Question de Mme PLUCHET Kristina (Eure - Les Républicains) publiée le 27/04/2023

Mme Kristina Pluchet interroge Mme la ministre de la transition énergétique au sujet de l'avenir des chaudières thermiques. La direction générale de l'énergie et du climat, comme la direction de l'habitat, de l'urbanisme et du patrimoine, souhaiteraient en effet exclure du label basse consommation « les chaudières majoritairement alimentées en combustibles fossiles ». C'est l'objet d'un actuel projet de modification de l'arrêté fixant les conditions d'obtention du dit label, qui conditionne l'accès à des aides publiques complémentaires à MaPrimeRénov' et/ou à des avantages fiscaux. Depuis plusieurs semaines, les ministères de la transition écologique et de l'économie ont ainsi entamé des discussions avec les fédérations professionnelles du monde du bâtiment et de la filière gaz. Cette position épouse celle de la Commission européenne et de son projet de règlement européen (dit Ecodesign) interdisant dès 2029 toutes les chaudières, y compris compatibles avec des biocombustibles, alors même que les parlementaires européens ont trouvé un compromis au sein de la directive européenne « efficacité énergétique du bâtiment », par lequel ils autorisent les « chaudières compatibles avec des biocombustibles » à être mobilisables pour atteindre les objectifs fixés par « Fit for 55 ».
Or les parlementaires français vont devoir se saisir en 2023 et 2024 de la stratégie française sur l'énergie et le climat via la programmation pluriannuelle de l'énergie et la stratégie nationale bas carbone.
Ces concertations et ces orientations semblent donc éminemment questionnables. Le Gouvernement procède à des orientations énergétiques stratégiques par voie règlementaire, en amont des décisions qui seront prises par le législateur.
Il confond également fin et moyen en réduisant les options ouvertes aux Français pour décarboner, qu'il précipite dans des impasses technico-économiques. Interdire des équipements fonctionnant avec des combustibles et des biocombustibles n'est pas sans conséquences : pour la résilience de notre réseau électrique qui sera encore notoirement non mature, pour le portefeuille des ménages qui n'auront pas les moyens de s'engager dans la rénovation énergétique de leur logement, pour la filière gaz renouvelable, pour une partie de notre tissu industriel, pour nos finances publiques.
Elle lui demande donc le fondement technologique rationnel de l'exclusion des chaudières thermiques du label basse-consommation et les résultats de l'étude d'impact que le Gouvernement a bien évidemment mené pour une telle mesure d'envergure pour les secteurs concernés.

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Réponse du Ministère auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des collectivités territoriales et de la ruralité publiée le 17/05/2023

Réponse apportée en séance publique le 16/05/2023

M. le président. La parole est à Mme Kristina Pluchet, auteure de la question n° 642, adressée à Mme la ministre de la transition énergétique.

Mme Kristina Pluchet. Madame la ministre, au début du mois de mars, le Gouvernement a lancé auprès des fédérations professionnelles concernées une consultation pour modifier l'arrêté qui fixe les conditions d'obtention du label basse consommation - je fais référence ici aux dispositifs liés à MaPrimeRénov'.

Est ainsi envisagée l'exclusion des « chaudières alimentées majoritairement par des combustibles fossiles ». Nous ne sommes pas naïfs : il s'agit là d'une première mesure allant dans le sens du projet de règlement de la Commission européenne, qui souhaite interdire dès 2029 toutes les chaudières, y compris celles qui sont compatibles avec des biocombustibles, alors même que les parlementaires européens sont parvenus à un compromis pour les autoriser.

Or les parlementaires français vont devoir se saisir de la stratégie française sur l'énergie et le climat avec deux échéances majeures en 2023 et en 2024.

Ces orientations sont donc, vous en conviendrez, éminemment questionnables. Le Gouvernement semble procéder à des orientations énergétiques stratégiques par voie réglementaire, en amont du législateur.

Madame la ministre, sur cette question épineuse au sujet de laquelle le Gouvernement a été plusieurs fois interrogé, j'ai lu vos arguments, vos chiffres, vos promesses de concertation, mais j'aimerais une fois pour toutes que vous nous expliquiez sur quelles études précises vous vous fondez pour envisager d'exclure tout un vecteur énergétique de chauffage qui remplira pourtant des critères très intéressants de performance.

Quels sont les résultats de l'étude d'impact économique que vous avez bien évidemment menée pour envisager une mesure d'une telle envergure ?

Compte tenu des lourdes conséquences financières pour les ménages français, il serait dommage que l'on s'aperçoive a posteriori que tout cela repose sur des projections dogmatiques et incomplètes, comme d'autres décisions énergétiques passées.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Madame la sénatrice Pluchet, il n'y a, à ce jour, pas d'interdiction d'installation de chaudières au gaz dans les logements existants. Depuis le début de l'année 2022, la réglementation environnementale RE2020 impose le recours à une part importante d'énergie décarbonée pour le chauffage et l'eau chaude sanitaire dans les logements neufs.

S'agissant du biogaz, énergie décarbonée qui n'est pas utilisée seulement dans le secteur des bâtiments, son développement doit être encouragé. Je rappelle néanmoins les ordres de grandeur en jeu : nous avons consommé 480 térawattheures de gaz en 2021 et nous avons actuellement une capacité d'injection dans le réseau de seulement 10 térawattheures de biogaz, avec un gisement global de biomasse qui restera limité et fortement sollicité par ailleurs.

Les tarifs d'achat du biogaz injecté dans les réseaux seront bientôt revalorisés et accompagnés de plusieurs mesures de simplification et de flexibilisation. Le dispositif des certificats de production de biométhane introduit par la loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets de 2021, dite loi Climat et résilience, obligera progressivement les fournisseurs à augmenter la part de biométhane incorporée.

Réduire notre consommation globale de gaz n'est donc pas incompatible avec un développement fort du biogaz, au service des secteurs et pour le cas où les alternatives au gaz sont limitées. Nous devons faire les deux afin de sortir au plus vite des énergies fossiles, décarboner notre économie et renforcer notre souveraineté énergétique.

Enfin, concernant une éventuelle interdiction progressive de la vente de chaudières à gaz neuves, une telle décision ne pourrait s'envisager qu'après une concertation large et documentée avec les parties prenantes, et dimensionnée précisément en tenant compte de l'ensemble des enjeux techniques et économiques associés. Il importe de ne laisser aucun ménage dans l'impasse et de donner suffisamment de visibilité aux professionnels.

M. le président. La parole est à Mme Kristina Pluchet, pour la réplique.

Mme Kristina Pluchet. Madame la ministre, vous n'avez pas tout à fait répondu à ma question. Il importe, selon moi, de tirer la leçon de ce qui s'est produit l'hiver dernier. Soyez pragmatique, le mix énergétique est toujours plus prudent !

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