Question de M. BOCQUET Éric (Nord - CRCE) publiée le 11/05/2023

Question posée en séance publique le 10/05/2023

M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)

M. Éric Bocquet. Ma question s'adressait à M. le ministre délégué chargé des comptes publics, mais je sais qu'il est empêché et que c'est M. le ministre Lescure, chargé de l'industrie, qui me répondra.

Le ministre Attal fut hier dans tous les médias afin de présenter son plan de lutte contre la fraude fiscale. Il a déclaré vouloir « faire payer les impôts aux ultra-riches et aux multinationales qui fraudent ». Fichtre, voilà un discours auquel nous n'avions pas été habitués depuis 2017 ! Vous étiez, en effet, plutôt sur le registre de L'hymne à l'amour.

Vous annoncez vouloir renforcer le service d'enquête judiciaire, mais dans le même temps la direction générale des finances publiques va subir 3 000 suppressions d'emplois supplémentaires d'ici à 2027.

Nous notons avec intérêt l'idée d'une COP de la fiscalité et la création d'un conseil d'évaluation, sans doute une nouvelle mouture de l'observatoire imaginé par votre illustre prédécesseur en septembre 2018, une instance qui n'a malheureusement jamais vu le jour.

Je crains, monsieur le ministre, qu'il n'y ait un angle mort majeur dans votre dispositif : les paradis fiscaux. Considérez-vous, comme Bruxelles, qu'il n'existe pas de paradis fiscal au sein de l'Union européenne ?

Souvenez-vous un peu des révélations du journal Le Monde en février 2021 dans l'affaire OpenLux. Nous y apprenions que le Luxembourg hébergeait 55 000 sociétés offshore, dont 17 000 détenues par des compatriotes français cumulant ensemble 6 500 milliards d'euros d'actifs.

On ne peut pas, à cet instant, évoquer la fraude fiscale sans parler d'évasion fiscale. Allez-vous prendre des initiatives à l'échelon européen sur ce sujet ? N'y a-t-il pas lieu de mettre sérieusement à jour la liste française des paradis fiscaux, qui comprend aujourd'hui des États aussi fondamentaux n'y voyez aucune marque de mépris de ma part que le Vanuatu, les Palaos et les Fidji, mais aucun État membre de l'Union européenne ?

Albert Camus disait : « Mal nommer les choses, c'est ajouter aux malheurs du monde ».

Quant aux mesures répressives, elles doivent faire trembler d'effroi les potentiels fraudeurs fiscaux, qui pourraient être déchus de leurs droits civiques.

Enfin, je n'ai pu m'empêcher de sourire en imaginant un instant le PDG d'Amazon, M. Jeff Bezos, un pinceau à la main, en train de repeindre les murs de la perception d'Armentières, dans le Nord, dans le cadre d'une peine de travaux d'intérêt général ! (Sourires et applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur des travées des groupes SER et GEST. M. Henri Cabanel applaudit également.)

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Réponse du Ministère auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l'industrie publiée le 11/05/2023

Réponse apportée en séance publique le 10/05/2023

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de l'industrie.

M. Roland Lescure, ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l'industrie. Monsieur le sénateur Éric Bocquet, vous l'avez indiqué, Gabriel Attal est retenu avec Bruno Le Maire à l'Assemblée nationale pour un débat d'orientation des finances publiques.

Il m'a donc chargé de vous répondre, non pas sur l'air de L'hymne à l'amour je n'ai ni le talent ni la voix d'Édith Piaf , mais pour vous remercier en son nom du travail que vous réalisez depuis longtemps sur la question que vous soulevez aujourd'hui.

M. Rachid Temal. Travail qui vous inspire !

M. Roland Lescure, ministre délégué. Vous avez été le rapporteur d'une commission d'enquête au Sénat en 2012. Vous avez participé à toutes les réunions du groupe de travail lancé par Gabriel Attal en ce début d'année. Vous avez également été un membre extrêmement actif de la commission d'enquête du Sénat qui a travaillé durant l'année 2022. Ces travaux nous ont inspirés, notamment sur l'idée d'une COP fiscale, qui permettra de parfaire les relations et le travail de coopération à l'échelon international pour traquer la fraude fiscale là où elle se trouve.

Depuis six ans, le Gouvernement a fait des choses sur ce sujet.

M. Rachid Temal. Lesquelles ?

M. Roland Lescure, ministre délégué. Si les multinationales sont désormais taxées à un niveau minimal dans le monde, c'est grâce à la détermination du gouvernement français, qui a porté ce sujet à l'échelon international. Nous continuerons à le faire dans le cadre de cette COP fiscale.

Par ailleurs, nous allons renforcer les moyens domestiques pour traquer la fraude fiscale, 1 500 agents supplémentaires étant prévus d'ici à la fin du quinquennat. Nous allons aussi disposer de moyens nouveaux et modernes pour traquer les flux, y compris les flux des personnes, pour nous assurer que celles et ceux qui ne résident pas légalement en France n'y passent pas trop de temps.

De plus, nous allons aussi travailler sur la symétrie des relations entre l'administration et les contribuables. Quand un contribuable commet une erreur, il paie des intérêts de retard. Il est important que l'administration en fasse autant à l'égard des contribuables qui auraient eux-mêmes souffert d'une erreur.

Comme vous pouvez le constater, monsieur le sénateur, le Gouvernement ne mégote pas sur les moyens tant à l'échelon national qu'à l'échelon international. Nous continuons à lutter contre l'optimisation fiscale, voire contre la fraude fiscale. À cette fin, nous souhaitons augmenter les moyens que nous y consacrons et nous allons le faire ! (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)

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