Question de M. KLINGER Christian (Haut-Rhin - Les Républicains) publiée le 13/04/2023

M. Christian Klinger attire l'attention de Mme la ministre de la transition énergétique sur l'instabilité que créerait une interdiction des chaudières sur le système énergétique. En effet, selon certaines sources, le Gouvernement devrait prochainement lancer une consultation publique sur le chauffage dans les bâtiments avec, en option, l'interdiction de l'installation des chaudières gaz dans le logement. Or, lors de la pointe hivernale, le gaz fournit jusqu'à 50 % des besoins d'énergie. Se priver du gaz, c'est donc se priver de capacités pilotables capables de délivrer toute l'énergie consommée aux jours les plus froids. Les scénarios du Réseau de transport d'électricité (RTE) et de l'agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) prévoient d'ailleurs le maintien de 6,5 à 10 millions de logements chauffés au gaz à l'horizon 2050, dont plusieurs millions de pompes à chaleur (PAC) hybrides. La PAC hybride, association d'une PAC électrique de puissance optimisée et d'une chaudière gaz à très haute performance énergétique (THPE), présente le double avantage de diminuer la consommation de gaz chez le particulier et de préserver l'équilibre du système électrique en hiver. Face aux risques pesant sur la sécurité d'approvisionnement, pourquoi se priver d'un tel outil de flexibilité ? L'interdiction des chaudières au gaz se traduirait par des transferts massifs du chauffage au gaz vers le chauffage électrique, et donc une forte augmentation de la demande hivernale d'électricité, mettant en risque la résilience du système électrique à court, moyen et long terme, tout en générant des effets dévastateurs sur la pointe électrique et la sécurité d'approvisionnement. Au total, les écarts offre-demande pourraient, s'ils se cumulaient, atteindre 30 à 50 GW lors des pointes hivernales en 2050, voire bien davantage si les interconnexions avec les pays voisins ne sont pas mobilisables ou si des solutions de flexibilité pluri-journalières et saisonnières ne permettent pas de compenser l'intermittence de la production des énergies renouvelables (EnR). Aucun scénario RTE n'anticipe un tel scénario. En outre, cela entraînerait des investissements supplémentaires sur le réseau électrique. RTE estime déjà à 750 - 1 000 Mds d'euros les investissements nécessaires sur le système électrique à horizon 2050. Selon un rapport de la Cour des comptes, le coût du nucléaire et des renouvelables électriques est d'ores et déjà plus élevé que les hypothèses prises en compte dans ces travaux. Au contraire, le développement des gaz verts ne nécessite pas d'investissements lourds. L'investissement nécessaire sur les moyens de production et les infrastructures est évalué à 150 Mds d'euros. Compte tenu de la trajectoire de verdissement du gaz, les solutions de chauffage au gaz installées aujourd'hui consommeront une énergie majoritairement renouvelable sur la durée de vie de l'équipement. Aussi, il interroge le Gouvernement sur la prise en compte de ces enjeux de résilience du système énergétique dans la politique nationale de décarbonation des logements.

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Réponse du Ministère de la transition énergétique publiée le 20/04/2023

Dans le cadre de la planification écologique et pour atteindre nos objectifs ambitieux fixés en matière climatique, tous les secteurs seront mobilisés pour accélérer la baisse des émissions de gaz à effet de serre. En dépit des efforts réalisés sur la dernière décennie, nous devons encore doubler le rythme de réduction d'ici 2027. A cet égard, le secteur des bâtiments, qui représente 18 % des émissions en France, devra donc contribuer à l'accélération de la décarbonation du pays, au même titre que les transports ou encore l'industrie. Dans ce cadre, nous devons interroger tous les leviers disponibles : accentuation de la dynamique d'isolation, accélération du rythme de sortie des énergies fossiles ou encore pérennisation des efforts de sobriété. Il n'y a, à ce jour, pas d'interdiction d'installation de chaudières gaz dans les logements existants. Toutefois, cet enjeu renvoie à la problématique de sortie progressive des énergies fossiles, pour laquelle un certain nombre de jalons a déjà été posé. En effet, depuis le début de l'année 2022, la réglementation environnementale RE2020 impose le recours à une part importante d'énergie décarbonée pour le chauffage et l'eau chaude sanitaire dans les logements neufs. Cette première échéance s'est imposée aux maisons individuelles et s'étend progressivement aux logements collectifs en 2025 et dans les bâtiments tertiaires. L'objectif poursuivi par cette réglementation est l'amélioration de la performance énergétique et du confort des constructions, tout en diminuant leur impact carbone. Par ailleurs, certaines aides tirent déjà les conséquences de cet impératif de sortie progressive des énergies fossiles : ainsi MaPrimeRénov', principale aide à la rénovation énergétique des logements, ne subventionne plus l'installation de nouvelles chaudières au fioul ou au gaz. Comme toutes les actions engagées en vue d'accélérer la transition énergétique dans notre pays, des évolutions sont nécessaires pour proposer aux Français des alternatives moins carbonées et plus efficaces en termes énergétiques. Les solutions existent : il s'agit par exemple de recourir aux réseaux de chaleur ainsi qu'aux énergies renouvelables ou de récupération (pompes à chaleur, géothermie de surface, systèmes solaires ou biomasse). Ces solutions sont compétitives, et induiront une plus faible consommation d'énergie du bâtiment construit. Au vu de cette plus faible consommation d'énergie des bâtiments neufs, cela pourra être mis en oeuvre sans impact négatif sur le réseau électrique, comme indiqué dans les rapports « Futurs énergétiques 2050 » de RTE et les « Eléments de prospective du réseau public de distribution d'électricité à l'horizon 2050 » d'Enedis, qui prennent en compte une fin du gaz progressive dans les bâtiments neufs tout en assurant la viabilité du réseau. C'est aussi un enjeu de souveraineté dans la mesure où ces installations alternatives décarbonées ne reposent pas sur une énergie massivement importée comme le gaz. Ces changements structurels s'engagent progressivement, afin de donner de la visibilité et le temps de l'adaptation à l'ensemble des acteurs. En tout état de cause, je suis convaincue que le recours aux énergies décarbonées est générateur de nouvelles perspectives pour les entreprises désireuses de s'engager dans ces solutions d'avenir. Le Gouvernement est engagé pour accompagner la transition des filières industrielles du chauffage vers des énergies bas carbone. Plusieurs outils déployés par l'Etat y concourent : le renforcement des aides au raccordement aux réseaux de chaleur ; le Fonds chaleur et le Plan géothermie, lancé en février 2023. Les actions en cours pour développer l'industrie française des pompes à chaleur, qui font l'objet d'échanges avec les filières, y contribuent également. Les énergies décarbonées sont ainsi de plus en plus matures et deviendront très prochainement le standard pour la rénovation des maisons individuelles et des chaufferies collectives. Enfin, s'agissant du biogaz, énergie décarbonée qui n'est pas utilisée seulement dans le secteur des bâtiments, doit être encouragée. Madame la ministre rappelle néanmoins les ordres de grandeur en jeu : nous avons consommé 480TWh de gaz en 2021 et nous avons actuellement une capacité d'injection dans le réseau de 10TWh de biogaz, avec un gisement global de biomasse qui restera limité et fortement sollicité par ailleurs, y compris par l'industrie de la biochimie ou pour décarboner des secteurs qui n'ont que peu d'alternatives comme l'aviation ou le maritime. Réduire notre consommation globale de gaz n'est donc pas incompatible avec un développement fort du biogaz, au service des secteurs et pour le cas où les alternatives au gaz sont limitées. Nous devons faire les deux afin de sortir au plus vite des énergies fossiles.

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