Question de M. FERNIQUE Jacques (Bas-Rhin - GEST) publiée le 25/05/2023

Question posée en séance publique le 24/05/2023

M. le président. La parole est à M. Jacques Fernique, pour le groupe Écologiste - Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées du groupe SER.)

M. Jacques Fernique. Monsieur le ministre des transports, si nous voulons gagner tous ensemble, est-ce vraiment le moment de saper le fret ferroviaire public ? Comment peut-on, d'un côté, fixer les trajectoires du plan Climat et viser un objectif de report de la route vers le rail, de l'autre, accepter que Fret SNCF, l'acteur public majeur de cette transition indispensable, soit dépecé, qu'il soit démantelé ?

La Commission européenne, par sa procédure contre la France pour des aides d'État prétendument illégales à Fret SNCF, met en péril la survie même de cet acteur essentiel à la mutation des transports.

Monsieur le ministre, l'Europe réussira non pas par des procédures technocratiques ou par l'application aveugle d'une doxa libérale, mais par sa capacité à concrétiser son Green Deal et à atteindre l'objectif européen de 30 % de part modale du fret ferroviaire en 2030. La France en est encore loin, mais les choses commencent à bouger. Ne laissons pas cet élan se briser !

Entre la cause du climat et celle de la concurrence, le choix est évident ! Mais plutôt que de tenir cette ligne résolue, vous préférez, monsieur le ministre, en prendre votre parti et consentir à en finir avec Fret SNCF tel qu'il existe à l'heure actuelle, à le liquider pour lui substituer deux entités afin d'en rendre la structure assez différente pour que la direction générale de la concurrence de la Commission européenne admette une forme de « discontinuité économique », comme ils disent, et renonce ainsi à exiger le remboursement des aides.

Abandon des trains complets et de cinq cents emplois, garanties sociales et salariales en sérieux danger, ouverture du capital, cession d'une part des locomotives aux concurrents, renoncement aux appels d'offres pendant des années pour le trafic dédié...

Monsieur le ministre, comment ce scénario de découpe pourrait-il ne pas briser le rebond ferroviaire nécessaire ? Serez-vous le ministre des transports qui aura liquidé Fret SNCF ? (Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE.)

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Réponse du Ministère auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports publiée le 25/05/2023

Réponse apportée en séance publique le 24/05/2023

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports.

M. Clément Beaune, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports. Monsieur le sénateur Fernique, comme vous, je crois fermement en l'avenir du fret ferroviaire, qui représente une part essentielle de notre stratégie de planification écologique.

D'ailleurs, en déployant le plan Fret, il y a deux ans, nous avons inversé une tendance historique, celle du recul de la part du fret ferroviaire dans le transport de marchandises en France. Pour la première fois depuis 2015, cette part augmente de nouveau. Nous ne lâcherons pas cette ambition que nous partageons tous, me semble-t-il, dans cet hémicycle.

Pour cela, il nous faut un opérateur public de référence du fret ferroviaire et je suis déterminé à le maintenir.

Quelle est la situation, monsieur le sénateur ? Si nous voulons préparer l'avenir, il faut dire la vérité, sans facilité ni démagogie. Une procédure a été ouverte publiquement le 18 janvier dernier par la Commission européenne, après plusieurs échanges avec la France.

Je me suis occupé de ce dossier dès mon arrivée au ministère des transports il y a un peu moins d'un an. Les autorités françaises ont tout fait pour empêcher l'ouverture de cette procédure et pour contester, comme vous venez de le faire, la qualification par la Commission européenne de ces aides versées pendant quinze ans par les gouvernements successifs à Fret SNCF comme illégales.

La procédure ayant été engagée, notre choix est simple et nous devons le partager. Nous pouvons décider d'aller au bout de cette procédure - c'est une possibilité. Mais disons-le très franchement, cela impliquerait, de manière quasi certaine, la liquidation - la mort totale - de Fret SNCF, qui compte 4 800 salariés et des milliers de kilomètres de rails. Je ne veux pas de cette solution.

Aussi, en responsabilité, pour ne pas mettre en danger les femmes et les hommes du fret ferroviaire, pour conserver un groupe public du fret ferroviaire dont nous croyons qu'il a un avenir et que nous soutiendrons, nous devons trouver le plus rapidement possible un accord. Je l'assume : nous devons mettre fin à l'incertitude et éviter la mort de cet opérateur. (Exclamations sur les travées du groupe CRCE.)

Comme je m'y suis engagé, nous continuerons de disposer d'un opérateur public, nous ne le privatiserons pas, il gardera l'immense majorité de ses activités et il n'y aura aucun licenciement...

M. Fabien Gay. On en reparlera !

M. Clément Beaune, ministre délégué. ... ni report modal. Nous réinvestissons dans le fret ferroviaire de manière inédite et amplifions encore le plan déployé depuis 2021 pour renforcer cette ambition. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Il ne fallait pas démanteler la SNCF !

M. le président. La parole est à M. Jacques Fernique, pour la réplique.

M. Jacques Fernique. Monsieur le ministre, vous dites ne pas vouloir mettre en danger l'avenir du fret ferroviaire - vous avez parlé dans la presse de jouer à la roulette russe -, mais vous l'engagez dans un jeu risqué. Comment pouvez-vous croire qu'une telle désorganisation ne conduira pas les chargeurs et les acteurs économiques à privilégier la route et les camions ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées des groupes SER et CRCE.)

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