Question de M. HINGRAY Jean (Vosges - UC) publiée le 11/05/2023

M. Jean Hingray attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice sur le manque de moyens de la justice dans la mise en oeuvre des mesures de sureté dans des procédures visant les mineurs
Le 25 avril 2023, un drame effroyable s'est déroulé dans la ville de Rambervillers située dans le département des Vosges. Le corps sans vie de Rose, âgée de 5 ans, a été découvert déshabillé dans un sac plastique au sein d'un appartement. Le seuil de l'abominable était à nouveau franchi.
L'enquête permettait de mettre en cause un adolescent âgé de 15 ans qui avait lui-même contacté les autorités judiciaires.
Interpelé immédiatement et placé en garde à vue, ce jeune garçon faisait usage de son droit au silence. Mis en examen, il était ensuite placé en détention provisoire.
Il ressortait alors que ce jeune garçon avait également été mis en examen au cours de l'année 2022 dans une autre procédure et placé sous contrôle judiciaire. L'information judiciaire se poursuivait, mais aucune date prévisible d'achèvement n'était évoquée ni aucune date éventuelle de jugement.
Ainsi, dans l'hypothèse où l'adolescent aurait commis les faits qui lui sont reprochés, il apparait que deux problématiques se posent :
La première résulte d'une lenteur singulière de l'autorité judiciaire qui n'a pas permis que le premier dossier reçoive une réponse judiciaire circonstanciée dans un délai raisonnable et ce, nonobstant l'entrée en vigueur le 30 septembre 2021 du code de la justice pénale des mineurs qui avait pourtant cet objectif. En effet, si le code de la justice pénale des mineurs (CJPM) a réduit le délai de comparution d'un mineur devant le tribunal suite à une décision de renvoi prise par le procureur de la République, les délais encadrant l'instruction n'ont fait l'objet d'aucune évolution.
La seconde résulte dans une prise en charge manifestement insuffisante de l'adolescent mis en cause dans le cadre de son contrôle judiciaire. L'article L. 311-2 du CJPM établit une liste d'interdictions et d'obligations auxquelles peuvent être soumis le mineur mis en examen. Parmi celles-ci se trouvent notamment : « 10°) Obligations de soin, hospitalisation ; 14°) obligation de respecter prise en charge sanitaire, sociale, éducative et psychologique et éventuellement obligation de placement ».
Ces dispositions ont une utilité incontestable dans la préservation des intérêts de la société face au comportement de personnes pouvant être psychiatriquement ou criminologiquement dangereuses.
Toutefois, à défaut de personnel suffisant dans les services éducatifs en charge de leur application, elles resteront totalement inefficaces et risquent de ne plus être des alternatives crédibles au placement en détention provisoire.
Le projet de loi d'orientation et de programmation pour la justice ambitionne d'augmenter le budget de la justice, prévoyant notamment l'embauche de magistrats et greffiers.
Il demeure toutefois totalement muet sur la question des intervenants judiciaires, chargés, notamment de contrôler le strict respect de mesures de sureté prononcées à l'encontre de personnes mise en cause dans une procédure et dans l'attente d'un jugement.
L'exigence légitime de sécurité attendue par nos concitoyens passant nécessairement par l'effectivité des mesures décrites, il lui demande ce que le Gouvernement compte entreprendre pour faire cesser ces situations.

