Question de M. SAUTAREL Stéphane (Cantal - Les Républicains-A) publiée le 11/05/2023

M. Stéphane Sautarel attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse sur Parcoursup. Parcousup est une plateforme d'admission dans l'enseignement supérieur mise en place en 2018. Elle remplace Admission post-bac (APB) et permet aux bacheliers et autres étudiants de formuler des voeux dans plusieurs formations. Parcoursup devait remédier au problème d'APB qui tirait les candidats au sort, mais aujourd'hui le problème n'est pas réglé. Au contraire, Parcoursup a imposé une généralisation de la sélection. Par ailleurs, il créé un stress pour les élèves de seconde qui doivent être conscients que leurs choix de spécialités en première peuvent leur fermer des portes sur Parcoursup. De plus, les bacheliers ne sont pas tous traités de la même manière. Les bacheliers « techno » et « pro » sont les premières victimes de Parcoursup et n'obtiennent pas de place en brevet de technicien supérieur (BTS) ou en diplôme universitaire de technologie (DUT). En réalité, en septembre, beaucoup de bacheliers arrivent dans une filière dans laquelle ils ne sont pas à leur place, ce qui les conduit à l'échec scolaire. En outre, dans un rapport publié en 2020, la Cour des comptes soulignait l'opacité de certains critères de sélection à l'entrée dans le supérieur, notamment le rôle que peut jouer le lycée d'origine. La Cour des comptes réclamait également de rendre publics les algorithmes locaux utilisés par les commissions d'examens.
En l'état actuel des choses, quatre ans après sa première utilisation, il est possible de considérer que Parcoursup est la traduction d'un examen algorithmique des dossiers, déshumanise les candidatures, source de stress non négligeable pour les élèves mais également d'inégalités.
La volonté de limiter l'accès au supérieur, notamment en raison d'un problème d'investissement à long terme corrélé au baby boom des années 2000, ne doit pas avoir de telles conséquences sur les études des élèves qui représentent l'avenir de demain.
De surcroît, les conséquences de Parcousup pour les étudiants en institut de formation en soins infirmiers ne sont pas négligeables. En effet, les étudiants sont beaucoup plus jeunes, manquent de maturité, font preuve de moins d'engagement, moins informés et conscients de la réalité de la profession, vivent mal l'éloignement géographique avec le domicile familial, abandonnent dès la première année, redoublent beaucoup plus, ce qui a pour conséquence une baisse du nombre de diplômés.
Alors que les professions médicales font partie des métiers dits en tension dans notre pays, il semble important de préserver notre système éducatif de santé. Par exemple, à l'institut de formation en soins infirmiers (IFSI) d'Aurillac, entre 2014 et 2019, entre 80,8 % et 86 % des étudiants passaient en deuxième année alors qu'en 2021/2022 ils ne sont plus que 57,2 %. De plus, alors qu'entre 2014 et 2019 il y avait 2 à 4 arrêts définitifs, en début d'année 2023 ils étaient déjà 7 à arrêter la formation.
Ainsi, il lui demande d'envisager une solution alternative pour combler les lacunes de Parcoursup pour l'ensemble des lycéens et pour identifier une autre voie pour les études de santé en général et d'infirmier en particulier.

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Transmise au Ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche


Réponse du Ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche publiée le 07/06/2023

Réponse apportée en séance publique le 06/06/2023

Mme le président. La parole est à M. Stéphane Sautarel, auteur de la question n° 665, transmise à Mme la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.

M. Stéphane Sautarel. Madame la ministre, Parcoursup devait remédier aux problèmes d'Admission post-bac, mais cette question est aujourd'hui loin d'être réglée. Au contraire, Parcoursup a imposé la généralisation de la sélection aléatoire et il crée un stress pour les élèves, qui doivent arrêter des choix de spécialité engageant leur avenir dès la seconde ; les élèves des filières technologiques et professionnelles en sont les premières victimes.

