Question de M. JACQUIN Olivier (Meurthe-et-Moselle - SER) publiée le 27/04/2023

M. Olivier Jacquin attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur la nécessité de contrôler les parts de production agricole dédiée à des fins non alimentaires.

Il semble qu'à ce jour, aucunes données de référence fournies par les observatoires nationaux ou la politique agricole commune (PAC) ne permettent de les recenser. Les données demeurent éclatées et manquent d'homogénéité alors même qu'elles permettraient de lutter contre l'une des externalités négatives les plus urgentes à soulever, à savoir la déstabilisation des autres filières.
Il semble nécessaire de porter une attention particulière à cet enjeu afin d'éviter de s'engouffrer dans les méandres du modèle allemand par exemple, reposant sur les cultures dédiées (3/4 des sites), où la course à la production de biogaz s'est réalisée au détriment de la production agricole.

Il s'agirait de mettre en place un indicateur de destination des productions afin que chaque exploitant sache précisément, après la vente de sa production, la part de son assolement consacrée à l'alimentaire et celle dédiée à l'énergie et à des fins industrielles. Cela permettrait au ministère de centraliser l'information en temps réel et aurait un intérêt pédagogique pour les agriculteurs qui seraient destinataires de l'information à l'échelle de leur exploitation.

Si la politique française prévoit bien un plafond de 15 % pour les cultures dédiées, il paraît impossible, sans cet indicateur, d'assurer le contrôle du respect de ce plafond. Il lui demande donc de quelle manière le Gouvernement entend garantir ce contrôle et évaluer plus généralement l'ampleur des externalités négatives de la production agricole dédiée à des fins non alimentaires afin d'envisager un modèle français équilibré entre fins alimentaires et inscription dans le mix énergétique.

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Réponse du Ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire publiée le 31/08/2023

L'Union européenne (UE) et la France ont d'ores et déjà intégré dans leur réglementation des mesures dont l'objectif est de restreindre le risque de conflits entre les différents usages de la biomasse agricole, telles que la directive européenne 2018/2001 du 11 décembre 2018 qui fixe un plafond de 7 % de la consommation finale des transports pour les biocarburants produits à partir de matières agricoles en concurrence avec l'alimentaire. Le ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire porte une attention toute particulière à la durabilité de la mobilisation des ressources agricoles et à la bonne articulation des usages à travers notamment le travail d'expertise de ses services nationaux et régionaux sur les approvisionnements des projets consommateurs de biomasse. L'observatoire national des ressources en biomasse géré par l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) réalise ainsi un suivi local et national de la production et des usages de la biomasse agricole à des fins non alimentaires afin d'estimer les quantités de ressources disponibles sur le territoire et de prévenir des risques de conflits d'usages. En ce qui concerne plus particulièrement la filière de la méthanisation agricole, le Gouvernement est attaché à un développement durable de la filière, et la question de l'approvisionnement des installations a été identifiée comme fondamentale pour éviter la concurrence de la production d'énergie à partir de biomasse avec les usages alimentaires, à la fois en ce qui concerne les productions elles-mêmes, mais aussi les surfaces agricoles. Il s'agit d'encourager un modèle de méthanisation basé sur l'économie circulaire et la transition agro-écologique, valorisant en priorité des effluents d'élevage selon les objectifs fixés par le plan énergie méthanisation autonomie azote (EMAA). Aussi, cette question a été prise en compte depuis la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, qui prévoit à son article 112 que : « Les installations de méthanisation de déchets non dangereux ou de matières végétales brutes peuvent être approvisionnées par des cultures alimentaires dans la limite de seuils définis par décret. Les résidus de cultures associés à ces cultures alimentaires et les cultures intermédiaires à vocation énergétique sont autorisées ». Le décret n° 2016-929 du 7 juillet 2016 initialement pris pour l'application de cet article a été publié le 8 juillet 2016, après une concertation approfondie avec les parties prenantes. Ce décret a été modifié par le décret n° 2022-1120 du 4 août 2022 relatif aux cultures utilisées pour la production de biogaz et de biocarburants. Ce nouveau décret maintien un plafond maximal de 15 % en tonnage brut des intrants pour l'approvisionnement des installations de méthanisation par des cultures, alimentaires ou énergétiques, cultivées à titre de culture principale : il permet de clarifier les définitions et de renforcer l'encadrement de l'utilisation de cultures alimentaires. En ce qui concerne aussi bien les filières de cogénération que d'injection, il est prévu une prime « Pef » fonction de la proportion d'effluents d'élevage utilisés comme intrants de l'installation, cette prime étant maximale pour une proportion d'effluents d'élevage supérieure à 60 %. L'UE encadre également le changement d'affectation des terres, c'est-à-dire les situations dans lesquelles des cultures destinées à la production d'énergie occupent des terres auparavant consacrées aux cultures alimentaires, lesquelles risquent alors d'être déplacées dans des zones non exploitées jusque-là. L'entrée en vigueur en 2023 de la directive (UE) 2018/2001 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 relatives à la promotion de l'utilisation de l'énergie produite à partir de sources renouvelables, dite « directive RED II », apporte un renforcement de ces orientations, en soumettant l'ensemble des installations de production de bioénergies à des exigences de durabilité et de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Le Gouvernement continuera de porter une attention particulière aux bioénergies afin de tenir compte des disponibilités en biomasse au niveau national et de hiérarchiser ses usages, en priorisant l'alimentation humaine et animale et en fléchant son utilisation vers les secteurs où cela est le plus efficace ou présentant le moins d'alternatives.

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