Question de M. BREUILLER Daniel (Val-de-Marne - GEST) publiée le 04/05/2023

Question posée en séance publique le 03/05/2023

M. le président. La parole est à M. Daniel Breuiller, pour le groupe Écologiste Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. Mme Laurence Rossignol applaudit également.)

M. Daniel Breuiller. Monsieur le ministre, l'eau est un bien commun et sa gestion durable est une nécessité vitale. Aujourd'hui, les sécheresses sont redoutables et de plus en plus brutales. Le dérèglement climatique s'accélère et notre adaptation n'est pas à la hauteur, parce qu'elle n'intègre pas suffisamment l'articulation entre les interventions d'urgence nécessaires et les interventions structurelles, qui sont, elles, indispensables.

C'est pourquoi je m'adresse à vous, monsieur le ministre Bruno Le Maire.

Depuis plusieurs jours, le maire de la ville de Grigny, dans l'Essonne, discute avec l'usine locale de Coca-Cola pour que l'entreprise arrête de puiser de l'eau dans la nappe phréatique. (Mme Cécile Cukierman s'exclame.)

En Isère, ST Microelectronics, qui a bénéficié de 2,3 milliards d'euros d'argent public, va consommer près de 29 000 mètres cubes par jour, l'équivalent de la consommation d'une ville de 100 000 habitants.

En Bretagne, l'installation de l'usine Bridor fait l'objet de contestations par sa consommation de terres agricoles et le manque de ressource en eau. (Mme Françoise Gatel s'exclame.)

Pour chacun de ces exemples, des solutions de réutilisation et de recyclage de l'eau existent. Les procédés sont coûteux : sans volonté et exigence politiques, sans conditionnalité des aides, la gestion de l'eau passera toujours au second plan.

Monsieur le ministre, vous supprimez la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) et renforcez les aides fiscales, mais quelles contreparties exigez-vous pour que les projets de réindustrialisation soient économes en eau et en ressources naturelles ?

Monsieur le ministre, nous soutenons la réindustrialisation utile de notre pays, car on peut être écologiste et pour l'industrie. Mais peut-on être libéral et soucieux de l'écologie ?

Combien de milliards d'euros consacrez-vous à l'exigence d'une réindustrialisation compatible avec le dérèglement climatique ? (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et CRCE. Mme Émilienne Poumirol applaudit également.)

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Réponse du Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires publiée le 04/05/2023

Réponse apportée en séance publique le 03/05/2023

M. le président. La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur, puisque vous avez vous-même expliqué que l'on pouvait être écologiste et en faveur de la réindustrialisation, je vous prends au mot et je vous réponds.

Pendant trop d'années et ce n'est pas une critique à l'encontre de qui que ce soit, parce qu'elle pourrait malheureusement concerner beaucoup au cours de ces dernières décennies , on a fait de l'écologie grâce à la désindustrialisation. En d'autres termes, on a baissé nos émissions puisqu'on a fermé des usines. Dans le même temps, pourtant, au moment où l'on diminuait nos émissions nationales, on augmentait notre empreinte, puisque l'on devait importer des produits venant de l'extérieur.

Par conséquent, considérer que la réindustrialisation permet de retrouver des circuits courts et s'inscrire dans cette logique est non seulement souhaitable, mais c'est exactement le chemin que nous devons suivre. Ce sera d'ailleurs au coeur du projet de loi Industrie verte qui sera présenté par Bruno Le Maire, en lien avec le ministère de la transition écologique.

Cette réindustrialisation appelle des défis au rang desquels se trouvent la gestion des ressources naturelles, le foncier disponible, la formation pour orienter les hommes et les femmes dans ce secteur et, bien entendu, la question de l'eau.

Pour l'eau, la trajectoire globale est simple : c'est celle de la sobriété. Quels que soient les usages, ce que disent les rapports du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec), c'est que l'eau dont nous disposons sera moins importante, puisque l'augmentation des températures augmentera l'évapotranspiration, et que, parallèlement, la végétation en absorbera une part plus élevée. C'est exactement ce qui explique que, au-delà de cette trajectoire de sobriété, nous devons optimiser les usages.

Dans ce cadre d'optimisation des usages, vous citez Grigny et l'usine Coca-Cola, laquelle pompe dans la nappe phréatique. Aujourd'hui, il existe des alternatives technologiques permettant, avec des procédés de réutilisation ou avec des dispositifs présents sur place, d'éviter de telles pratiques.

Monsieur le sénateur, je ne peux pas croire que vous ayez terminé votre intervention en disant que vous étiez favorable à la réindustrialisation et que, dans le même temps, confronté à la réalité de certains projets permettant de créer des emplois de proximité et d'éviter une empreinte carbone désastreuse, vous vous abritiez derrière les difficultés, alors que des chemins sont à créer pour rendre possible la réindustrialisation verte de notre pays. (M. François Patriat applaudit.)

Mme Françoise Gatel. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Daniel Breuiller, pour la réplique.

M. Daniel Breuiller. Monsieur le ministre, en l'absence de réponse du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, je vous indique que nous prônons depuis longtemps la relocalisation, car elle est une condition de cette indispensable transition écologique.

Pour autant, l'industrie ne doit pas seulement être décarbonée, comme vous le revendiquez : elle doit être réellement verte, c'est-à-dire socialement utile, soutenable et économe en eau. Les arbitrages sur les prélèvements d'eau doivent être transparents, décidés démocratiquement, en exigeant qu'ils soient modérés pour préserver les milieux. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et CRCE. Mme Esther Benbassa applaudit également.)

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