent que l'expression « prothèses dentaires » ne comprend ni la fourniture de dispositifs dentaires tels que les appareils orthodontiques et les gouttières dentaires, ni celle des matériaux qui servent à fabriquer des prothèses dentaires. Ces lignes directrices, qui ne constituent que l'avis consultatif du comité, ont été adoptées sur proposition de la Commission européenne presque à l'unanimité des États membres, traduisant ainsi l'existence d'une interprétation très largement partagée de la portée à donner à ce dispositif d'exonération. Elles sont publiques et accessibles sur le site internet de la Commission européenne. Dès lors, les commentaires récemment formulés par l'administration ne font état que du droit européen et national en vigueur sans en avoir modifié le contenu. Cela étant, dans le cadre des règles de droit commun, l'administration fera bien entendu usage de la garantie fiscale prévue pour les entreprises en mesure de s'en prévaloir, soit qu'elles aient bénéficié d'un rescrit d'un service confirmant à tort l'application du taux réduit, soit que les conclusions explicites (ou même tacites pour les contrôles effectués à compter de 2019) d'un contrôle fiscal aient considéré leur pratique comme conforme à la loi. De tels rescrits ou garanties demeureront invocables tant que l'administration ne les aura pas rapportés. Enfin, en cas de bonne foi de l'entreprise, l'administration ne fera pas application des majorations prévues par les dispositions de l'article 1729 du CGI.

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