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 07/12/2023

Le souci de juger les mineurs dans des délais satisfaisants est primordial. A cet effet, le code de la justice pénale des mineurs (CJPM) encadre les délais de jugement des mineurs poursuivis pour des délits, afin de renforcer l'efficience de la justice pénale. La loi prévoit désormais que le jugement sur la culpabilité intervienne dans un délai compris entre 10 jours et trois mois à compter des poursuites et que le jugement sur la sanction intervienne dans un délai compris entre six et neuf mois à compter de l'audience de culpabilité. Au 31 décembre 2022, les délais de jugement sont très satisfaisants au niveau national : - Délai entre la poursuite et l'audience de culpabilité : 1,9 mois - Délai entre l'audience de culpabilité et l'audience de sanction : 6,2 mois - Délai entre la poursuite et l'audience de sanction : 8,9 mois Sous l'empire de l'ordonnance du 2 février 1945, qui ne prévoyait pas d'encadrement des délais, la durée moyenne entre la saisine du juge des enfants et le jugement était de 17,6 mois en 2020 et de 14,7 mois en 2021 (audience en cabinet et audience devant le tribunal pour enfants). Ces résultats positifs ont été soulignés par le rapport d'information sur l'évaluation de la mise en oeuvre du CJPM présenté par les députés TERLIER et UNTERMAIER le 22 mars dernier. Ces délais contraints prescrits par le CJPM ne s'imposent pas au juge d'instruction, exclusivement compétent pour mettre en examen les mineurs suspectés de délits complexes ou de crimes et pour procéder aux enquêtes. La durée de l'information judiciaire est toutefois encadrée par le code de procédure pénale. C'est le sens de l'article 175-2 qui prévoit que « la durée de l'instruction ne peut excéder un délai raisonnable au regard de la gravité des faits reprochés à la personne mise en examen, de la complexité des investigations nécessaires à la manifestation de la vérité et de l'exercice des droits de la défense ». Dès la mise en oeuvre du CJPM, une attention particulière a par ailleurs été portée aux moyens humains. Ainsi, 94 postes ont notamment été créés en 2020 pour la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), ainsi que 86 emplois de justice de proximité. Cet effort s'accentue avec le projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de la Justice (LOPJ) 2023-2027. Ainsi, au titre de l'année 2023, 92 emplois ont été créés pour la PJJ. Ces emplois sont destinés principalement à accompagner le plan d'actions sur l'insertion (création de postes de correspondant insertion, création et transformation d'unités éducatives d'activité de jour) et permettre la mise en oeuvre des mesures sur le placement (création de postes d'infirmier et de conseiller technique « placement » notamment). Sur l'ensemble du quinquennal 2023-2027, la création d'environ 400 emplois pour la DPJJ (y compris les 92 emplois créés en 2023) est prévue et permettra la poursuite et le renforcement de ces actions. Le rapport définissant les orientations et la programmation des moyens du ministère de la Justice pour la période 2023-2027, annexé au projet de LOPJ, souligne la nécessité de renforcer l'attractivité des métiers, y compris celle des éducateurs et des personnels d'insertion et de probation, intervenants judiciaires chargés de veiller au respect des mesures de sûreté dont les mesures de contrôle judiciaire. Un plan d'action pour la PJJ a en outre été adopté, visant à rénover le dispositif d'insertion, garantir une offre de prise en charge sur l'ensemble du territoire et consolider les partenariats (ex : partenariat entre le ministère des Armées et la direction de la protection judiciaire de la jeunesse (DPJJ) pour étendre aux mineurs pris en charge par la PJJ les dispositifs créés par les armées à destination des jeunes publics en difficulté). Le dispositif de placement sera parallèlement rénové pour éviter les ruptures de parcours et mieux répondre aux besoins de l'autorité judiciaire. Enfin, l'article L. 112-1 du CJPM prévoit la possibilité pour le juge de prononcer une mesure éducative judiciaire (provisoire ou non), assortie d'un module de santé qui peut consister notamment en un placement dans un établissement de santé ou dans un établissement médico-social. Contrairement à l'obligation de soins, il ne s'agit pas d'une mesure judiciaire contraignante. Un premier bilan effectué par la PJJ montre que ce module de santé nécessite d'être retravaillé avec les juridictions car sa mise en place est très inégale selon les territoires et il est quelquefois prononcé en lieu et place d'une obligation de soins. Les directions interrégionales de la PJJ se sont investies de manière importante afin de constituer des annuaires et des listes de partenaires de soin (secteurs de pédopsychiatrie, centres d'examen de santé de la caisse primaire d'assurance maladie, centres de prévention et de prise en charge des addictions, …). Mais l'offre de santé, dans certains territoires, s'avère difficile d'accès du fait de la désertification médicale (spécialement pour les services de pédopsychiatrie) et d'une offre d'accompagnement médicosociale souvent restreinte et saturée. C'est pourquoi la charte de partenariat en santé publique 2022-2026, signée par la direction générale de la santé et la PJJ, inclut la mise en oeuvre du module de santé et sa déclinaison opérationnelle, en lien avec les agences régionales de santé. Ainsi, des programmes régionaux de santé sont en cours d'élaboration, en particulier des projets territoriaux de santé mentale, afin d'améliorer la prise en charge par les services de pédopsychiatrie des jeunes suivis par la PJJ.

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