En réalité, beaucoup de bacheliers arrivent en septembre dans une filière où ils ne sont pas à leur place, ce qui les conduit à l'échec scolaire. Dans un rapport publié en 2020, la Cour des comptes soulignait l'opacité de certains critères de sélection à l'entrée dans le supérieur. L'édition 2023 de Parcoursup n'échappe pas à ces critiques, alors que ce dispositif engage non seulement la vie de nos enfants, mais encore les besoins collectifs de notre société.

Cinq ans après sa première utilisation, on peut considérer que Parcoursup est la concrétisation d'un examen algorithmique des dossiers, qui déshumanise les candidatures et constitue pour les élèves une source de stress non négligeable et d'inégalités.

Les conséquences de Parcoursup sur la filière de la santé en général et sur les instituts de formation en soins infirmiers (Ifsi) en particulier sont plus lourdes encore. Alors que les professions médicales font défaut dans notre pays, il convient de préserver notre système éducatif de santé. À l'Ifsi d'Aurillac, plus de 83 % des étudiants entre 2014 et 2019 passaient en deuxième année, alors qu'ils ne sont plus que 57 % en 2021-2022 et que le nombre d'arrêts en cours de formation augmente.

Ma question est donc simple, madame la ministre : envisagez-vous une solution de substitution pour remédier aux lacunes de Parcoursup pour l'ensemble des lycéens et pour identifier une autre voie pour les études de santé en général et d'infirmiers en particulier ?

Mme le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Sylvie Retailleau, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le sénateur Stéphane Sautarel, vous avez fait le choix de ne pointer que les défauts de Parcoursup. Je fais pour ma part celui de tenter de vous convaincre que, au contraire, avec Parcoursup, nous avons fait des progrès.

Je vous propose d'abord d'écouter les lycéens, au travers des données issues d'une étude d'Ipsos rendue publique en septembre 2022.

Plus de la moitié - 58 % - des lycéens interrogés déclarent avoir une expérience conforme, voire positive, par rapport aux attentes qu'ils avaient de la procédure. Les indicateurs liés à la phase d'admission progressent également : 72 % des lycéens sont satisfaits des réponses à leurs voeux, soit une augmentation de 2 points par rapport à 2021, et 68 % d'entre eux sont satisfaits des délais de réponses, soit une hausse de 4 points.

Cela étant dit, oui, il faut encore faire progresser Parcoursup, notamment pour réduire le stress ressenti lors de cette phase de choix. C'est également ce que nous disent les lycéens.

Nous avons donc amélioré la transparence de Parcoursup, apporté des informations plus claires sur les critères d'examen des voeux par les commissions d'enseignants - non, Parcoursup n'est pas un « algorithme », ce sont bien des enseignants qui examinent les dossiers - et nous renforçons dès cette année l'efficacité de la phase principale pour apporter des réponses plus vite et réduire le sentiment d'attente. Ce processus d'amélioration se poursuivra.

C'est également le cas pour les Ifsi. Le ministre de la santé a lancé une grande concertation avec les professionnels pour engager une réforme de la formation dès la rentrée de 2024.

Je ne partage pas votre analyse consistant à imputer à Parcoursup toute la responsabilité de difficultés dont les causes sont multiples, comme l'indique un rapport public des inspections générales sur ces instituts de formation. À la suite de cette étude, nous avons fait évoluer cette année la plateforme pour améliorer l'orientation des jeunes, leur connaissance de cette formation et pour permettre une meilleure évaluation de la motivation des candidats.

Voilà ce que nous faisons et ce que nous continuerons de faire.

Mme le président. La parole est à M. Stéphane Sautarel, pour la réplique.

M. Stéphane Sautarel. Madame la ministre, je pense que vous êtes largement dans le déni. Les témoignages qui remontent aujourd'hui du terrain, en provenance tant des familles que des jeunes, sont assez inquiétants !

Vous avez parlé de stress ressenti et de sentiment d'attente. Or il s'agit non pas de ressenti ou de sentiments, mais de réalités ! Et c'est encore plus grave pour les professions de santé. Là comme ailleurs, il faut remettre de l'humain dans le système.

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