Question de M. CHAIZE Patrick (Ain - Les Républicains) publiée le 20/04/2023

M. Patrick Chaize interroge M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'interprétation des textes en matière de procédure de divorce.
Avant le décret n° 2019-1380 du 17 décembre 2019, si l'acceptation des deux époux sur le principe du divorce n'avait pas été donnée au moment de l'audience de conciliation, l'article 1123 du code de procédure civile prévoyait que les époux pouvaient, à tout moment de la procédure, par simples conclusions concordantes et déclaration d'acceptation, trouver un accord et voir prononcer leur divorce sur un mode amiable par acceptation du principe du divorce. Désormais, la procédure est engagée directement par une assignation en divorce visant tant les mesures provisoires que le fond et, en particulier, la cause du divorce à l'exception de celle liée à l'article 242 du code civil. Il est également possible d'indiquer dans l'assignation introductive d'instance que la cause du divorce sera mentionnée dans les premières conclusions sur le fond, c'est-à-dire après l'audience d'orientation et sur mesures provisoires. Ce cas de figure fait difficulté aujourd'hui car il arrive fréquemment qu'au moment de l'introduction de la procédure, le demandeur ne connaisse pas encore le fondement à retenir et qu'il indique que celui-ci sera mentionné dans les premières conclusions. Si les parties s'accordent lors de l'audience d'orientation et sur mesures provisoires sur le principe d'un accord amiable, il n'y aura pas de difficultés puisqu'un procès-verbal constatant l'accord des parties sur le principe du divorce sera régularisé immédiatement. Mais lorsqu'aucun procès-verbal d'accord n'est signé à l'audience et qu'un accord entre les parties sur le principe d'un divorce amiable n'intervient que postérieurement à celle-ci, des magistrats considèrent aujourd'hui qu'il n'est plus possible de conclure directement, même de manière concordante, à l'acceptation du principe du divorce pour le voir prononcer de manière amiable et apaisée. En effet, l'article 1123 du code civil renvoie à l'article 247-1 du code civil qui ne prévoit que l'application de la passerelle entre un fondement pour faute ou pour altération définitive du lien conjugal et le fondement de l'acceptation du principe de la rupture du mariage. Il en résulte que, dans l'interprétation retenue par un certain nombre de juges aux affaires familiales, pour que les époux puissent divorcer à l'amiable sur le fondement de l'article 233 du code civil, le demandeur doit d'abord conclure, de manière artificielle et inutile, sur le fondement de la faute ou de l'altération définitive du lien conjugal avant de déposer de nouvelles conclusions concordantes avec la partie adverse (passerelle de l'article 247-1) sur le fondement de l'article 233 du code civil, en joignant à ses conclusions une déclaration d'acceptation par acte contresigné par avocats. Or, l'article 233 du code civil dans sa version tirée de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, en vigueur au 1er janvier 2021, semble autoriser de manière autonome, le recours au fondement de l'acceptation du principe de la rupture du mariage sans mise en oeuvre de la passerelle de l'article 247-1 du code civil.
Aussi, il lui demande de se prononcer sur l'interprétation à donner à ces textes. Si celle-ci valide l'application exclusive de la passerelle de l'article 247-1 du code civil, il conviendrait qu'une modification intervienne et autorise expressément le recours autonome à l'article 233 du code civil hors le cas de la passerelle de l'article 247-1 du code civil et, en particulier, que les parties puissent déposer des conclusions concordantes sur la base de l'article 233 du code civil à tout moment de la procédure et, notamment, immédiatement après l'audience d'orientation et sur mesures provisoires, même dans le cas où l'assignation d'origine prévoit que la cause du divorce sera mentionnée dans les premières conclusions.

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 03/08/2023

La loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 et le décret n° 2019-1380 du 17 décembre 2019 ont réformé la procédure relative à l'acte introductif d'instance. Ces nouvelles dispositions sont applicables aux procédures de divorce introduites à compter du 1er janvier 2021. Afin d'accélérer et d'assouplir le traitement des procédures de divorce en vue de favoriser la recherche d'accords entre les époux, la double saisine (la requête et l'assignation en divorce) a été supprimée et remplacée par un seul acte de saisine (la requête). Il n'existe ainsi désormais plus qu'une seule et unique instance. Conformément aux dispositions de l'article 1123 du code de procédure civile, qui n'ont pas été remises en cause par la réforme, les époux, assistés l'un et l'autre d'un avocat, peuvent opter pour le divorce accepté avant l'introduction de la demande en divorce en signant un acte sous signature privée contresigné par avocats au plus tôt six mois avant la demande en divorce (article 1123-1 alinéa 1er du code de procédure civile). Les époux ne sont donc pas contraints d'opter artificiellement dans un premier temps pour un divorce pour faute ou pour altération définitive du lien conjugal, afin, dans un second temps, d'opter pour un divorce accepté. Cette hypothèse correspond à la possibilité, qui était déjà offerte aux époux avant la réforme du divorce, d'opter pour un divorce accepté après la tentative de conciliation et avant toute procédure au fond (ancien article 1123 alinéa 3 du code de procédure civile). Les époux peuvent également opter pour un divorce accepté lors de l'audience sur mesures provisoires (article 1123-1 alinéa er et 2 du code de procédure civile), ainsi qu'ils pouvaient déjà le faire dans le cadre de l'ancienne procédure de divorce lors de l'audience de tentative de conciliation. Lorsque les époux ont introduit une demande en divorce et qu'ils n'ont pas accepté le divorce au cours de l'audience sur mesures provisoires, ils ne peuvent opter pour le divorce accepté que dans l'hypothèse où une procédure en divorce pour faute ou en divorce pour altération définitive du lien conjugal a été engagée (article 247-1 du code civil non modifié par la réforme du divorce). Cette exigence procédurale n'est toutefois pas un frein au choix d'un divorce accepté puisqu'elle reste identique à celle qui était prévue par le droit antérieur et n'empêche pas d'opter pour ce type de divorce (ancien article 1123 alinéa 5 du code de procédure civile). Les époux peuvent donc opter, à tout moment de la procédure, pour un divorce pour acceptation du principe de la rupture du mariage. Aussi, le droit positif s'inscrit dans l'objectif de pacification et de facilitation de la recherche d'accords entre les époux pour privilégier le choix d'un divorce consensuel.

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