Question de M. CANÉVET Michel (Finistère - UC) publiée le 20/04/2023

M. Michel Canévet attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse concernant les sanctions liées à l'utilisation des intelligences artificielles génératives, et en particulier ChatGPT, au sein des établissements scolaires et universitaires.

En effet, depuis que ce type d'intelligences artificielles est accessible au public, les professeurs des universités, des facultés, des lycées et des collèges sont confrontés à un nouveau type de plagiat, bien plus compliqué à repérer et donc à sanctionner qu'auparavant.

De plus en plus d'étudiants utilisent en effet les intelligences artificielles pour rédiger un texte, une dissertation et même un mémoire ; travaux qui, de par une méconnaissance des enseignants de ces nouvelles technologies, ne seront pas identifiés comme tels et considérés comme du plagiat.

Pourtant, d'après les articles L. 335-2 et L. 335-3 du code de la propriété intellectuelle, l'auteur d'une oeuvre de l'esprit en violation des droits de l'auteur tels qu'ils sont définis et réglementés par la loi peut être sanctionné d'une peine de 300 000 euros d'amende et de trois ans d'emprisonnement.

Ainsi, l'on peut se demander si l'utilisation dissimulée d'intelligences artificielles pour l'écriture de travaux importants notamment dans le cadre universitaire ne pourrait pas être soumise aux mêmes règles et donc sanctions que le plagiat d'oeuvres intellectuelles, parallèlement aux sanctions académiques déjà infligées.

Il lui demande donc d'une part quelles sont les dispositions à l'échelle des collèges, des lycées et des universités pour alerter les enseignants de ce phénomène qui met en péril les efforts de réflexion et de recherches des étudiants et d'autre part si la législation en matière de plagiat est applicable à ces nouveaux services.

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Transmise au Ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche


Réponse du Ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche publiée le 07/09/2023

Le développement de l'intelligence artificielle (IA) a connu des avancées significatives notamment du fait des évolutions technologiques récentes tant en matière de capacité à traiter des masses considérables de données que des modalités de ces traitements (deep learning et machine learning par exemple). Sa mise à disposition du grand public va avoir progressivement un impact sur toutes les sphères de la société. En matière d'enseignement, comme ailleurs, ChatGPT - et les autres IA - bousculent les usages et drainent leur lot de mésusages, nécessitant que le sujet soit observé avec sérieux et pragmatisme tout en requérant une vigilance supplémentaire des enseignants. L'avènement de l'IA dans l'enseignement supérieur pose également, et nécessairement, la question de l'évolution des métiers et des compétences, avec, en arrière-fond, le sujet de l'évolution des formations et de l'évaluation des apprentissages. En conséquence, le secteur de l'enseignement supérieur doit pouvoir adapter ses méthodes d'apprentissage, d'enseignement et d'évaluation de sorte que l'IA soit utilisée de manière efficace et appropriée. Dans le cadre de leur liberté académique, il appartient aux enseignants-chercheurs de décider de la façon dont ils souhaitent mobiliser ou interdire ces outils conversationnels pour en adapter les usages à leurs enseignements. Les établissements de l'enseignement supérieur ont également la responsabilité d'encourager et de synthétiser cette réflexion, pour adapter les méthodes d'apprentissage et d'évaluation, à l'image des règles que se sont fixés certains établissements comme Sciences Po Paris d'encadrer l'outil conversationnel. S'agissant de la question du plagiat, on peut tout d'abord mentionner que les oeuvres créées par des IA ne sont pas protégées en elles-mêmes sauf si elles reproduisent des oeuvres de l'esprit au sens du code de la propriété intellectuelle. Il en va de même en droit américain ainsi que vient de le rappeler le Copyright Office, organisme chargé de gérer l'enregistrement des oeuvres protégées aux États-Unis. Ainsi, sauf si le texte reproduit lui-même une oeuvre au sens du code de la propriété intellectuelle, recopier un texte produit par ChatGPT ne peut être sanctionné au regard des dispositions des articles L. 122-4 et L. 335-2 du code de la propriété intellectuelle. Il n'en reste pas moins que l'indication des sources est une obligation juridique, académique et éthique. D'un point de vue académique, notamment, elle doit permettre d'apprécier la valeur pédagogique du travail original réalisé par son auteur. Ne pas mentionner les sources pour faire sien un travail réalisé par autrui ou par une IA est, en conséquence, constitutif d'une fraude susceptible d'être poursuivie et sanctionnée, pour les usagers de l'enseignement supérieur, en application des dispositions des articles R. 811-1 et suivants du code de l'éducation. La décision d'engager des poursuites à l'encontre d'un usager n'est pas encadrée par un délai de prescription. Il est donc possible d'engager des poursuites à tout moment, y compris plusieurs années après les faits et même lorsque la personne concernée a quitté l'établissement, dans l'hypothèse où les faits sont connus tardivement, ce qui peut par exemple être le cas pour des fraudes difficiles à détecter. Les sanctions peuvent aller jusqu'à l'exclusion définitive de tout établissement public d'enseignement supérieur. Elles sont assorties du retrait du diplôme obtenu par fraude. Un acte obtenu par fraude ne crée pas de droit au profit de son bénéficiaire et peut être retiré à tout moment (article L. 241-2 du code des relations entre le public et l'administration). Sur ce fondement, le président d'université peut également retirer un diplôme obtenu par fraude en dehors de toute procédure disciplinaire et sans condition de délai. La décision doit être motivée et faire l'objet d'une procédure contradictoire préalable (articles L. 211-2 et L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration). Enfin, l'université peut aussi se fonder sur l'article 1er de la loi du 23 décembre 1901 réprimant les fraudes dans les examens et concours publics qui prévoit que toute fraude commise dans les examens et les concours publics qui ont pour objet l'entrée dans une administration publique ou l'acquisition d'un diplôme délivré par l'État constitue un délit.

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