Question de M. REDON-SARRAZY Christian (Haute-Vienne - SER) publiée le 18/05/2023

M. Christian Redon-Sarrazy attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur la stagnation du projet de création d'une cinquième école nationale vétérinaire à Limoges.
Ce projet d'école publique, initié par le président de la région Nouvelle-Aquitaine en février 2020, vise à compléter les dispositifs actuels de formation, en s'appuyant sur les besoins spécifiques de l'activité vétérinaire en zone rurale. Il a donné lieu à de multiples échanges avec les ministères de l'agriculture et de l'enseignement supérieur pour sa réalisation. À ce jour cependant, aucune avancée n'a été obtenue et le projet semble au point mort. Certaines sources avancent que le Gouvernement envisagerait une augmentation des effectifs des quatre écoles nationales vétérinaires existantes plutôt que de soutenir la création d'un cinquième établissement.

Pourtant, la position de la région Nouvelle-Aquitaine en tant que première région agricole française et européenne plaide en faveur de cette création. Son implantation à Limoges serait particulièrement pertinente alors que les besoins en vétérinaires ruraux sont importants, et également dans l'optique d'ouvrir, en s'appuyant sur les facultés de médecine et de pharmacie locales, un pôle de recherche unique en France dans les domaines de la médecine vétérinaire et humaine.

La région Nouvelle-Aquitaine est prête à financer une partie de l'implantation de la nouvelle école, mais a naturellement besoin du soutien de l'État pour concrétiser ce projet.
Au vu d'un constat sans appel qui voit seulement 48 % des professionnels vétérinaires formés en France, il lui demande donc si l'État entend s'engager clairement dans ce projet essentiel pour les territoires agricoles concernés.

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Réponse du Ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire publiée le 02/06/2023

Réponse apportée en séance publique le 01/06/2023

M. le président. La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy, auteur de la question n° 688, adressée à M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.

M. Christian Redon-Sarrazy. Le conseil régional de Nouvelle-Aquitaine porte un projet de création d'une cinquième école nationale vétérinaire, à Limoges.

L'objectif principal est de répondre à la déprise vétérinaire en zone rurale. Première région agricole d'Europe et de France, la Nouvelle-Aquitaine souffre en effet d'une chute de près de 20 % en cinq ans du nombre de vétérinaires spécialisés en animaux de rente, et elle n'est pas la seule région dans cette situation.

En second lieu, le choix d'implanter cette nouvelle école à Limoges permettrait d'ouvrir, en s'appuyant sur les facultés de médecine et de pharmacie de l'université de Limoges, un pôle de recherche unique en France dans les domaines de la médecine vétérinaire et humaine.

Cette démarche s'inscrit dans la logique de la stratégie One Health, portée par la région, de manière à repenser l'approche sanitaire de la santé humaine et animale de façon globale - c'est d'autant plus utile au regard de la récente pandémie.

Il s'agit d'organiser un écosystème fédérant les praticiens vétérinaires, les formations universitaires, les laboratoires de recherche et les entreprises leaders du secteur.

La future école vétérinaire serait innovante à plus d'un titre : école publique avec classe préparatoire intégrée aux cinq années d'études, recrutement drainant de nouveaux profils issus du monde agricole et rural, approche pédagogique innovante ouverte sur la pratique.

La région Nouvelle-Aquitaine est prête à financer une partie de l'implantation de la nouvelle école, mais a naturellement besoin du soutien de l'État pour concrétiser ce projet. Or, à ce jour, aucune avancée n'a été obtenue, et le projet semble, hélas, au point mort.

L'État entend-il s'engager clairement dans ce projet essentiel pour la Haute-Vienne et la région Nouvelle-Aquitaine ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire. Monsieur le sénateur, vous m'interrogez sur le projet de création d'une école vétérinaire. C'est l'une des voies explorées par le conseil régional de Nouvelle-Aquitaine et par son président Alain Rousset pour lutter contre la désertification vétérinaire.

Au niveau national, pour faire face à ce problème, nous avons réformé les études vétérinaires et ouvert un concours post-bac pour permettre à des jeunes, notamment ruraux, d'accéder à ces études.

Nous avons adopté un plan de renforcement des quatre écoles nationales vétérinaires existantes et créé une école vétérinaire privée en 2022.

Nous avons instauré des stages tuteurés en milieu rural de dix-huit semaines - c'est un élément d'attractivité - et mis en oeuvre un plan de soutien à l'installation et au maintien des vétérinaires dans les zones rurales - les expérimentations qui ont eu lieu sont prêtes à être étendues et c'est plutôt efficace. En tout cas, nous essayons d'anticiper sur ce sujet, qui demeure largement devant nous.

Concrètement, à l'horizon de 2030, quelque 840 vétérinaires seront formés chaque année en France, soit 75 % de plus qu'en 2017.

J'ai évoqué le projet de Nouvelle-Aquitaine avec le président Rousset et j'ai missionné le Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) de mon ministère. La temporalité que j'ai fixée est connue : d'ici à la fin d'année. Le calendrier de cette étude dont j'ai pris l'initiative est respecté.

Il s'agit de documenter les besoins et voir si cette école pourrait y répondre, en premier lieu en étudiant la démographie vétérinaire, en second lieu en envisageant les moyens de faciliter et de sécuriser l'installation des jeunes diplômés dans la profession et dans les territoires concernés - Limoges et son environnement -, en troisième lieu en examinant l'opportunité financière et juridique de la création d'une telle école.

La décision ministérielle sera prise sur la base de cette étude du Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux. Vous le savez, je suis attentif aux observations du président Rousset et aux questions de démographie vétérinaire.

Si nous devions installer une école vétérinaire, il faudrait le faire dans des conditions viables et en lui permettant de répondre aux enjeux de démographie vétérinaire. Telle est la mission confiée au CGAAER, dont j'attends les conclusions d'ici à la fin de l'année.

M. le président. La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy, pour la réplique.

M. Christian Redon-Sarrazy. Je vous remercie, monsieur le ministre, de votre réponse. Vous comprenez que nous sommes un peu impatients...

Je voudrais tout même rappeler que seulement 48 % de nos professionnels vétérinaires sont formés en France.

Vous avez omis le lien avec la recherche et l'université de Limoges. C'est un point très intéressant à explorer dans le cadre du projet One Health, que j'ai évoqué.

La situation des vétérinaires en zone rurale, d'élevage en particulier, est préoccupante. Les praticiens en exercice auprès des animaux de production ne représentent plus que 19 % des inscrits à l'Ordre national des vétérinaires.

Cela a de lourdes conséquences, que l'on mesure d'ores et déjà : des délais d'intervention allongés, un impact sur la situation sanitaire animale et des pertes économiques importantes. Les quatre écoles sont saturées. Il est certes prévu de les renforcer, mais je ne pense pas que cela soit suffisant.

De nombreux étudiants continuent à partir se former à l'étranger, où les études sont plus courtes et moins onéreuses. Pour le premier pays agricole d'Europe, convenez que c'est une problématique majeure, qui aura, et qui a même déjà, des conséquences sur l'avenir de l'élevage dans les territoires.

Lorsque les collectivités locales proposent un projet innovant, l'État doit répondre présent pour les soutenir.

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