Question de M. BACCHI Jérémy (Bouches-du-Rhône - CRCE) publiée le 04/05/2023

Question posée en séance publique le 03/05/2023

M. le président. La parole est à M. Jérémy Bacchi, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

M. Jérémy Bacchi. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Nous ne minimisons pas ce qui se passe à Mayotte depuis quelque temps : les violences, les agressions. Au contraire, la détresse de la population et l'insécurité qui y règnent sont insoutenables, notamment pour les plus faibles.

Pour nous, la seule solution envisageable pour briser cette spirale infernale est républicaine. Pourtant, monsieur le ministre, aujourd'hui, votre réponse est uniquement répressive. Elle n'est pas digne des valeurs républicaines. Détruire des bidonvilles, expulser des sans-papiers, cela ne permettra pas de rétablir la paix. À l'inverse, cela permet à un vice-président du conseil départemental de Mayotte de dire tranquillement sur une chaîne de télévision qu'il faut « peut-être en tuer quelques-uns ». Sur le fond, cet élu s'attaque violemment à nos valeurs républicaines et l'absence de réaction au plus niveau de l'État nous laisse un goût amer.

Monsieur ministre, l'opération Wuambushu que vous avez déclenchée est une atteinte aux droits humains. On attendait de la France une réponse respectueuse du droit et de nos valeurs et non qu'elle se comporte comme un chef de bande. En effet, vous démolissez des bidonvilles où vivent des Comoriens et des Mahorais, parfois de très jeunes, sans leur proposer de solution de logement digne.

Ne pas comprendre que les Comores sont à la fois plusieurs îles avec des statuts différents, mais avec un seul et unique peuple, c'est conduire dans une impasse toute tentative de résolution. D'ailleurs, le droit international est clair sur le sujet : pour l'ONU, cet archipel constitue un même pays.

Des enfants grandissent sans leur famille au nom du droit du sol et se retrouvent à survivre au quotidien. La République doit s'incarner dans ce qu'elle a de meilleur à Mayotte et pas seulement dans sa dimension répressive, alors que les droits les plus essentiels comme l'accès à l'éducation, l'accès à la santé, l'accès à l'alimentation, l'accès à un logement digne ne sont pas assurés.

Monsieur le ministre, la détresse sociale est grande. Quand, en dehors des réponses répressives, allez-vous apporter des réponses sociales à la hauteur des attentes des Mahorais et des Mahoraises ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur des travées des groupes SER et GEST. Mme Esther Benbassa applaudit également.)

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Réponse du Ministère de l'intérieur et des outre-mer publiée le 04/05/2023

Réponse apportée en séance publique le 03/05/2023

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer.

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer. Monsieur le sénateur, permettez-moi de vous dire que tout est scandaleux dans les propos que vous venez de tenir. (Exclamations sur les travées du groupe CRCE.) Vous venez de vous asseoir sur la Constitution de la République !

Je vous rappelle que c'est le Parlement, sur l'initiative du président Chirac, qui a inscrit Mayotte dans la Constitution.

M. Philippe Bas. C'est vrai !

M. Gérald Darmanin, ministre. Vous venez de dire que Mayotte n'était pas française, mais qu'elle était comorienne,...

Mme Éliane Assassi. Ce n'est pas ce qu'il a dit !

M. Gérald Darmanin, ministre. ... c'est-à-dire, que pour un représentant du peuple français dans une enceinte où siègent des représentants de Mayotte, vous partez du principe que la France n'est pas chez elle à Mayotte (M. Jérémy Bacchi fait un signe de dénégation.),...

Mme Laurence Cohen. Oh !

M. Gérald Darmanin, ministre. ... alors que les Mahorais, dans les années 1970, par le biais de deux référendums, monsieur le sénateur, et alors même que votre parti participait à d'autres gouvernements des années après, ont choisi librement de rester Français. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)

Vous venez de dire que la France se comportait en « chef de bande », quand nous interpellons, au péril de la vie des policiers et des gendarmes, tous les jours et toutes les nuits, des bandes criminelles ! C'est d'ailleurs le premier objectif de l'opération Wuambushu que nous avons lancée à la demande de tous les élus mahorais et même du responsable La France insoumise (LFI) de Mayotte. Ce dernier point mérite tout de même d'être souligné et je peux vous envoyer son communiqué de presse, que vous n'avez manifestement pas eu l'occasion de lire dans votre question d'actualité.

Oui, monsieur le sénateur, ce que le Gouvernement fait ici à Mayotte, c'est ce qu'il aurait dû faire depuis très longtemps : interpeller les bandes, casser la spirale incroyable des bangas, ces habitats illégaux où vivent des enfants, des vieillards, des personnes handicapées, qui n'ont ni eau, ni électricité, ni gaz.

Oui, monsieur le sénateur, l'immigration irrégulière est inacceptable, à Mayotte comme dans tous nos départements, c'est-à-dire dans toute la France. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Jérémy Bacchi, pour la réplique.

M. Jérémy Bacchi. Monsieur le ministre, je ne dis pas que la France ne doit pas agir. Je dis que les conditions dans lesquelles elle le fait aujourd'hui aggravent la situation. Le visa Balladur en est un parfait exemple : il ne fait qu'aggraver le fossé qui existe entre les différentes îles comoriennes. Il est grand temps de l'abroger ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE. MM. Daniel Salmon et Serge Mérillou, ainsi que Mme Esther Benbassa, applaudissent également.)

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